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anciennes. Héritiers des siècles qui nous précè- | parcequ'il aura peint un grand personnage; et

dent, nous devons être plus riches des biens de l'esprit. Cela ne peut guère nous être contesté sans injustice; mais nous aurions tort nousmêmes de confondre cette richesse héritée et empruntée, avec le génie qui la donne. Combien de ces connoissances que nous prisons tant, sont stériles pour nous! Étrangères dans notre esprit, où elles n'ont pas pris naissance, il arrive souvent qu'elles confondent notre jugement beaucoup plus qu'elles ne l'éclairent. Nous plions sous le poids de tant d'idées, comme ces États qui succombent par trop de conquêtes, où la prospérité et les richesses corrompent les mœurs, et où la vertu s'ensevelit sous sa propre gloire '.

Parlerai-je comme je pense? Quelque lumière qu'on acquière encore, et en quel siècle que ce puisse, je crois que l'on verra toujours parmi les hommes ce qu'on voit dans les plus puissantes monarchies, je veux dire que le plus grand nombre des esprits y sera peuple, comme l'est dans tous les empires la meilleure partie des hommes.

À la vérité on ne croira plus aux sorciers et au sabbat 3 dans un siècle tel que le nôtre; mais on croira encore à Calvin 4 et à Luther 5. On parlera de beaucoup de choses, comme si elles étoient évidemment connues, et on disputera en même temps de toutes choses, comme si toutes étoient incertaines. On blâmera un homme de ses vices, et on ne saura point s'il y a des vices. On dira d'un poëte qu'il est sublime,

On voit que Vauvenargues désigne ici les Romains, qui, parvenus à la plus haute puissance du temps de César et d'Auguste, ne purent conserver leurs mœurs ni leur liberté, et dont la prospérité cansa l'esclavage et la corruption. F.

2 On trouve dans les registres du parlement de Paris une très grande quantité d'arrêts qui ont condamné des sorciers au feu; et le 22 décembre 1694, des bergers de Brie furent condamnés à faire amende honorable et à étre pendus et brûlés, comme

ces sentiments héroïques qui font la grandeur du tableau, on les méprisera dans l'original. L'effet d'une grande multiplicité d'idées, c'est d'entraîner dans des contradictions les esprits foibles. L'effet de la science est d'ébranler la certitude et de confondre les principes les plus manifestes.

Nous nous étonnons cependant des erreurs prodigieuses de nos pères. Quelles bonnes gens, disons-nous, que les Égyptiens qui ont adoré des choux et des ognons! Pour moi, je ne vois pas que ces superstitions témoignent plus particulièrement que d'autres choses, la petitesse de l'esprit humain. Si j'avois eu le malheur de naître dans un pays où l'on m'eût enseigné que la Divinité se plaisoit à se reposer dans les tulipes; qu'on m'eût dit que c'étoit un mystère que je ne comprenois pas, parcequ'il n'appartenoit pas à un homme de juger des choses surnaturelles, ni même de beaucoup de choses naturelles; que l'on m'eût assuré que cette doctrine avoit été confirmée par des prodiges, et que je risquois de tout perdre si je refusois de la croire; soit raison, soit timidité sur un intérêt capital, soit connoissance de ma propre foiblesse, je sens que j'aurois déféré à l'autorité de tout un peuple, à celle du gouvernement, au témoignage successif de plusieurs siècles, et à l'instruction de mes pères. Ainsi je ne suis point surpris que de si grandes superstitions se soient acquises quelque autorité 1. Il n'y a rien que la crainte et l'espérance ne persuadent aux hommes, principalement dans les choses qui passent la portée de leur esprit, et qui intéressent leur cœur.

Qu'on ait cru encore dans les siècles d'ignorance l'impossibilité des antipodes, ou telle autre opinion que l'on reçoit sans examen, ou qu'on n'a pas même les d'examiner, moyens

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atteints et convaincus de superstitions, impiétés, sacriléges, cela ne m'étonne en aucune manière; mais que profanations, poisons, maléfices, et d'avoir fait mourir des chevaux et des bestiaux. Il n'y avoit donc pas long-temps, lors

que l'auteur écrivoit, que l'on ne croyoit plus aux sorciers. F. 3 D'anciens capitulaires du neuvième siècle recommandent aux pasteurs de l'Église chrétienne de désabuser les fidèles sur ce que l'on disoit de plusieurs femmes, qu'elles alloient au sabbat. On voit par-là combien cette croyance étoit ancienne. F. 4 Jean Calvin mourut en 1564, laissant un nom célèbre, beaucoup de partisans, et encore plus d'ennemis.

5 Martin Luther mourut en 4546. Ses sectateurs, pendant le seizième siècle, prirent la devise: Plutót Turc que Papiste.

tous les jours, sur les choses qui nous sont les plus familières et que nous avons le plus examinées, nous prenions néanmoins le change, que nous ne puissions avoir une heure de con

Il faut se soient acquis. S.

2 Qu'on ait cru, etc. Je ne crois pas qu'on puisse dire croire une opinion, parcequ'une opinion n'est pas un fait que l'on croit, mais une manière d'envisager ce fait, que l'on reçoit. S.

versation un peu suivie sans nous tromper ou nous contredire, voilà à quoi je reconnois notre foiblesse.

Je cherche quelquefois parmi le peuple l'image de ces mœurs grossières que nous avons tant de peine à comprendre dans les anciens peuples. J'écoute ces hommes si simples: je vois qu'ils s'entretiennent de choses communes, qu'ils n'ont point de principes approfondis, que leur esprit est véritablement barbare comme celui de nos pères, c'est-à-dire inculte et sans politesse. Mais je ne trouve pas qu'ils fassent de plus faux raisonnements que les gens du monde; je vois au contraire que leurs pensées sont plus naturelles, et qu'il s'en faut de beaucoup que les simplicités de l'ignorance soient aussi éloignées de la vérité, que les subtilités de la science et l'imposture de l'affectation.

Ainsi jugeant des mœurs anciennes par ce que je vois des mœurs du peuple qui me représente les premiers temps, je crois que je me serois fort accommodé de vivre à Thèbes, à Memphis, à Babylone. Je me serois passé de nos manufactures, de la poudre à canon, de la boussole et de nos autres inventions modernes, ainsi que de notre philosophie. Je n'estime pas plus les Hollandois pour avoir un commerce si étendu, que je méprise les Romains pour l'avoir si long-temps négligé. Je sais qu'il est bon d'avoir des vaisseaux, puisque le roi d'Angleterre en a, et qu'étant accoutumés, comme nous sommes, à prendre du café et du chocolat, il seroit fâcheux de perdre le commerce des îles. Mais Xénophon n'a point joui de ces délicatesses, et il ne m'en paroît ni moins heureux, ni moins honnête homme, ni moins grand homme. Que dirai-je encore? Le bonheur d'être né chrétien et catholique ne peut être comparé à aucun autre bien. Mais s'il me falloit être quaker ou monothélite, j'aimerois presque autant le culte des Chinois 3 ou celui des anciens Romains 4.

• Que je méprise. Il faut, je crois, que je ne méprise. S. › Comme nous sommes. Il faut comme nous le sommes. S. 3 On a beaucoup disputé sur la religion des Chinois, qui n'est pas encore bien connue. Mais la morale de Confucius, leur législateur, mérite d'etre étudiée. Je citerai pour exemple cette maxime: Gouvernez de manière que ceux qui sont près de vous vivent heureux, et que ceux qui en sont éloignés vien nent se soumettre à vos lois. B.

4 Le Polythéisme des anciens Romains n'a-t-il pas trouvé des défenseurs même parmi les modernes ? F.

Si la barbarie consistoit uniquement dans l'ignorance, certainement les nations les plus polies de l'antiquité seroient extrêmement barbares vis-à-vis de nous. Mais si la corruption de l'art, si l'abus des règles, si les conséquences mal tirées des bons principes, si les fausses applications, si l'incertitude des opinions, si l'affectation, si la vanité, si les mœurs frivoles ne méritent pas moins ce nom que l'ignorance, qu'est-ce alors que la politesse dont nous nous vantons?

Ce n'est pas la pure nature qui est barbare, c'est tout ce qui s'éloigne trop de la belle nature et de la raison. Les cabanes des premiers hommes ne prouvent pas qu'ils manquassent de goût: elles témoignent seulement qu'ils manquoient des règles de l'architecture. Mais quand on eut connu ces belles règles dont je parle, et qu'au lieu de les suivre exactement on voulut enchérir sur leur noblesse, charger d'ornements superflus les bâtiments, et à force d'art faire disparoître la simplicité, alors ce fut, à mon sens, une véritable barbarie, et la preuve du mauvais goût. Suivant ces principes, les dieux et les héros d'Homère, peints naïvement par le poëte d'après les idées de son siècle, ne font pas que l'Iliade soit un poëme barbare, car elle est un tableau très passionné, sinon de la belle nature, du moins de la nature. Mais un ouvrage véritablement barbare, c'est un poëme où l'on n'aperçoit que de l'art, où le vrai ne règne jamais dans les expressions et les images, où les sentiments sont guindés, où les ornements sont superflus et hors de leur place.

Je vois de fort grands philosophes qui veulent bien fermer les yeux sur ces défauts, et qui passent d'abord à ce qu'il y a de plus étrange dans les moeurs anciennes. Immoler, disent-ils, des hommes à la divinité1! verser le sang humain pour honorer les funérailles des grands, etc.!

Ce reproche ne peut être fait à toutes les nations anciennes. Que ne doit-on pas aux Romains, s'écrie Pline le naturaliste, livre XXX, chap. I, qui ont interdit ces sacrifices monstrueux où les hommes étoient victimes? F.

→ Ces sanglantes funérailles peuvent aussi être reprochées aux modernes, puisque chez le peuple le plus doux et le plus policé peut-être, à la Chine, en 1660, l'empereur Chun-Tchi, ayant perdu une de ses épouses, fit sacrifier plus de trente esclaves sur le tombeau de cette feinme chérie ; à la vérité, c'étoit un Tartare. Voyez tome I, page 43 du Discours préliminaire de l'Histoire générale de la Chine, traduite du Tong-Hien-Hang

Je ne prétends point justifier de telles horreurs; | peuple dont je veux parler n'est point celui qui mais je dis Que nous sont ces hommes que je n'emporte, dans sa définition, que les condivois couchés dans nos places et sur les degrés de nos temples, ces spectres vivants que la faim, la douleur et les maladies précipitent vers le tombeau? Des hommes plongés dans les superfluités et les délices voient périr tranquillement d'autres hommes que la calamité et la misère emportent à la fleur de leur àge. Cela paroît-il moins féroce? et lequel mérite le mieux le nom de barbarie, d'un sacrifice impie fait par l'ignorance, ou d'une inhumanité commise de sang-froid et avec une entière connoissance?

Pourquoi dissimulerois-je ici ce que je pense? Je sais que nous avons des connoissances que les anciens n'avoient pas. Nous sommes meilleurs philosophes à bien des égards; mais pour ce qui est des sentiments, j'avoue que je ne connois guère d'ancien peuple qui nous cède. C'est de ce côté-là, je crois, qu'on peut bien dire qu'il est difficile aux hommes de s'élever au-dessus de l'instinct de la nature. Elle a fait nos ames aussi grandes qu'elles peuvent le devenir, et la hauteur qu'elles empruntent de la réflexion est ordinairement d'autant plus fausse, qu'elle est plus guindée.

Et parceque le goût tient essentiellement au sentiment, je vois qu'on perfectionne en vain nos connoissances: on instruit notre jugement, on n'élève point notre goût. Qu'on joue Pourccaugnac 1 à la Comédie, ou telle autre farce un peu comique, elle n'y attirera pas moins de monde qu'Andromaque: on entendra jusque dans la rue les éclats du parterre enchanté. Qu'il y ait des pantomimes supportables à la Foire, on y courra avec le même empressement. J'ai vu nos petits-maîtres et nos philosophes monter sur les bancs pour voir battre deux polissons. On ne perd pas un geste d'Arlequin; et Pierrot fait rire ce siècle poli et savant qui méprise les pantomimes, et qui néanmoins les enrichit. Le peuple est né en tout temps pour admirer les grandes choses et pour adorer les petites; et ce

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tions subalternes; ce sont tous les esprits que la nature n'a point élevés par un privilége particulier au-dessus de l'ordre commun. Aussi quand quelqu'un vient me dire: Croyez-vous que les Anglais, qui ont tant d'esprit, s'accommodassent des tragédies de Shakspeare, si elles étoient aussi monstrueuses qu'elles nous paroissent1? je ne suis point la dupe de cette objection, et je sais ce que j'en dois croire.

Voilà donc cette politesse et ces mœurs savantes qui font que nous nous préférons avec tant de hauteur aux autres siècles. Nous avons, comme je l'ai dit, quelques connoissances qui leur ont manqué : c'est sur ces vains fondements que nous nous croyons en droit de les mépriser. Mais ces vues plus fines et plus étendues que nous nous attribuons, que d'illusions n'ont-elles pas produites parmi nous? Je n'en citerai qu'un exemple la mode des duels. Qu'on me permette de retoucher un sujet sur lequel on a déja beaucoup écrit. Le duel est né de l'opinion, très naturelle, qu'un homme ne souffroit ordinairement d'injures d'un autre homme, que par foiblesse; mais parceque la force du corps pouvoit donner aux ames timides un avantage très considérable sur les ames fortes, pour mettre de l'égalité dans les combats, et leur donner d'ailleurs plus de décence, nos pères imaginèrent de se battre avec des armes plus meurtrières et plus égales que celles qu'ils tenoient de la nature et il leur parut qu'un combat où l'on pourroit s'arracher la vie d'un seul coup, auroit certainement plus de noblesse qu'une vile lutte où l'on n'auroit pu tout au plus que s'égratigner le visage et s'arracher les cheveux avec les mains. Ainsi ils se flattèrent d'avoir mis dans leurs usages plus de hauteur et de bienséance que les Romains et les Grecs, qui se battoient comme leurs esclaves. Ils ne faisoient pas attention que la nature qui nous inspire de nous venger, pouvoit, en s'élevant encore plus haut, et par une force encore plus grande, nons inspirer de pardonner. Ils oublioient que les hommes étoient obligés de sacrifier souvent leurs passions à la raison. La

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nature disoit bien, à la vérité, aux ames cou- |
rageuses qu'il falloit se venger; mais elle ne
leur disoit pas qu'il fallût toujours se venger et
laver les moindres offenses dans le sang hu-
main. Mais ce que la nature ne leur disoit point,
l'opinion le leur persuada; l'opinion attacha le
dernier opprobre aux injures les plus frivoles,
à une parole, à un geste, soufferts sans retour.
Ainsi le sentiment de la vengeance leur étoit
inspiré par la nature; mais l'excès de la ven-
geance et la nécessité absolue de se venger fu-
rent l'ouvrage de la réflexion. Or, combien n'y
a-t-il pas encore aujourd'hui d'autres usages
que nous honorons du nom de politesse, qui ne
sont que des sentiments de la nature poussés
par l'opinion au-delà de leurs bornes, contre
toutes les lumières de la raison!

car, quand je parle de la vertu, je ne parle point de ces qualités imaginaires qui n'appartiennent pas à la nature humaine : je parle de cette force et de cette grandeur de l'ame qui, comparées aux sentiments des esprits foibles, méritent les noms que je leur donne; je parle d'une grandeur de rapport, et non d'autre chose: car il n'y a rien de grand parmi les hommes que par comparaison. Ainsi, lorsqu'on dit un grand arbre, cela ne veut dire autre chose, si ce n'est qu'il est grand par rapport à d'autres arbres moins élevés, ou par rapport à nos yeux et à notre propre taille. Toute langue n'est que l'expression de ces rapports; et tout l'esprit du monde ne consiste qu'à les bien connoître. Que veulent donc dire ces philosophes? Ils sont hommes, et ne parlent point un langage humain ; ils changent toutes les idées des choses, et abusent de tous les termes.

Un homme qui s'aviseroit de faire un livre pour prouver qu'il n'y a point de nains1, ni de géants2, fondé sur ce que la plus extrême petitesse des uns et la grandeur démesurée des autres demeureroient, en quelque manière, confondues à nos propres yeux, si nous les comparions à la distance de la terre aux astres; ne dirions-nous pas d'un homme qui se donneroit beaucoup de peine pour établir cette vérité, que c'est un pédant qui brouille inutilement toutes nos idées, et ne nous apprend rien que nous ne sachions?

Qu'on ne m'accuse point ici de cette humeur chagrine qui fait regretter le passé, blâmer le présent, et avilir par vanité la nature humaine. En blåmant les défauts de ce siècle, je ne prétends pas lui disputer ses vrais avantages, ni le rappeler à l'ignorance dont il est sorti. Je veux au contraire lui apprendre à juger des siècles passés avec cette indulgence que les hommes, tels qu'ils soient, doivent toujours avoir pour d'autres hommes, et dont eux-mêmes ont toujours besoin. Ce n'est pas mon dessein de montrer que tout est foible dans la nature humaine, en découvrant les vices de ce siècle. Je veux au contraire, en excusant les défauts des premiers temps, montrer qu'il y a toujours eu dans l'es- De même, si je disois à mon valet de m'apprit des hommes une force et une grandeur in-porter un petit pain, et qu'il me répondit : Mondépendantes de la mode et des secours de l'art. sieur, il n'y en a aucun de gros; si je lui deJe suis bien éloigné de me joindre à ces philo- mandois un grand verre de tisane, et qu'il m'en sophes qui méprisent tout dans le genre hu- apportât dans une coquille, disant qu'il n'y a main, et se font une gloire misérable de n'en point de grand verre; si je commandois à mon montrer jamais que la foiblesse. Qui n'a des sauve son régiment aux dépens de sa propre vie : Codrus, Curpreuves de cette foiblesse dont ils parlent, et que pensent-ils nous apprendre? Pourquoi veulent-ils nous détourner de la vertu, en nous insinuant que nous en sommes incapables? Et moi, je leur dis que nous en sommes capables;

Il est clair que l'auteur désigne surtout ici La Rochefoucauld et ses Maximes. F.

⚫ Vauvenargues a raison certainement. Lorsque le roi Codrus se déguise en paysan pour recevoir plus aisément la mort qu'il croyoit devoir assurer la victoire aux Athéniens; lorsque le Romain Curtius se dévoue pour sa patrie, et se précipite tout armé dans le gouffre qui doit l'engloutir; enfin, lorsque d'Assas

tius et d'Assas étoient vertueux et l'étoient sans intérêt. F.

Aristote et Pline parlent d'une nation de Pygmées, et même Pline en place en trois contrées différentes; mais, suivant Strabon, personne ne les a vus. Quant aux nains, on connoit celui du roi de Pologne, Stanislas; et Nicéphore, dans son histoire hauteur une perdrix, quoiqu'il eût près de vingt-cinq ans : il ecclésiastique. parle d'un Égyptien qui ne surpassa jamais en

vante l'agrément de sa voix, sa prudence et sa générosité. F.

⚫ Il est parlé plusieurs fois des géants dans la Bible, et le géant Goliath avoit, dit-on, neuf pieds quatre pouces; la hauteur d'un garde du roi de Prusse étoit de huit pieds six pouces huit lignes. Voyez dans le Journal de Physique, supplément, tome XIII, année 1778, une dissertation sur les nains et les géants, et sur les vraies limites de la taille humaine, par Changeux. F.

tailleur un habit un peu large, et qu'en m'en | quelque genre que ce puisse être, l'opulence apporte toujours plus d'erreurs que la pauvreté. Peu de gens savent se servir utilement de l'esprit d'autrui. Les connoissances se multiplient, mais le bon sens est toujours rare. Ni les dons de l'esprit ni ceux de la fortune ne peuvent devenir le partage du vulgaire. Dans le monde intelligent comme dans le monde politique, le plus grand nombre des hommes a été destiné par la nature à être peuple.

apportant un fort serré, il m'assurat qu'il n'y a rien de large sur la terre, et que le monde même est étroit ; j'ai honte d'écrire de pareilles sottises: mais il me semble que c'est à peu près les discours de nos philosophes. Nous leur demandons le chemin de la sagesse, et ils nous disent qu'il n'y a que folie; nous voudrions être instruits des caractères qui distinguent la vertu du vice; et ils nous répondent qu'il n'y a dans les hommes que dépravation et que foiblesse. Il ne faut point que les hommes s'enivrent de leurs avantages; mais il ne faut point qu'ils les ignorent. Il faut qu'ils connoissent leurs foiblesses, pour qu'ils ne présument pas trop de leur courage; mais il faut en même temps qu'ils se connoissent capables de vertu, afin qu'ils ne désespèrent pas d'eux-mêmes. C'est le but qu'on s'est proposé dans ce discours, et qu'on tâchera de ne perdre jamais de vue.

FRAGMENT

SUR

A la vérité on ne croira plus aux sorciers ni au sabbat dans un siècle tel que le nôtre; mais on croira encore à Calvin. On parlera de beaucoup de choses, comme si elles avoient des principes évidents, et on disputera en même temps de toutes choses, comme si toutes étoient incertaines. On blâmera un homme de ses vices, et on ne saura pas s'il y a des vices. On dira d'un poëte qu'il est sublime, parcequ'il aura peint un grand personnage; et ces sentiments héroïques qui font la grandeur du tableau, on ne les estimera point dans l'original. L'effet des opinions, multipliées au-delà des forces de l'esprit, est de produire des contradictions et d'ébranler la certitude des principes1. Les objets présentés sous trop de faces ne peuvent se ranger, ni se

LES EFFETS DE L'ART ET DU SAVOIR, développer, ni se peindre distinctement dans

ET SUR

LA PRÉVENTION QUE NOUS AVONS POUR NOTRE siècle,
ET CONTRE L'ANTIQUITÉ.

AVIS DE L'ÉDITEUR DE 1797.

n est clair que, dans l'ouvrage suivant, l'auteur s'étoit proposé de refaire et de perfectionner le précédent, dont il copie

d'assez longs passages sans y rien changer. J'ai cru devoir les

conserver tous deux le premier, parcequ'il étoit plus complet; le second, parcequ'il est plus travaillé, et qu'il renferme des

additions importantes. Au reste, les passages répétés sont si bien faits, que l'on ne sera certainement pas faché de les relire.

Ceux qui croient prouver l'avantage de ce siècle en disant qu'il a hérité des connoissances et des inventions de tous les temps, ne font pas peut-être attention à la foiblesse de l'esprit humain. Il peut être douteux qu'un grand savoir conduise à l'esprit de justesse. Trop d'objets confondent la vue; trop de connoissances étrangères accablent notre propre jugement. En

l'esprit des hommes. Incapables de concilier toutes leurs idées, ils prennent les divers côtés d'une même chose pour des contradictions de sa nature. Leur vue se trouble et s'égare dans cette multitude de rapports que les moindres objets leur offrent. Cette pluralité de relations détruit à leurs yeux l'unité des sujets. Les disputes des philosophes achèvent de décourager leur ignorance. Dans ce combat opiniâtre de tant de sectes, ils n'examinent point si quelqu'une a vaincu et a fait pencher la balance; il suffit qu'on ait contesté tous les principes pour

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