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c'est un rhéteur qui écrivoit avec quelque élé- | se maintienne parmi les hommes, je prétends gance, qui a semé quelques fleurs dans ses que c'est justement qu'on soutient les lois de écrits, et qui n'avoit point de génie. Mais les son pays, et que c'est à bon titre qu'on en fait hommes médiocres aiment leurs semblables, et dépendre la justice. Sans cela, il n'y auroit plus les rhéteurs le soutiennent encore dans le dé- de règle dans la société, ce qui seroit un plus clin de sa réputation. grand mal que celui des particuliers lésés par les lois.

PASCAL.

N'y a-t-il point sous le beau règne de Louis XIV d'autre écrivain de prose, de génie?

FÉNELON.

C'est un mérite qu'on ne peut refuser à La Bruyère. Il n'avoit ni votre profondeur, ni l'élévation de Bossuet, ni les graces que vous me trouvez; mais il étoit un peintre admirable.

PASCAL.

En vérité, ce nombre est bien petit; mais le génie est rare dans tous les temps et dans tous les genres: on a vu passer plusieurs siècles sans qu'il parût un seul homme d'un vrai génie.

DIALOGUE VI.

MONTAIGNE ET CHARRON.

CHARRON.

Expliquons-nous, mon cher Montaigne, puisque nous le pouvons présentement. Que vouliez-vous insinuer quand vous avez dit : Plaisante justice qu'une rivière ou une montagne borne! Vérité au-delà des Pyrénées, erreur audeçà? Avez-vous prétendu qu'il n'y eût pas une vérité et une justice réelle?

MONTAIGNE.

J'ai prétendu, mon cher ami, que la plupart des lois étoient arbitraires, que le caprice des hommes les avoit faites, ou que la violence les avoit imposées. Ainsi elles se sont trouvées fort différentes selon les pays, et quelquefois très peu conformes aux lois de l'équité naturelle. Mais comme il n'est pas possible que l'égalité

CHARRON.

Mais, dites-moi, parmi ces lois et ces coutumes différentes, croyez-vous qu'il s'en trouve quelques unes de plus conformes à la raison et à l'équité naturelle que les autres?

L'auteur cite ici les paroles de Pascal (Voyez ses Pensées). Montaigne, de qui Pascal a emprunté cette idée, s'est servi des paroles suivantes : « Quelle beauté est-ce que ie voyois hier en cresdit, et demain ne l'estre plus? Quelle verité est-ce que ces montagnes bornent? Mensonge au monde qui se tient audela. ESSAIS, liv. II, chap. 2. S.

MONTAIGNE.

Oui, mon ami, je le crois; et cependant je ne pense pas que ce fût un bien de changer celles qui paroissent moins justes: car, en général, le genre humain souffre moins des lois injustes que du changement des lois; mais il y a des occasions et des circonstances qui le demandent.

CHARRON.

Et quelles sont ces circonstances où l'on peut justement et sagement changer les lois?

MONTAIGNE.

C'est sur quoi il est difficile de donner des règles générales. Mais les bons esprits, lorsqu'ils sont instruits de l'état d'une nation, sentent ce que l'on peut et ce qu'on doit tenter ; ils connoissent le génie des peuples, leurs besoins, leurs vœux, leur puissance; ils savent quel est l'intérêt général et dominant de l'État ; ils règlent là-dessus leurs entreprises et leur conduite.

CHARRON.

peu

"

Il faut avouer qu'il a bien d'hommes assez habiles pour juger d'un si grand objet. peser les fruits et les inconvénients de leurs démarches, et embrasser d'un coup d'œil toutes les suites d'un gouvernement qui influe quelquefois sur plusieurs siècles, et qui est assujetti pour son succès à la disposition et au ministère des États voisins.

MONTAIGNE.

C'est ce qui fait, mon cher Charron, qu'il y a si peu de grands rois et de grands ministres.

CHARRON.

S'il vous falloit choisir entre les hommes qui ont gouverné l'Europe depuis quelques siècles, auquel donneriez-vous la préférence?

MONTAIGNE.

Je serois bien embarrassé. Charles-Quint, Louis XII, Louis XIV, le cardinal de Richelieu, le chancelier Oxenstiern, le duc d'Olivarès, Sixte-Quint et la reine Élisabeth ont tous gouverné avec succès et avec gloire, mais avec des principes, des moyens et une politique différente.

CHARRON.

C'est que l'état, la puissance, les mœurs, la religion, etc., des peuples qu'ils gouvernoient différoient aussi beaucoup, et qu'ils ne se sont point trouvés dans les mêmes circonstances.

MONTAIGNE.

Quand ils se seroient trouvés dans la même position, et qu'ils auroient eu à gouverner dans les mêmes circonstances les mêmes peuples, il ne faut pas croire qu'ils eussent suivi les mêmes maximes et formé les mêmes plans; car il ne faut pas croire qu'on soit assujetti à un seul plan pour régner avec gloire. Chacun, en suivant son génie particulier, peut exécuter de grandes choses. Le cardinal Ximenès n'auroit point gouverné la France comme celui de Richelieu, et l'auroit vraisemblablement bien gouvernée. Il y a plusieurs moyens d'arriver au même but. On peut même se proposer un but différent, et que celui qu'on se propose et celui qu'on néglige soient accompagnés de biens et d'inconvénients égaux; car vous savez qu'il y a en toutes choses des inconvénients inévitables.

DIALOGUE VII.

UN AMÉRICAIN ET UN PORTUGAIS.
L'AMÉRICAIN.

Vous ne me persuaderez point. Je suis très convaincu que votre luxe, votre politesse et vos

• Comme celui de Richelieu; cette incorrection se trouve dans le manuscrit; il faudroit répéter le cardinal, ou dire, comme Richelieu. B.

arts n'ont fait qu'augmenter nos besoins, corrompre nos mœurs, allumer davantage notre nous suivions les lois avant de vous connoître. en un mot, corrompre la nature dont

LE PORTUGAIS.

Mais qu'appelez-vous donc les lois de la nature? Suiviez-vous en toutes choses votre instinct? Ne l'aviez-vous pas assujetti à de certaines règles pour le bien de la société?

L'AMÉRICAIN.

Oui; mais ces règles étoient conformes à la raison.

LE PORTUGAIS.

Je vous demande encore ce que vous appelez la raison. N'est-ce pas une lumière que tous les hommes apportent au monde en naissant? Cette lumière ne s'augmente-t-elle point par l'expé rience, par l'application? N'est-elle pas plus vive dans quelques esprits que dans les autres? De plus, ce concours de réflexions et l'expérience d'un grand nombre d'hommes ne donnent-ils pas plus d'étendue et plus de vivacité à cette lumière?

L'AMÉRICAIN.

Il y a quelque chose de vrai à ce que vous dites. Cette lumière naturelle peut s'augmenter, et la raison par conséquent se perfectionner....

LE PORTUGAIS.

Si cela est ainsi, voilà la source de nouvelles lois, voilà de nouvelles règles prescrites à l'instinct, et par conséquent un changement avantageux dans la nature. Je parle ici de la nature de l'homme, qui n'est autre chose que le concours de son instinct et de sa raison.

L'AMÉRICAIN.

Mais nous appelons la nature le sentiment et non la raison.

LE PORTUGAIS.

Est-ce que la raison n'est pas naturelle à l'homme comme le sentiment? N'est-il pas né pour réfléchir comme pour sentir? et sa nature n'est-elle pas composée de ces deux qualités? L'AMÉRICAIN.

Oui, j'en veux bien convenir; mais je crois

qu'il y a un certain degré au-delà duquel la | raison s'égare lorsqu'elle veut pénétrer. Je crois que le genre humain est parvenu de bonne heure à ce point de lumière qui est à la raison ce que la maturité est aux fruits.

LE PORTUGAIS.

Vous comparez donc le génie du genre humain à un grand arbre qui n'a porté des fruits mûrs qu'avec le temps, mais qui ensuite a dégénéré et a perdu sa fécondité avec sa force?

L'AMÉRICAIN.

Cette comparaison me paroît juste.

LE PORTUGAIS.

Mais qui vous a dit que vous eussiez atteint en Amérique ce point de maturité? qui vous a dit qu'après l'avoir acquis, vous ne l'aviez pas perdu? Ne pourrois-je pas comparer les arts que nous vous avons apportés d'Europe, à la douce influence du printemps qui ranime la terre languissante et rend aux plantes leurs fleurs et leurs fruits? L'ignorance et la barbarie avoient ravagé la raison dans vos contrées comme l'hiver désole les campagnes. Nous vous avons rapporté la lumière que la barbarie avoit éteinte dans vos ames.

maturité et sa perfection, ainsi que tous les autres êtres de la terre; car nous ne voyons rien qui n'ait sa croissance, sa maturité, ses changements et son déclin. Mais il ne m'appartient point de déterminer si les arts et la politesse ont apporté le vrai bien aux hommes, et enfin si la nature humaine a attendu long-temps sa perfection, et en quel lieu ou en quel siècle elle y est parvenue.

L'AMÉRICAIN.

;

Je prétends, au contraire, que vous avez obscurci celle dont nous jouissions. Mais je sens que j'aurois de la peine à vous en convaincre il faudroit entrer dans de grands détails. Et enfin, n'ayant point vécu dans les mêmes principes et dans les mêmes habitudes, nous aurions de la peine à nous accorder sur ce qu'on nomme la vérité, la raison et le bonheur.

LE PORTUGAIS.

Nous aurions moins de disputes là-dessus que

vous ne pensez; carje conviendrois de très bonne foi que la coutume peut plus que la raison humaine pour le bien des hommes,et quela nature, le bonheur, la vérité même, dépendent infiniment d'elle. Mais je suis content des principes que vous m'accordez. Il me suffit que vous croyiez que la nature a pu recevoir du temps sa

DIALOGUE VIII.

PHILIPPE SECOND ET COMINES.

PHILIPPE SECOND.

On dit que vous avez écrit l'histoire de votre maître. Mais comment pouvez-vous le justifier de sa familiarité avec des gens de basse extraction?

COMINES.

Le roi Louis XI étoit populaire et accessible. Il avoit à la vérité de la hauteur, mais sans cette fierté sauvage qui fait mépriser aux princes tous les autres hommes. Le roi, mon maître, ne se bornoit point à connoître sa cour et les grands du royaume; il connoissoit le caractère et le génie des ministres et des princes étrangers; il avoit des correspondances dans tous les pays; il avoit continuellement les yeux ouverts sur le genre humain, sur toutes les affaires de l'Europe; il recherchoit le mérite dans les sujets les plus obscurs; il savoit vivre familièrement avec ses sujets sans perdre rien de sa dignité, et sans rien relâcher de l'autorité de sa couronne. Les princes foibles et vains comme vous ne voient que ce qui les approche; ils ne connoissent jamais que l'extérieur des hommes, ils ne pénètrent jamais le fond de leur cœur; et comme ils ne les connoissent point assez, ils ne savent point s'en servir. Louis XI choisissoit lui-même tous les gens qu'il employoit dans les affaires. Il avoit une ame pro

fonde qui ne pouvoit se contenter de connoître superficiellement les dehors des hommes, et de

1 Comines (Philippe de La Clite de), d'autres écrivent à tort

Commines, historien de Louis XI, naquit au château de ce nom, à quelques lieues de Lille, en 4445, et mourut en 1509 au château d'Argenton, le 47 août, suivant Swertius, le 17 octobre, suivant Vossius. B.

quelques hommes; il aimoit à descendre dans | d'intérêt à tout. Mais les hommes de ce caracles derniers replis du cœur; il cherchoit dans tère ne font rien d'inutile, savent employer tout tous les états des gens d'esprit ; il démêloit leurs leur temps, ont un esprit vif qui rencontre talents, il les employoit. Pour tout cela, vous d'abord le nœud et la source de chaque chose, sentez bien qu'il falloit se familiariser avec les qui marche légèrement et rapidement1. hommes. C'étoit dans ce commerce familier, dans ces soupers qu'il faisoit à Paris avec la bourgeoisie, dans les entretiens secrets qu'il avoit avec des personnes de tous les états, qu'il apprenoit à déployer toutes les ressources de son génie, qu'il tiroit du fond du cœur de ses sujets la vérité, qu'on cache aux princes orgueilleux et impraticables. C'est ainsi qu'il avoit cultivé ce génie simple et pénétrant qu'il avoit reçu de la nature aussi s'étoit-il rendu plus habile qu'aucun des ministres qu'il employoit. Il étoit l'ame de tous ses conseils; savoit tout ce

Nos rois furent plus habiles que la haute noblesse ; ils se conci

lièrent l'amour et l'estime du tiers-état : ils accordèrent quelpeuple toute la liberté et les droits dont il auroit dû jouir d'après ques priviléges aux communes, mais ils ne donnèrent pas au les constitutions primitives de la monarchie. Toutefois ces conces sions les rendirent populaires, et, dans aucun pays de l'Europe, les souverains n'ont été plus aimés de leurs sujets qu'en France. Ce fut donc par des vues politiques que Louis XI se familiarisoit avec les bourgeois de Paris, et ne dédaignoit point de les admettre dans sa confiance. Leur affection lui fut plus d'une

il les fit servir à ses projets sans rien faire pour eux et pour la nation en général.

qui se passoit dans son État; avoit un esprit vaste qui ne perdoit point de vue les petits objets au milieu des grandes affaires, qui suivoit tout, qui voyoit tout, qui ne laissoit rien échapper. C'étoit une ame qui, par son activité et son étendue, paroissoit se multiplier pour suffire à tout; qui jouissoit véritablement de la royauté, parcequ'il animoit tous les ressorts de son empire, et qu'il suivoit toutes choses jusqu'à leur racine. Un esprit borné et pesant ne voit que ce qui l'environne; il ne regarde jamais ni le passé ni l'avenir; il voit disparoître autour de lui ses amis, ses supports, ses connoissances, presque sans s'en apercevoir. Son fois utile dans les différentes guerres qu'il eut à soutenir; mais ame est toute concentrée sur elle-même ; elle ne sort point de la sphère étroite que la nature lui a prescrite; elle s'appesantit sur elle-même; tous les évènements du monde passent devant elle comme des songes légers qui se perdent sans retour. Une grande ame au contraire ne perd rien de vue; le passé, le présent et l'avenir sont immobiles devant ses yeux. Elle porte sa vue loin d'elle; elle embrasse cette distance énorme qui est entre les grands et le peuple, entre les affaires générales de l'univers et les Louis XI rapportoit tout à son intérêt. L'amitié ni la reconintérêts des particuliers les plus obscurs; elle noissance n'entrèrent jamais dans son cœur. Fils ingrat, père incorpore à soi toutes les choses de la terre; dénaturé, maître cruel, roi sanguinaire et superstitieux, il ne fut vraiment habile que dans l'art de tromper. On le soupçonne elle tient à tout; tout la touche rien ne lui est d'avoir fait empoisonner son frère le duc de Berry. Il est le seul étranger; ni la différence infinie des mœurs, roi dans l'histoire qui, par le raffinement de sa cruauté, ait ni celle des conditions, ni celle des pays, ni la rut en lâche. Il auroit fallu un Tacite ou un Montesquieu pour rendu la justice même odieuse. Enfin il vécut en tyran et moudistance des temps, ne l'empêchent de rappro-écrire son histoire. On dit que ce dernier s'en étoit occupé et cher toutes les choses humaines, de s'unir C'est une perte qui peut-être ne sera jamais réparée. S. par mégarde son secrétaire avoit jeté le manuscrit au feu.

:

DIALOGUE IX.

CÉSAR ET BRUTUS.
CÉSAR.

Mon ami, pourquoi me fuis-tu? n'as-tu pas

Il n'y a dans ce discours de Comines que quelques traits qui

conviennent à Louis XI. Il étoit populaire et accessible, mais par nécessité plutôt que par inclination. Dans la lutte qui s'étoit engagée entre le souverain et les grands vassaux de la couronne, nestes pour eux et pour la nation : ils séparèrent leurs intérèls

ceux-ci commirent une faute dont les conséquences ont été fu

de l'intérêt du peuple, et se crurent assez forts par eux-mêmes pour maintenir les prérogatives qu'ils avoient usurpées dans des

temps d'anarchie, et sous des rois foibles. S'ils s'étoient appuyés du peuple, comme les barons d'Angleterre avoient fait dans des circonstances semblables, ils auroient pu conserver comme eux joui de ses anciens priviléges; l'équilibre se seroit établi naturellement entre les divers ordres de l'État, et auroit prévenu les guerres et les révolutions qui depuis trois siècles ont tourmenté la France.

une influence directe sur le gouvernement, et la nation auroit

Quelques historiens, entre autres Duclos, ont cherché à nons

donner une haute idée du génie politique de Louis XI : il est vrai qu'il réunit à la couronne plusieurs provinces, et qu'il qui suffiroient pour faire douter s'il ne dut pas ses succès à la

abaissa l'orgueil des grands; mais il commit deux fautes capitales

fortune plutôt qu'à sa prudence. La première fut de se livrer entre les mains de Charles le Téméraire, qui le força d'assister à la prise de la ville de Liége dont il étoit l'allié et le protecteur; la seconde, plus grave encore, fut de ne pas prévenir le mariage de Marie de Bourgogne avec l'empereur Maximilien, union qui a été pour la France pendant plusieurs siècles une source de guerres et de calamités.

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CÉSAR.

Tu étois né humain et compatissant: tu n'as été cruel que pour moi seul, qui t'aimois avec tendresse.

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CÉSAR.

Tu dis vrai le mérite inspire du respect; mais il n'y a que la jeunesse qui soit aimable. C'est une vérité affreuse. Il est horrible d'avoir encore un cœur sensible à l'amitié, et d'être privé des graces qui l'inspirent.

BRUTUS.

BRUTUS.

Je m'étois laissé imposer par les discours et D'où naissoit dans ton cœur cette amitié que la philosophie de Caton; j'aimois ardemment la j'avois si peu méritée ?

CÉSAR.

gloire cette passion étouffa dans mon cœur toutes les autres. Mais daigne croire qu'il m'en a coûté pour trahir ce que je devois à ton amitié et à ton mérite.

Ta jeunesse m'avoit séduit, et ton ame fière et sensible avoit touché la mienne.

BRUTUS.

Voilà la source de l'ingratitude des jeunes gens. L'amitié de leurs parents, de leurs bienfaiteurs, leur est souvent onéreuse. Cependant je crois que les belles ames peuvent surmonter leur instinct ou sortir en ce point des règles générales.

Non, mais le respect l'affoiblit; et peut-être qu'il y a un âge où l'on ne peut plus être aimé.

CÉSAR.

La tienne étoit haute et sensible, et cependant.....

CÉSAR.

Va, je t'ai pardonné même en mourant. L'amitié va plus loin que la vertu, et passe en magnanimité la philosophie que tu as préférée.

BRUTUS.

Tu parles de l'amitié des grandes ames telles que la tienne. Mais ce pardon généreux que tu m'accordes augmente mon repentir; et je n'ai de regret à la vie que par l'impuissance où me met la mort de te témoigner ma reconnoissance.

DIALOGUE X.

MOLIÈRE ET UN JEUNE HOMME.

LE JEUNE HOMME.

Je suis charmé de vous voir, divin Molière. Vous avez rempli toute l'Europe de votre nom, et la réputation de vos ouvrages augmente de jour à autre dans le monde.

MOLIÈRE.

Je ne suis point touché, mon cher ami, de

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