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jet de tout ce discours : mais j'ai cru qu'il falloit d'abord établir une règle sûre pour les bien distinguer du vice. Je l'ai rencontrée sans effort dans le bien et le mal moral; je l'aurois cherchée vainement dans une moins grande origine. Dire simplement que la vertu est vertu, parcequ'elle est bonne en son fonds, et le vice tout au contraire, ce n'est pas les faire connoître. La force et la beauté sont aussi de grands biens; la vieillesse et la maladie, des maux réels; cependant on n'a jamais dit que ce fût là vice ou vertu. Le mot de vertu emporte l'idée de quelque chose d'estimable à l'égard de toute la terre: le vice au contraire. Or, il n'y a que le bien et que le mal moral qui portent ces grands caractères. La préférence de l'intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu, et qui doive en fixer l'idée. Au contraire, le sacrifice mercenaire du bonheur public à l'intérêt propre est le sceau éternel du vice.

Ces divers caractères ainsi établis et suffisamment discernés, nous pouvons distinguer encore les vertus naturelles, des acquises. J'appelle vertus naturelles, les vertus de tempérament; les autres sont les fruits pénibles de la réflexion. Nous mettons ordinairement ces dernières à plus haut prix, parcequ'elles nous coûtent davantage; nous les estimons plus à nous, parcequ'elles sont les effets de notre fragile raison. Je dis la raison elle-même n'est-elle pas un don de la nature, comme l'heureux tempérament? L'heureux tempérament exclut-il la raison? n'en est-il pas plutôt la base? et si l'un peut nous égarer, l'autre est-elle plus infaillible?

Je me hâte, afin d'en venir à une question plus sérieuse. On demande si la plupart des vices ne concourent pas au bien public, comme les pures vertus. Qui feroit fleurir le commerce sans la vanité, l'avarice, etc.?

En un sens cela est très vrai; mais il faut m'accorder aussi que le bien produit par le vice est toujours mêlé de grands maux. Ce sont les lois qui arrêtent le progrès de ses désordres; et c'est la raison, la vertu, qui le subjuguent, qui le contiennent dans certaines bornes et le rendent utile au monde.

vertu; tempérance, sagesse; bonnes qualités? tant mieux pour toi. V.

A la vérité, la vertu ne satisfait pas sans réserve toutes nos passions; mais si nous n'avions aucun vice, nous n'aurions pas ces passions à satisfaire; et nous ferions par devoir ce qu'on fait par ambition, par orgueil, par avarice, etc. Il est donc ridicule de ne pas sentir que c'est le vice qui nous empêche d'être heureux par la vertu. Si elle est si insuffisante à faire le bonheur des hommes, c'est parceque les hommes sont vicieux; et les vices, s'ils vont au bien, c'est qu'ils sont mêlés de vertus, de patience, de tempérance, de courage, etc. Un peuple qui n'auroit en partage que des vices, courroit à sa perte infaillible.

Quand le vice veut procurer quelque grand avantage au monde, pour surprendre l'admiration, il agit comme la vertu, parcequ'elle est le vrai moyen, le moyen naturel du bien: mais celui que le vice opère n'est ni son objet, ni son but. Ce n'est pas à un si beau terme que tendent ses déguisements. Ainsi le caractère distinctif de la vertu subsiste; ainsi rien ne peut l'effacer.

Que prétendent donc quelques hommes, qui confondent toutes ces choses, ou qui nient leur réalité? Qui peut les empêcher de voir qu'il y a des qualités qui tendent naturellement au bien du monde, et d'autres à sa destruction? Ces premiers sentiments, élevés, courageux, bienfaisants à tout l'univers, et par conséquent estimables à l'égard de toute la terre, voilà ce que l'on nomme vertu. Et ces odieuses passions, tournées à la ruine des hommes et par conséquent criminelles envers le genre humain, c'est ce que j'appelle des vices. Qu'entendent-ils, eux, par ces noms? Cette différence éclatante du foible et du fort, du faux et du vrai, du juste et de l'injuste, etc., leur échappe-t-elle ? Mais le jour n'est pas plus sensible. Pensent-ils que l'irréligion dont ils se piquent puisse anéantir la vertu? Mais tout leur fait voir le contraire. Qu'imaginent-ils donc qui leur trouble l'esprit? qui leur cache qu'ils ont eux-mêmes, parmi leurs foiblesses, des sentiments de vertu?

Est-il un homme assez insensé pour douter que la santé soit préférable aux maladies 1? Non, il n'y en a point dans le monde. Trouve

Il faudroit ne soit préférable. S.

t-on quelqu'un qui confonde la sagesse avec la | est nécessaire n'est d'aucun mérite? mais c'est folie? Non, personne assurément. On ne voit une nécessité en Dieu d'être tout-puissant, éterpersonne non plus qui ne préfère la vérité à nel. La puissance et l'éternité seront-elles égales l'erreur; personne qui ne sente bien que le cou- au néant? ne seront-elles plus des attributs parrage est différent de la crainte, et l'envie de la faits? Quoi! parceque la vie et la mort sont en bonté. On ne voit pas moins clairement que nous des états de nécessité, n'est-ce plus qu'une l'humanité vaut mieux que l'inhumanité, qu'elle même chose, indifférente aux humains? Mais est plus aimable, plus utile, et par conséquent peut-être que les vertus que j'ai peintes comme plus estimable; et cependant..... ô foiblesse de un sacrifice de notre intérêt propre à l'intérêt l'esprit humain! il n'y a point de contradiction public, ne sont qu'un pur effet de l'amour de dont les hommes ne soient capables, dès qu'ils nous-mêmes. Peut-être ne faisons-nous le bien veulent approfondir. que parceque notre plaisir se trouve dans ce sacrifice. Étrange objection! Parceque je me plais dans l'usage de ma vertu, en est-elle moins profitable, moins précieuse à tout l'univers, ou moins différente du vice, qui est la ruine du genre humain? Le bien où je me plais changet-il de nature? cesse-t-il d'être bien?

N'est-ce pas le comble de l'extravagance, qu'on puisse réduire en question si le courage vaut mieux que la peur? On convient qu'il nous donne sur les hommes et sur nous-mêmes un empire naturel. On ne nie pas non plus que la puissance enferme une idée de grandeur, et qu'elle soit utile1. On sait encore que la peur est un témoignage de foiblesse ; et on convient que la foiblesse est très nuisible, qu'elle jette les hommes dans la dépendance, et qu'elle prouve ainsi leur petitesse. Comment peut-il donc se trouver des esprits assez déréglés pour mettre de l'égalité dans des choses si inégales?

Les oracles de la piété, continuent nos adversaires, condamnent cette complaisance. Estce à ceux qui nient la vertu, à la combattre par la religion qui l'établit? Qu'ils sachent qu'un Dieu bon et juste ne peut réprouver le plaisir que lui-même attache à bien faire. Nous prohiberoit-il ce charme qui accompagne l'amour du bien? Lui-même nous ordonne d'aimer la vertu, et sait mieux que nous qu'il est contradictoire d'aimer une chose sans s'y plaire. S'il rejette donc nos vertus, c'est quand nous nous approprions les dons que sa main nous dispense, que nous arrêtons nos pensées à la possession de ces graces, sans aller jusqu'à leur principe; que nous méconnoissons le bras qui répand sur nous ses bienfaits, etc.

Qu'entend-on par un grand génie? un esprit qui a de grandes vues, puissant, fécond, éloquent, etc. Et par une grande fortune? un état indépendant, commode, élevé, glorieux. Personne ne dispute donc qu'il y ait de grands génies et de grandes fortunes. Les caractères de ces avantages sont trop bien marqués. Ceux d'une ame vertueuse sont-ils moins sensibles? Qui peut nous les faire confondre? Sur quel fondement ose-t-on égaler le bien et le mal? Estce sur ce que l'on suppose que nos vices et nos vertus sont des effets nécessaires de notre tempérament? Mais les maladies, la santé, ne sont-insensé et méchant? Toutefois, s'il n'y avoit elles pas des effets nécessaires de la même cause? que des malades, saurions-nous ce que c'est Les confond-on cependant, et a-t-on jamais dit que la santé? que c'étoient des chimères, qu'il n'y avoit ni santé, ni maladies 3? Pense-t-on que tout ce qui

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Une vérité s'offre à moi. Ceux qui nient la réalité des vertus sont forcés d'admettre des vices. Oseroient-ils dire que l'homme n'est pas

Il faut que la puissance n'enferme une idée de grandeur, et qu'elle ne soit utile. S.

* Il faut qu'il n'y ait. S.

3 Non pas précisément. Mais on sait l'histoire du stoïcien Possidonius d'Apamée, qui, au milieu d'un violent accès de goutte, prétendoit que la douleur n'est point un mal. A la vérité, c'étoit en soutenant ce dogme des stoïciens : Qu'il n'y a rien de bon que ce qui est honnéte. Voyez le second livre des Tusculanes de Cicéron. F.

XLIV.

De la grandeur d'ame.

Après ce que nous avons dit, je crois qu'il n'est pas nécessaire de prouver que la grandeur d'ame est quelque chose d'aussi réel que la santé, etc. Il est difficile de ne pas sentir dans

Je préférerois ne soit d'aucun mérite. S.

un homme qui maîtrise la fortune, et qui par des moyens puissants arrive à des fins élevées, qui subjugue les autres hommes par son activité, par sa patience ou par de profonds conseils; je dis qu'il est difficile de ne pas sentir dans un génie de cet ordre, une noble réalité. Cependant il n'y a rien de pur et dont nous n'abusions sans peine.

La grandeur d'ame est un instinct élevé qui porte les hommes au grand, de quelque nature qu'il soit, mais qui les tourne au bien ou au mal, selon leurs passions, leurs lumières, leur éducation, leur fortune, etc. Égale à tout ce qu'il y a sur la terre de plus élevé, tantôt elle cherche à soumettre par toutes sortes d'efforts ou d'artifices les choses humaines à elle, et tantôt dédaignant ces choses, elle s'y soumet ellemême sans que sa soumission l'abaisse pleine de sa propre grandeur, elle s'y repose en secret, contente de se posséder. Qu'elle est belle, quand la vertu dirige tous ses mouvements; mais qu'elle est dangereuse alors qu'elle se soustrait à la règle! Représentez-vous Catilina audessus de tous les préjugés de sa naissance, méditant de changer la face de la terre et d'anéantir le non romain: concevez ce génie audacieux, menaçant le monde du sein des plaisirs, et formant d'une troupe de voluptueux et de voleurs, un corps redoutable aux armées et à la sagesse de Rome.

I

tre né souverain? Il étoit bon, magnanime, généreux, hardi, clément; personne n'étoit plus capable de gouverner le monde et de le rendre heureux s'il eût eu une fortune égale à son génie, sa vie auroit été sans tache; mais parcequ'il s'étoit placé lui-même sur le trône par la force, on a cru pouvoir le compter avec justice parmi les tyrans.

D

Lucius Sergius Catilina. Voyez l'histoire de sa conjuration par Salluste. F.

> Il seroit plus exact de dire, l'engagèrent peu à peu dans des projets criminels, S.

Cela fait sentir qu'il y a des vices qui n'excluent pas les grandes qualités, et par conséquent de grandes qualités qui s'éloignent de la vertu. Je reconnois cette vérité avec douleur : il est triste que la bonté n'accompagne pas toujours la force, et que l'amour de la justice ne prévale pas nécessairement dans tous les hommes et dans tout le cours de leur vie, sur tout autre amour; mais non seulement les grands hommes se laissent entraîner au vice, les vertueux même se démentent et sont inconstants dans le bien. Cependant ce qui est sain est sain, ce qui est fort est fort, etc. Les inégalités de la vertu, les foiblesses qui l'accompagnent, les vices qui flétrissent les plus belles vies, ces défauts inséparables de notre nature, mêlée si manifestement de grandeur et de petitesse, n'en détruisent pas les perfections. Ceux qui veulent que les hommes soient tout bons ou tout méchants, absolument grands ou petits, ne connoissent pas la nature. Tout est mélangé dans les hommes; tout y est limité; et le vice même y a ses bornes.

Du courage.

Qu'un homme de ce caractère auroit porté loin la vertu, s'il eût été tourné au bien! mais les circonstances malheureuses le poussent au crime. Catilina étoit né avec un amour ardent pour les plaisirs, que la sévérité des lois aigrissoit et contraignoit ; sa dissipation et ses débauches l'engagèrent peu à peu à des projets criminels ruiné, décrié, traversé, il se trouva dans un état où il lui étoit moins facile de gouverner la république que de la détruire; ne pouvant être le héros de sa patrie, il en médi-guerre, qui est valeur ; un courage dans les entoit la conquête. Ainsi les hommes sont souvent treprises, qui est hardiesse; un courage fier et portés au crime par de fatales rencontres, ou téméraire, qui est audace; un courage contre par leur situation: ainsi leur vertu dépend de l'injustice, qui est fermeté; un courage contre leur fortune. Que manquoit-il à César, que d'é- le vice, qui est sévérité; un courage de réflexion, de tempérament, etc.

Le vrai courage est une des qualités qui supposent le plus de grandeur d'ame. J'en remarque beaucoup de sortes: un courage contre la fortune, qui est philosophie; un courage contre les misères, qui est patience; un courage à la

Il n'est pas ordinaire qu'un même homme assemble tant de qualités. Octave 1, dans le plan

Caius Julius Cæsar Octavianus porta le nom d'Octave dans

XLV.

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de sa fortune, élevée sur des précipices, bravoit des périls éminents; mais la mort, présente à la guerre, ébranloit son ame. Un nombre innombrable de Romains qui n'avoient jamais craint la mort dans les batailles, manquoient de cet autre courage qui soumit la terre à Auguste.

On ne trouve pas seulement plusieurs sortes de courages, mais dans le même courage bien des inégalités. Brutus, qui eut la hardiesse d'attaquer la fortune de César, n'eut pas la force de suivre la sienne : il avoit formé le dessein de détruire la tyrannie avec les ressources de son seul courage, et il eut la foiblesse de l'abandonner avec toutes les forces du peuple romain, faute de cette égalité de force et de sentiment qui surmonte les obstacles et la lenteur des succès.

Je voudrois pouvoir parcourir ainsi en détail toutes les qualités humaines : un travail si long ne peut maintenant m'arrêter. Je terminerai cet écrit par de courtes définitions.

La noblesse est la préférence de l'honneur à l'intérêt; la bassesse, la préférence de l'intérêt à l'honneur.

L'intérêt est la fin de l'amour-propre ; la générosité en est le sacrifice.

La méchanceté suppose un goût à faire du mal; la malignité, une méchanceté cachée ; la noirceur, une méchanceté profonde.

L'insensibilité à la vue des misères peut s'appeler dureté; s'il y entre du plaisir, c'est cruauté. La sincérité me paroît l'expression de la vérité; la franchise, une sincérité sans voiles 1; la candeur, une sincérité douce; l'ingénuité, une sincérité innocente; l'innocence, une pureté sans tache.

Observons néanmoins encore que la petitesse est la source d'un nombre incroyable de vices: de l'inconstance, la légèreté, la vanité, l'envie, l'avarice, la bassesse, etc.; elle rétrécit notre esprit autant que la grandeur d'ame l'élargit; mais elle est malheureusement inséparable de l'humanité, et il n'y a point d'ame si forte qui en soit tout-à-fait exempte. Je suis mon dessein. La probité est un attachement à toutes les vertus civiles 1.

La droiture est une habitude des sentiers de sans artifice. la vertu.

L'équité peut se définir par l'amour de l'égalité; l'intégrité paroît une équité sans tache, et la justice une équité pratique.

sa jeunesse, et celui d'Auguste quand les Romains furent entièrement asservis. F.

L'imposture est le masque de la vérité; la fausseté, une imposture naturelle; la dissimulation, une imposture réfléchie; la fourberie, une imposture qui veut nuire; la duplicité, une imposture qui a deux faces.

La libéralité est une branche de la générosité; la bonté, un goût à faire du bien et à pardonner le mal; la clémence, une bonté envers nos ennemis.

La simplicité nous présente l'image de la vérité et de la liberté.

2 Cette définition n'est pas exacte; l'équité est l'unicuique suum; à chacun ce qui lui appartient. M. -Vauvenargues n'entend pas ici l'égalité absolue, mais l'égalité relative. Dans une faillite où tous les créanciers doivent perdre, le juge ne peut faire rendre à chacun d'eux ce qui lui appartient. L'équité est alors d'établir entre eux une égalité relative à leurs droits, c'est-à-dire de leur faire supporter à chacun une perte calculée sur la proportion de leurs droits respectifs. S.

La force d'esprit est le triomphe de la réflexion; c'est un instinct supérieur aux passions, qui les calme ou qui les possède3; on ne peut pas savoir d'un homme qui n'a pas les passions ardentes, s'il a de la force d'esprit ; il n'a jamais été dans des épreuves assez difficiles.

Je n'admets point cette définition; j'aimerois mieux, un

La modération est l'état d'une ame qui se

altuchement à tout ce qui est juste. Duclos a dit : Ne fais pas possède; elle naît d'une espèce de médiocrité à autrui ce que tu ne voudrois pas qu'on te fit; c'est la probité. Fais à autrui ce que tu voudrois qu'on te fit; c'est la vertu. M. de Vauvenargues a voulu dire sans doute un attache-sées, qui dispose aux vertus civiles.

dans les desirs, et de satisfaction dans les pen

ment à tous les devoirs civils. S.

L'immodération, au contraire, est une ardeur

L'affectation est le dehors de la contrainte et du mensonge : la fidélité n'est qu'un respect pour nos engagements; l'infidélité, une dérogeance; la perfidie, une infidélité couverte et criminelle.

La bonne foi est une fidélité sans défiance et

1 Amour-propre encore employé ici pour amour de soi. S. 2 C'est-à-dire qui ne réserve rien. La sincérité ne dit que ce qu'on lui demande ; la franchise dit souvent ce qu'on ne lui demande pas. S.

3 Posséder n'est pas le mot propre. On ne dit pas posseder les passions. On diroit mieux ou qui les domine. B.

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inaltérable 1 et sans délicatesse, qui mène quel- | l'un et l'autre termes dans la vertu, parce que quefois à de grands vices.

La tempérance n'est qu'une modération dans les plaisirs, et l'intempérance au contraire.

sa bonté nous plaît, et que sa beauté nous sert. Mais d'une médecine qui blesse nos sens, et de toute autre chose qui nous est utile, mais désa

L'humeur est une inégalité qui dispose à l'im-gréable, nous ne disons pas qu'elle est belle, patience; la complaisance est une volonté flexi- elle n'est que bonne; de même à l'égard des ble; la douceur, un fonds de complaisance et de choses qui sont belles sans être utiles. bonté ;

M. Crouzas dit que le beau naît de la variété réductible à l'unité, c'est-à-dire d'un composé qui ne fait pourtant qu'un seul tout et qu'on peut saisir d'une vue ; c'est là, selon lui, ce qui excite l'idée du beau dans l'esprit.

La brutalité, une disposition à la colère et à la grossièreté ; l'irrésolution, une timidité à entreprendre; l'incertitude, une irrésolution à croire; la perplexité, une irrésolution inquiète;

La prudence, une prévoyance raisonnable; l'imprudence, tout au contraire ".

L'activité naît d'une force inquiète; la paresse, d'une impuissance paisible.

La mollesse est une paresse voluptueuse. L'austérité est une haine des plaisirs, et la sévérité, des vices.

La solidité est une consistance et une égalité d'esprit la légèreté, un défaut d'assiette et d'uniformité de passions ou d'idées.

La constance est une fermeté raisonnable dans nos sentiments; l'opiniâtreté, une fermeté déraisonnable; la pudeur, un sentiment de la difformité du vice et du mépris qui le suit 3.

La sagesse est la connoissance et l'affection du vrai bien; l'humilité, un sentiment de notre bassesse devant Dieu; la charité, un zèle de religion pour le prochain; la grâce, une impul

sion surnaturelle vers le bien.

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XLVI.

Du bon et du beau.

Le terme de bon emporte quelque degré naturel de perfection; celui de beau, quelque degré d'éclat ou d'agrément. Nous trouvons

RÉFLEXIONS

SUR DIVERS SUJETS.

Sur le Pyrrhonisme".

Qui doute a une idée de la certitude, et par conséquent reconnoît quelque marque de la vérité. Mais parceque les premiers principes ne peuvent se démontrer, on s'en défie; on ne fait pas attention que la démonstration n'est qu'un raisonnement fondé sur l'évidence. Or, les premiers principes ont l'évidence par eux-mêmes, et sans raisonnement; de sorte qu'ils portent la marque de la certitude la plus invincible. Les pyrrhoniens obstinés affectent de douter que l'évidence soit signe de vérité; mais on leur demande: Quel autre signe en desirez-vous done? Quel autre croyez-vous qu'on puisse avoir? Vous en formez-vous quelque idée?

On leur dit aussi : Qui doute pense, et qui pense est et tout ce qui est vrai de sa pensée

■ Inaltérable n'est pas le mot propre; ce seroit plutôt insa- l'est aussi de la chose qu'elle représente, si cette

tiable. M.

chose a l'être ou le reçoit jamais. Voilà donc déjà des principes irréfutables: or, s'il y a quelque principe de cette nature, rien n'empêche

Tout au contraire, etc. Il faudroit tout le contraire. M.

3 La pudeur est un sentiment de la difformité du vice et du mépris qui le suit. La pudeur est plutôt la crainte de la

honte, à quoi que ce soit qu'on l'attache: on peut éprouver la

honte sans qu'il s'y mêle aucune idée de vice ou de mépris. Un homme qui demande, et qu'on refuse, éprouve de la honte, et ume certaine pudeur empêche l'homme bien né de demander; il n'y a pourtant là ancune idée de vice ou de mépris. Une femme dont les vêtements se dérangent par hasard éprouve de la honte, et sa pudeur est blessée, sans que l'idée de vice ou de mépris se présente à la pensée. S.

I.

Jean-Pierre de Crouzas, mort en 1748, est l'auteur d'un Traité sur le beau, en deux volumes, et beaucoup trop long. F.

2 Pyrrhon, philosophe grec, vivoit vers l'an 500 de l'ère chrétienne; il chercha toute sa vie la vérité, et ne voulut jamais convenir de l'avoir trouvée. C'est de lui que prirent leur nom les pyrrhoniens ou sceptiques, et la secte du pyrrhonisme. F.

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