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leur permettoit d'y entrer, étoit un moyen de s'affranchir, dit l'auteur du Voyage du jeune Anacharsis, chap. vi, sur des autorités anciennes.

(2) Le peuple d'Athènes étoit partagé en diverses tribus. (La Bruyère.) Le texte parle de bourgades, sur lesquelles on peut voir le chap. x, note 7. C'étoit là que se faisoit la première inscription. Voyez Démosthène, pro Cor., page 314.

(10) Il étoit défendu chez les Athéniens de parler mal des morts, par une loi de Solon, leur législateur. (La Bruyère.) Il paroit en général par ces caractères, et par d'autres autorités, que les lois de Solon n'étoient plus guère observées du temps de Théophraste. Le manuscrit du Vatican ajoute: « Et ce vice, il l'appelle franchise, << esprit démocratique, liberté, et en fait la plus douce << occupation de sa vie. » Le même manuscrit place encore ici une phrase fort singulière, que je crois, avec M. Schneider, avoir été ajoutée par un lecteur chrétien qui n'avoit pas bien saisi l'esprit dans lequel ces caractères ont été écrits. Je corrige le verbe inintelligible de cette

(3) Cela est dit par dérision des Thraciennes, qui venoient dans la Grèce pour être servantes, et quelque chose de pis. (La Bruyère.) M. Barthélemy, qui a imité ce caractère dans le chap. xxvIII du Voyage du jeune Ana-phrase en repizμėvos et je traduis : « C'est ainsi que celui

charsis, fait dire au médisant : « Sa mère est de Thrace, « et sans doute d'une illustre origine; car les femmes qui « viennent de ce pays éloigné ont autant de prétentions à <<< la naissance que de facilité dans les mœurs. » Le manuscrit du Vatican ajoute : « Et cette chère maitresse s'ap« pelle Krinocorax, » nom dont la composition bizarre pouvoit faire rire aux dépens de cette femme : il signifie corbeau de fleur de lis.

(4) C'est le traducteur qui a ajouté cette transition; et le manuscrit du Vatican indique clairement qu'il faut commencer ici un nouveau trait, et traduire : « Il dit mé<< chamment à quelqu'un : Ah! je connois bien les femmes << dont tu me parles, et sur lesquelles tu te trompes fort; << ce sont de celles qui épient sur les grands chemins, etc. »> Le même manuscrit fait ensuite une autre addition fort obscure, et qui exige plusieurs corrections: on peut la traduire : « Celle-ci est sur-tout très habile au métier; « et ce que je vous dis des autres n'est pas un conte en << l'air : elles se prostituent dans les rues, sont toujours « à la poursuite des hommes, et ouvrent elles-mêmes la « porte de leur maison. » Ce dernier trait a déja été cité comme une rusticité de la part d'un homme; mais c'étoit sans doute un signe de prostitution dans une femme, qui devoit rester dans l'intérieur de son gynécée, et n'en sortir que bien accompagnée.

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« qui est privé de la véritable doctrine rend les hommes << maniaques, et leur donne des mœurs dépravées. » Dans les manuscrits numérotés 1679, 2850 et 1589 de la Bibliothèque du roi, et dans un manuscrit de la Bibliothèque Palatine, on ajoute de même, à la suite des Caractères de Théophraste qui existent dans ces manuscrits, quelques phrases d'un grec barbare, qui ne peuvent pas être attribuées à l'auteur, et qui contiennent des réflexions sur les obstacles qu'éprouve la vertu. On trouvera ce morceau dans l'édition de Fischer, page 240.

CHAPITRE XXIX.

Du goût qu'on a pour les vicieux (1).

Le goût que l'on a pour les méchants est le desir du mal. L'homme infecté de ce vice est capable de fréquenter les gens qui ont été condamnés pour leurs crimes par tout le peuple (2), dans la vue de se rendre plus expérimenté et plus formidable par leur commerce. Si on lui cite quelques hommes distingués par leurs vertus, il dira: «Ils sont vertueux comme tant « d'autres. Personne n'est homme de bien, tout « le monde se ressemble, et ces honnêtes gens ne sont que des hypocrites. › ‹ Le méchant << seul, dit-il une autre fois, est vraiment libre.› Si quelqu'un le consulte au sujet d'un méchant homme (3), il convient que ce que l'on en dit est vrai : « Mais, ajoute-t-il, ce que l'on ne sait pas, c'est que c'est un homme d'esprit, fort « attaché à ses amis, et qui donne de grandes espérances. » Et il soutiendra qu'il n'a jamais vu un homme plus habile. Il est toujours disposé en faveur de l'accusé traduit devant l'assemblée du peuple, ou devant quelque tribunal particulier; il est capable de s'asseoir à côté de lui, et de dire qu'il ne faut point juger l'homme, mais le fait. Je suis, dit-il, le chien du peuple, car je garde ceux qui essuient des injus<«tices (4). Nous finirions par ne plus trouver

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CHAPITRE XXX.

‹ personne qui voulût s'intéresser aux affaires

publiques, si nous abandonnions ces hom‹ mes (5). » Il aime à se déclarer patron des gens les plus méprisables (6), et à se rendre aux tribunaux pour y soutenir de mauvaises affaires (7). S'il juge un procès, il prend dans un mauvais sens tout ce que disent les parties. En général (8) l'affection pour les scélérats est sœur de la scélératesse même, et rien n'est plus vrai que le proverbe On recherche toujours son « semblable. »

NOTES.

(1) Ce chapitre et le suivant n'ont été découverts que dans le siècle dernier. On en connoissoit cependant les titres du temps de Casaubon et de La Bruyère; et j'ai conservé la traduction que ce dernier en a donnée dans son Discours sur Théophraste.

(2) Je pense qu'il faut sous-entendre, « Et qui ont eu « l'adresse de se soustraire à l'effet des lois. » (Voyez le chapitre xvin du Voyage du jeune Anacharsis. )

Du gain sordide.

L'homme qui aime le gain sordide emploie les moyens les plus vils pour gagner ou pour épargner de l'argent (1). Il est capable d'épargner le pain dans ses repas; d'emprunter de l'argent à un étranger descendu chez lui (2) ; de dire, en servant à table, qu'il est juste que celui qui distribue reçoive une portion double, et de se la donner sur-le-champ. S'il vend du vin, il y mêlera de l'eau, même pour son ami. Il ne va au spectacle avec ses enfants que lorsqu'il y a une représentation gratuite. S'il est membre d'une ambassade, il laisse chez lui la somme que la ville lui a assignée pour les frais du voyage, et emprunte de l'argent à ses collègues : en chemin il charge son esclave d'un fardeau au-dessus de ses forces, et le nourrit moins bien que les autres arrivé au lieu de sa destination, il se fait donner sa part des présents d'hospitalité pour la vendre. Pour se frotter d'huile au bain, il dira à son esclave: Celle que tu m'as achetée est rance; et il se servira de celle d'un autre. Si quelqu'un de sa maison trouve une petite monnoie de cuivre dans la rue, il en demandera sa part, en disant : Mercure est commun. Quand il donne son habit à blanchir, il en emprunte un autre d'un ami, et le porte jusqu'à ce qu'on le lui redemande, etc. Il distribue lui-même les provisions aux gens de sa maison avec une mesure trop petite (3), et dont le fond est bombé en dedans; encore a-t-il soin d'égaliser le dessus. Il se fait céder par ses amis, et comme si c'étoit pour lui, des choses qu'il revend ensuite avec (6) Les simples domiciliés d'Athènes, non citoyens, profit. S'il a une dette de trente mines à payer, avoient besoin d'un patron, parmi les citoyens, qui ré-il manquera toujours quelques drachmes à la pondit de leur conduite. (Voyez le Voyage du jeune Anacharsis, chap. vi. )

(3) J'ai cherché à remplir par ces mots une lacune qui se trouve dans le manuscrit ; il me paroit qu'il est question d'un homme auquel on veut confier quelques fonctions politiques.

(4) J'ai traduit comme si le participe grec étoit au passif; sans cette correction, le sens seroit : « Car je surveille « ceux qui veulent lui faire du tort. » Le changement que je propose est nécessaire pour faire une transition à la phrase suivante.

(5) M. Coray a observé que ces traits ont un rapport particulier avec l'orateur Aristogiton et son protecteur Philocrate. (Voyez le plaidoyer de Démosthène contre le premier.) Mais je n'ai point pu adopter toutes les conséquences que cet éditeur en tire pour le sens de notre auteur.

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somme. Si ses enfants ont été indisposés et ont passé quelques jours du mois sans aller à l'école, il diminue le salaire du maître à proportion; et pendant le mois d'anthestérion il ne les y envoie pas du tout, pour ne pas être obligé de payer un mois dont une grande partie se passe en spectacles (4). S'il retire une contribution d'un es

(8) Cette dernière phrase me paroit avoir été ajoutée clave (5), il en exige un dédommagement pour par un glossateur.

la perte qu'éprouve la monnoie de cuivre. Quand son chargé d'affaires lui rend ses comptes (6)..... Quand il donne un repas à sa curie, il demande,

sur le service commun, une portion pour ses enfants, et note les moitiés des raves qui sont restées sur la table, afin que les esclaves qui les desservent ne puissent pas les prendre. S'il voyage avec des personnes de sa connoissance, il se sert de leurs esclaves, et loue pendant ce temps le sien, sans mettre en commun le prix qu'il en reçoit. Bien plus, si l'on arrange un pique-nique dans sa maison, il soustrait une partie du bois, des lentilles, du vinaigre, du sel, et de l'huile. pour la lampe, qu'on a déposés chez lui (7). Si quelqu'un de ses amis se marie ou marie sa fille, il quitte la ville pour quelque temps, afin de pouvoir se dispenser d'envoyer un présent de noces. Il aime beaucoup aussi à emprunter aux personnes de sa connoissance des objets qu'on ne redemande point, ou qu'on ne recevroit même pas s'ils étoient rendus (8).

NOTES.

(1) J'ai été obligé de paraphraser cette définition, qui, dans l'original, répète les mots dont le nom que Théophraste a donné à ce Caractère est composé, et qui est certainement altéré par les copistes.

Plusieurs traits de ce caractère ont été placés, par l'abréviateur qui nous a transmis les quinze premiers chapi

tres de cet ouvrage, à la suite du chapitre x1, où on les trouvera traduits par La Bruyère, et éclaircis par des notes qu'il seroit inutile de répéter ici.

(2) Par droit d'hospitalité. (Voyez chap. ix, note 7.)

(3) J'ai traduit ici d'après la leçon du manuscrit du Vatican; mais, d'après les règles de la critique, il faut préférer celle des autres manuscrits dans le chapitre X1 : car

ce sont les mots ou les tournures les plus vulgaires qui s'introduisent dans le texte par l'erreur des copistes.

(4) Les anthestéries, qui avoient donné le nom à ce mois, étoient des fêtes consacrées à Bacchus.

(5) Auquel il a permis de travailler pour son propre compte, ou qu'il a loué, ainsi qu'il étoit d'usage à Athènes, comme on le voit entre autres par la suite même de ce chapitre.

(6) Cette phrase est défectueuse dans l'original; MM. Belin de Ballu et Coray l'ont jointe à la précédente par les mots : « Il en fait autant, etc. »

(7) C'est ainsi que ce passage difficile a été entendu par M. Coray: d'après M. Schneider, il faudroit traduire : « Il << met en compte le bois, les raves, etc., qu'il a fournis. » (Voyez la note 7 du chap. x.)

(8) J'ai traduit cette dernière phrase d'après les corrections des deux savants éditeurs Coray et Schneider.

FIN DES CARACTÈRES DE THEOPHRASTE.

OEUVRES

COMPLETES

DE VAUVENARGUES,

ACCOMPAGNÉES DES NOTES

DE VOLTAIRE, MORELLET, FORTIA, SUARD, BRIÈRE.

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