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revenir sans rien acheter. Ne prenez pas l'habi- | lemy me paroît avoir fait une application trop générale de ce passage dans son chap. xxv du Voyage du jeune Anacharsis.

tude, disent-ils à leurs femmes, de prêter votre sel, votre orge, votre farine, ni même du cumin (8), de la marjolaine (9), des gâteaux pour l'autel (10), du coton (11), de la laine (12); car ces petits détails ne laissent pas de monter, à la fin d'une année, à une grosse somme. Ces avares, en un mot, ont des trousseaux de clefs rouillées dont ils ne se servent point, des cassettes où leur argent est en dépôt, qu'ils n'ouvrent jamais, et qu'ils laissent moisir dans un coin de leur cabinet; ils portent des habits qui leur sont trop courts et trop étroits; les plus petites fioles contiennent plus d'huile qu'il n'en faut pour les oindre (13) : ils ont la tête rasée jusqu'au cuir (14), se déchaussent vers le milieu du jour (15) pour épargner leurs souliers; vont trouver les foulons pour obtenir d'eux de ne pas épargner la craie dans la laine qu'ils leur ont donnée à préparer, afin, disent-ils, que leur étoffe se tache moins (16).

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(3) Dans le texte il n'est point question d'un repas que donne l'avare, mais d'un festin auquel il assiste; et le mot grec s'applique particulièrement à ces repas de confrérie que les membres d'une même curie, c'est-à-dire de la troisième partie de l'une des dix tribus, faisoient régulièrement ensemble, soit chez un des membres de cette association, soit dans des maisons publiques destinées à cet usage. (Voyez la note de M. Coray sur le chap. 1 de cet ouvrage; Pollux, liv. VI, segm. 7 et 8, et Anacharsis, chap. XXVI et LVI.)

(4) Les Grecs commençoient par ces offrandes leurs repas publics. (La Bruyère.) Les anciens regardoient en général comme une impiété de manger ou de boire sans avoir offert des prénices ou des libations à Cérès ou à Bacchus. Mais il doit y avoir quelque raison particulière pour laquelle ici les prémices sont adressées à Diane; et c'étoit peut-être l'usage des repas de curies, puisqu'on sacrifioit aussi à cette déesse en inscrivant les enfants dans ce corps, et cela au moment où on leur coupoit les cheveux. (Voyez Hesychius, in voce Kureotis.) M. Barthé

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(10) Faits de farine et de miel, et qui servoient aux sacrifices. (La Bruyère.)

(11) Des bandelettes pour la victime, faites de fils de laine non tissus, et réunis seulement par des nœuds de distance en distance.

(12) Au lieu de laine, Théophraste nomme ici encore une espèce de gâteaux ou de farine qui servoient aux sacrifices; et plus haut il parle de mèches, mot que La Bruyère a omis, ou qu'il a voulu exprimer ici.

(13) Voyez sur l'usage de se frotter d'huile, le Caractère v, note 4.

(14) « Ils se font raser jusqu'à la peau. » Voyez Caractère iv, note 7.

(15) Parceque dans cette partie du jour le froid en toute saison étoit supportable. (La Bruyère.) Il me semble que, lorsqu'il s'agit d'Athènes, il faut penser plutôt aux inconvénients de la chaleur qu'à ceux du froid : c'est afin que la sueur n'use pas ses souliers.

(16) C'étoit aussi parceque cet apprêt avec de la craie, comme le pire de tous, et qui rendoit les étoffes dures et grossières, étoit celui qui coûtoit le moins. (La Bruyère.) Il n'est question dans le grec ni de craie ni de laine, mais de terre à foulon, et d'un habit à faire blanchir. (Voyez les notes de M. Coray.) M. Barthélemy observe, dans son chap. xx, que le bas peuple d'Athènes étoit vêtu d'un drap qui n'avoit reçu aucune teinture, et qu'on pouvoit reblanchir, tandis que les riches préféroient des draps de couleur.

CHAPITRE XI.

De l'impudent, ou de celui qui ne rougit de rien.

L'impudence (1) est facile à définir : il suffit de dire que c'est une profession ouverte d'une plaisanterie outrée, comme de ce qu'il y a de plus contraire à la bienséance. Celui-là, par exemple, est impudent, qui, voyant venir vers lui une femme de condition, feint dans ce moment quelque besoin pour avoir occasion de se montrer à elle d'une manière déshonnête (2); qui se plaît à battre des mains au théâtre lorsque tout le monde se tait, ou à siffler les acteurs que les autres voient et écoutent avec plaisir; qui, couché sur le dos (5), pendant que toute l'assemblée garde un profond silence, fait entendre de sales hoquets qui obligent les spectateurs de tourner la tête et d'interrompre leur attention. Un homme de ce caractère achète en plein marché des noix, des pommes, toute sorte de fruits, les mange, cause debout avec la fruitière, appelle par leurs noms ceux qui passent, sans presque les connoître, en arrête d'autres qui courent par la place, et qui ont leurs affaires (4) et s'il voit venir quelque plaideur, il l'aborde, le raille, et le félicite sur une cause importante qu'il vient de perdre. Il va lui-même choisir de la viande, et louer pour un souper des femmes qui jouent de la flûte (5); et, montrant à ceux qu'il rencontre ce qu'il vient d'acheter, il les convie en riant d'en venir manger. On le voit s'arrêter devant la boutique d'un barbier ou d'un parfumeur (6), et là, annoncer qu'il va faire un grand repas et s'enivrer.

(7) Si quelquefois il vend du vin, il le fait mêler pour ses amis comme pour les autres sans distinction. Il ne permet pas à ses enfants d'aller à l'amphithéâtre avant que les jeux soient commencés, et lorsque l'on paie pour être placé, mais seulement sur la fin du spectacle, et quand l'architecte (8) néglige les places et les donne pour rien. Étant envoyé avec quelques autres citoyens en ambassade, il laisse chez soi la somme que le public lui a donnée pour faire les frais de son voyage, et emprunte de l'argent de ses collègues : sa coutume alors est de charger son valet de fardeaux au-delà de ce qu'il en peut porter, et de lui retrancher cependant de son

ordinaire; et, comme il arrive souvent que l'on fait dans les villes des présents aux ambassadeurs, il demande sa part pour la vendre. Vous m'achetez toujours, dit-il au jeune esclave qui le sert dans le bain, une mauvaise huile, et qu'on ne peut supporter : il se sert ensuite de l'huile d'un autre, et épargne la sienne. Il envie à ses propres valets, qui le suivent, la plus petite pièce de monnoie qu'ils auront ramassée dans les rues, et il ne manque point d'en retenir sa part avec ce mot, Mercure est commun (9). Il fait pis: il distribue à ses domestiques leurs provisions dans une certaine mesure (10) dont le fond, creux par-dessous, s'enfonce en dedans et s'élève comme en pyramide; et, quand elle est pleine, il la rase lui-même avec le rouleau le plus près qu'il peut (11).... De même, s'il paie à quelqu'un trente mines (12) qu'il lui doit, il fait si bien qu'il y manque quatre drachmes (13) dont il profite. Mais, dans ces grands repas où il faut traiter toute une tribu (14), il fait recueillir, par ceux de ses domestiques qui ont soin de la table, le reste des viandes qui ont été servies, pour lui en rendre compte : il seroit få| ché de leur laisser une rave à demi mangée.

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(7) Les traits suivants, jusqu'à la fin du chapitre, ne conviennent nullement à ce caractère, et ne sont que des fragments du Caractère 50, du Gain sordide, transportés ici mal à propos, dans les copies défectueuses et altérées par lesquelles les quinze premiers chapitres de cet ouvrage nous ont été transmis. (Voyez la note 1 du chap. xvi.) On trouvera une traduction plus exacte de ces traits au chap. xxx, où ils se trouvent à leur place naturelle, et considérablement augmentés.

(8) L'architecte qui avoit bâti l'amphithéâtre, et à qui la république donnoit le louage des places en paiement (La Bruyère.); ou bien l'entrepreneur du spectacle. Au reste, le grec dit seulement : « Lorsque les entrepreneurs « laissent entrer gratis. » La paraphrase de La Bruyère est une conjecture de Casaubon, que M. Barthélemy paroît n'avoir pas adoptée; car il dit, en citant ce passage, que les entrepreneurs donnoient quelquefois le spectacle gratis.

(9) Proverbe grec, qui revient à notre « Je retiens part. » (La Bruyère.) Les mots suivants, que La Bruyère a traduits par « Il fait pis, » étoient corrompus dans l'ancien texte dans le manuscrit du Vatican ce n'est qu'une formule qui veut dire, « et autres traits de ce genre. » (Voyez chap. XVI, note 1.)

:

(10) Le grec dit, « Avec une mesure de Phidon, etc. » Phidon étoit un roi d'Argos qui a vécu du temps d'Homère, et qui est censé avoir inventé les monnoies, les poids et

mesures. Voyez les notes de Duport.

(11) Quelque chose manque ici dans le texte. (La Bruyère.) Le manuscrit du Vatican, qui contient ce trait

au chap. xxx, complète la phrase que La Bruyère n'a point

traduite. Il en résulte le sens suivant : « Il abuse de la com<< plaisance de ses amis pour se faire céder à bon marché << des objets qu'il revend ensuite avec profit. >

(12) Mine se doit prendre ici pour une pièce de monnoie. (La Bruyère.) La mine n'étoit qu'une monnoie fictive: M. Barthélemy l'évalue à 90 livres tournois.

(13) Drachmes, petites pièces de monnoie, dont il falloit cent à Athènes pour faire une mine. (La Bruyère.) D'après le calcul de M. Barthélemy, la drachme valoit 18 sous de France.

(14) Athènes étoit partagée en plusieurs tribus. Voyez le chapitre de la Médisance. (La Bruyère.) Le texte dit, Sa curie.» Voyez les notes 3 et 7 du caractère précédent.

La Bruyère a omis les mots : « Il demande sur le ser« vice commun une portion pour ses enfants. »

CHAPITRE XII.

Du contre-temps.

Cette ignorance du temps et de l'occasion est une manière d'aborder les gens, ou d'agir avec eux, toujours incommode et embarrassante. Un

importun est celui qui choisit le moment que son ami est accablé de ses propres affaires, pour lui parler des siennes ; qui va souper (1) chez sa maitresse le soir même qu'elle a la fièvre; qui, voyant que quelqu'un vient d'être condamné en justice de payer pour un autre pour qui il s'est obligé, le prie néanmoins de répondre pour lui; qui coml'on vient de juger; qui prend le temps des noces paroît pour servir de témoin dans un procès que où il est invité, pour se déchaîner contre les femmes; qui entraîne (2) à la promenade des gens à peine arrivés d'un long voyage, et qui n'aspirent qu'à se reposer : fort capable d'amener des marchands pour offrir d'une chose plus qu'elle ne vaut (3), après qu'elle est vendue; de se lever au milieu d'une assemblée, pour reprendre un fait dès ses commencements, et en instruire à fond ceux qui en ont les oreilles rebattues, et qui le savent mieux que lui; souvent empressé pour engager dans une affaire des personnes qui, ne l'affectionnant point, n'osent pourtant refuser d'y entrer (4). S'il arrive que quelqu'un dans la ville doive faire un festin après avoir sacrifié (5), il va lui demander autre fois, s'il voit qu'un maître châtie devant une portion des viandes qu'il a préparées. Une lui son esclave: « J'ai perdu, dit-il, un des miens << dans une pareille occasion; je le fis fouetter, il ‹ se désespéra, et s'alla pendre. » Enfin il n'est propre qu'à commettre de nouveau deux personnes qui veulent s'accommoder, s'ils l'ont fait arbitre de leur différend (6). C'est encore une action qui lui convient fort que d'aller prendre, au milieu du repas, pour danser (7), un homme qui est de sang-froid, et qui n'a bu que modé

rément.

NOTES.

(1) Le mot grec signifie proprement porter une sérénade bruyante. Voyez les notes de Duport et de Coray.

(2) Théophraste suppose moins de complaisance à ces voyageurs, et ne les fait qu'inviter à la promenade.

(3) Le grec dit, « plus qu'on n'en a donné. »

(4) On rendroit mieux le sens de cette phrase en traduisant : « Il s'empresse de prendre des soins dont on ne << se soucie point, mais qu'on est honteux de refuser. »

(5) Les Grecs, le jour même qu'ils avoient sacrifié, ou soupoient avec leurs amis, ou leur envoyoient à chacun une portion de la victime. C'étoit donc un contre-temps

de demander sa part prématurément et lorsque le festin étoit résolu, auquel même on pouvoit être invité. (La Bruyère.) Le texte grec porte: «Il vient chez ceux qui

« sacrifient, et qui consument la victime, pour leur de« mander un morceau ; » et le contre-temps consiste à demander ce présent à des gens qui, au lieu d'envoyer des morceaux, donnent un repas. Le mot employé par Théophraste pour désigner cette portion de la victime paroit être consacré particulièrement à cet usage, et avoir

même passé dans le latin, divina tomacula porcæ, Juvénal, sat. x, v. 355.

dit

ranger son armée en bataille, quel jour il faudra combattre, et s'il n'a point d'ordres à lui donner pour le lendemain (6); une autre fois s'approcher de son père : Ma mère, lui dit-il mystérieusement, vient de se coucher, et ne commence qu'à s'endormir; s'il entre enfin dars la chambre d'un malade à qui son médecin a défendu le vin, dire qu'on peut essayer s'il ne lui fera point de mal, et le soutenir doucement pour lui en faire prendre (7). S'il apprend

(6) Littéralement : «< S'il assiste à un arbitrage, il brouille qu'une femme soit morte dans la ville, il s'in« des parties qui veulent s'arranger. »

(7) Cela ne se faisoit chez les Grecs qu'après le repas, et lorsque les tables étoient enlevées. (La Bruyère.) Le grec dit seulement : « Il est capable de provoquer à la << danse un ami qui n'a encore bu que modérément ; » et c'est dans cette circonstance que se trouve l'inconvenance.

Cicéron dit (pro Murana, cap. vi): Nemo ferè saltat sobrius, nisi fortè insanit; neque in solitudine, neque in convivio moderato atque honesto tempestivi convivii, amani loci, multarum deliciarum comes est extrema saltatio. Mais en Grèce l'usage de la danse étoit plus général; et le poëte Alexis, cité par Athénée, liv. IV, chap. iv, dit que les Athéniens dansoient au milieu de leurs repas, dès qu'ils commençoient à sentir le vin. Nous verrons, au chap. xv, qu'il étoit peu convenable de se refuser à ce divertissement.

CHAPITRE XIII.

De l'air empressé (1).

gère de faire son épitaphe; il y fait graver son nom, celui de son mari, de son père, de sa mère, son pays, son origine, avec cet éloge : < Ils avoient tous de la vertu (8). » S'il est quelquefois obligé de jurer devant des juges qui exigent son serment : « Ce n'est pas, dit-il en perçant la foule pour paroître à l'audience, la première fois que cela m'est arrivé. ›

NOTES.

(1) « De l'Empressement outré et affecté. »

(2) Littéralement : « Il se lève pour promettre une chose << qu'il ne pourra pas tenir. »

(3) Il me semble qu'on rendroit mieux le sens de cette phrase difficile en traduisant : « Dans une affaire dont tout « le monde convient qu'elle est juste, il insiste encore sur << un point insoutenable et sur lequel il est réfuté. »

(4) Le texte porte, « de forcer son valet à mêler avec << de l'eau plus de vin qu'on n'en pourra boire. » Les Grecs ne buvoient, jusque vers la fin du repas, que du vin mêlé d'eau; les vases qui servoient à ce mélange étoient une principale décoration de leurs festins. Le vin qui n'étoit pas bu de suite se trouvoit sans doute gâté par cette

préparation.

(5) D'après une autre leçon, « de séparer des gens qui « se querellent. »

(6) Il y a dans le grec, « pour le surlendemain. »

Il semble que le trop grand empressement est une recherche importune, ou une vaine affectation de marquer aux autres de la bienveillance par ses paroles et par toute sa conduite. Les manières d'un homme empressé sont de prendre sur soi l'évènement d'une affaire qui est au-dessus de ses forces, et dont il ne sauroit sortir avec honneur (2); et, dans une chose que toute une assemblée juge raisonnable, et où il ne se trouve pas la moindre difficulté, d'insister long-temps sur une légère circonstance, pour ètre ensuite de l'avis des autres (3); de faire beaucoup plus apporter de vin dans un repas traduire simplement : « Dire qu'on lui en donne, pour qu'on n'en peut boire (4); d'entrer dans une querelle où il se trouve présent, d'une manière à l'échauffer davantage (5). Rien n'est aussi plus ordinaire que de le voir s'offrir à servir de guide dans un chemin détourné qu'il ne connoît pas, et dont il ne peut ensuite trouver l'issue; venir vers son général, et lui demander quand il doit

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(7) La Bruyère a suivi la version de Casaubon; mais M. Coray a prouvé, par d'excellentes autorités, qu'il faut

<< essayer de le guérir par ce moyen. »

(8) Formule d'épitaphe. (La Bruyère.) Par cela même elle n'étoit d'usage que pour les morts, et devoit déplaire aux vivants auxquels elle étoit appliquée. On regardoit même en général comme un mauvais augure d'être nommé dans les épitaphes; de là l'usage de la lettre V, initiale de vivens, qu'on voit souvent sur les inscriptions sépulcrales

des Romains devant les noms des personnes qui étoient encore vivantes quand l'inscription fut faite. (Visconti.)

CHAPITRE XIV.

De la stupidité.

NOTES.

(1) Littéralement, « Une lenteur d'esprit. » La plupart des traits de ce caractère seroient attribués aujourd'hui à la distraction, à laquelle les anciens paroissent ne pas avoir donné un nom particulier.

(2) Le traducteur a beaucoup paraphrasé ce passage. Le grec dit seulement : « Il s'attriste, il pleure, et dit : A la << bonne heure. »

(5) Les témoins étoient fort en usage chez les Grecs dans les paiements et dans tous les actes. (La Bruyère, ) « Tout le monde sait, dit Démosthène, contra Phorm., << qu'on va emprunter de l'argent avec peu de témoins, << mais qu'on en amène beaucoup en le rendant, afin de << faire connoître à un grand nombre de personnes com<< bien on met de régularité dans ses affaires. »

(4) Le texte grec dit : « Il force ses enfants à lutter et à « courir, et leur fait contracter des maladies de fatigue. » Théophraste a fait un ouvrage particulier sur ces maladies, occasionées fréquemment en Grèce par l'excès des exercices gymnastiques. Voyez le Traité de Meursius sur les ouvrages perdus de Théophraste.

(5) Le grec dit : « Et s'il se trouve avec eux à la cam« pagne, et qu'il leur fasse cuire des lentilles, il ou<< blie, etc. »

La stupidité est en nous une pesanteur d'esprit (1) qui accompagne nos actions et nos discours. Un homme stupide, ayant lui-même calculé avec des jetons une certaine somme, demande à ceux qui le regardent faire à quoi elle se monte. S'il est obligé de paroître dans un jour prescrit devant ses juges pour se défendre dans un procès que l'on lui fait, il l'oublie entièrement et part pour la campagne. Il s'endort à un spectacle, et ne se réveille que long-temps après qu'il est fini, et que le peuple s'est retiré. Après s'être rempli de viandes le soir, il se lève la nuit pour une indigestion, va dans la rue se soulager, où il est mordu d'un chien du voisinage. Il cherche ce qu'on vient de lui donner, et qu'il a mis lui-même dans quelque endroit où souvent il ne le peut retrouver. Lorsqu'on l'avertit de la mort de l'un de ses amis afin qu'il assiste à ses funérailles, il s'attriste, il pleure, il se désespère, et prenant une façon de parler pour une autre : A la bonne heure, ajoute-t-il, ou une pareille sottise (2). Cette précaution qu'ont les personnes sages de ne pas donner sans témoins (5) de l'argent à leurs créanciers, il l'a pour en recevoir de ses débiteurs. On le voit quereller son valet dans le plus grand froid de l'hiver, pour ne lui avoir pas acheté des concombres. S'il s'avise un jour de faire exercer ses enfants à la lutte ou à la course, il ne leur permet pas de se retirer qu'ils ne soient tout en sueur et hors d'haleine (4). Il va cueillir luimême des lentilles (5), les fait cuire, et, oubliant qu'il y amis du sel, il les sale une seconde fois, de sorte que personne n'en peut goûter. Dans le temps d'une pluie incommode, et dont tout le monde se plaint, il lui échappera de dire étoient indifféremment enterrés ou brûlés, et ces deux l'eau du ciel est une chose délicieuse (6); et cérémonies se faisoient dans les champs céramiques; mais si on lui demande par hasard combien il a vu ce n'étoit pas par la porte Sacrée, ainsi nommée parceemporter de morts par la porte Sacrée (7): Au- qu'elle conduisoit à Eleusis, qu'on se rendoit à ces champs. tant, répond-il, pensant peut-être à de l'ar-me paroit donc qu'il faut adopter la correction Erias,

que

gent ou à des grains, que je voudrois que vous et moi en pussions avoir.

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(6) Ce passage est évidemment altéré dans le texte, et La Bruyère n'en a exprimé qu'une partie en la paraphrasant. Il me semble qu'une correction plus simple que toutes celles qui ont été proposées jusqu'à présent seroit de lire τὸ ἄστρονομίζειν et de regarder les mots qui suivent comme le commencement d'une glose, inséré mal-à-propos dans le texte; car dans le grec il n'est dit nulle part dans ce chapitre ce que disent ou font les autres. D'après cette correction, il faudroit traduire : « Quand il pleut, il dit :

«

Ah! qu'il est agréable de connoître et d'observer les << astres!» La forme du verbe grec pourroit être rendue littéralement en françois par le mot astronomiser. Il faut convenir cependant que le verbe grec ne se trouve pas plus dans les dictionnaires que le verbe françois, et que la forme ordinaire du premier est un peu différente; mais en grec ces fréquentatifs sont très communs, et quelques manuscrits donnent une leçon qui s'approche beaucoup de cette correction. Le glossateur a ajouté, « Lorsque d'au« tres disent que le ciel est noir comme de la poix. »

(7) Pour être enterrés hors de la ville, suivant la loi de Solon. (La Bruyère.) Du temps de Théophraste, les morts

la porte des tombeaux. M. Barbié du Bocage croit que ce n'étoit pas une porte particulière qu'on appeloit ainsi, mais que ce nom étoit donné quelquefois à la porte Dipy

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