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rable, que je compte ses tours et ses clochers; | qui ne peuvent louer, qui blâment toujours, qui ne sont contents de personne, vous reconnoîtrez que ce sont ceux mêmes dont personne n'est content.

elle me paroît peinte sur le penchant de la colline. Je me récrie, et je dis : Quel plaisir de vivre sous un si beau ciel et dans ce séjour si délicieux! Je descends dans la ville, où je n'ai pas couché deux nuits, que je ressemble à ceux qui l'habitent j'en veux sortir.

Il y a une chose qu'on n'a point vue sous le ciel, et que selon toutes les apparences on ne verra jamais c'est une petite ville qui n'est divisée en aucuns partis; où les familles sont unies, et où les cousins se voient avec confiance; où un mariage n'engendre point une guerre civile; où la querelle des rangs ne se réveille pas à tous moments par l'offrande, l'encens et le pain bénit, par les processions et par les obsèques; d'où l'on a banni les caquets, le mensonge et la médisance; où l'on voit parler ensemble le bailli et le président, les élus et les assesseurs; où le doyen vit bien avec ses chanoines, où les chanoines ne dédaignent pas les chapelains, et où ceux-ci souffrent les chantres. Les provinciaux et les sots sont toujours prêts à se facher et à croire qu'on se moque d'eux, ou qu'on les méprise: il ne faut jamais hasarder la plaisanterie, même la plus douce et la plus permise, qu'avec des gens polis, ou qui ont de l'esprit.

On ne prime point avec les grands, ils se défendent par leur grandeur; ni avec les petits, ils vous repoussent par le qui-vive.

Tout ce qui est mérite se sent, se discerne, se devine réciproquement : si l'on vouloit être estimé, il faudroit vivre avec des personnes estimables.

Celui qui est d'une éminence au-dessus des autres qui le met à couvert de la repartie, ne doit jamais faire une raillerie piquante.

Il y a de petits défauts que l'on abandonne volontiers à la censure, et dont nous ne haïssons pas à être raillés ; ce sont de pareils défauts que nous devons choisir pour railler les autres.

Rire des gens d'esprit, c'est le privilége des sots: ils sont dans le monde ce que les fous sont à la cour, je veux dire sans conséquence.

La moquerie est souvent indigence d'esprit. Vous le croyez votre dupe: s'il feint de l'être, qui est plus dupe de lui ou de vous?

Si vous observez avec soin qui sont les gens

Le dédain et le rengorgement dans la société attire précisément le contraire de ce que l'on cherche, si c'est à se faire estimer.

Le plaisir de la société entre les amis se cultive par une ressemblance de goût sur ce qui regarde les mœurs, et par quelque différence d'opinions sur les sciences: par-là, ou l'on s'affermit dans ses sentiments, ou l'on s'exerce et l'on s'instruit par la dispute.

L'on ne peut aller loin dans l'amitié, si l'on n'est pas disposé à se pardonner les uns aux autres les petits défauts.

Combien de belles et inutiles raisons à étaler à celui qui est dans une grande adversité, pour essayer de le rendre tranquille! Les choses de dehors, qu'on appelle les évènements, sont quelquefois plus fortes que la raison et que la nature. Mangez, dormez, ne vous laissez point mourir de chagrin, songez à vivre : harangues froides, et qui réduisent à l'impossible. Étesvous raisonnable de vous tant inquiéter? n'estce pas dire : Êtes-vous fou d'être malheureux?

Le conseil, si nécessaire pour les affaires, est quelquefois, dans la société, nuisible à qui le donne, et inutile à celui à qui il est donné : sur les mœurs, vous faites remarquer des défauts ou que l'on n'avoue pas, ou que l'on estime des vertus; sur les ouvrages, vous rayez les endroits qui paroissent admirables à leur auteur, où il se complaît davantage, où il croit s'être surpassé lui-même. Vous perdez ainsi la confiance de vos amis, sans les avoir rendus ni meilleurs ni plus habiles.

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sion; ils étoient enfin parvenus à n'être plus entendus, et à ne s'entendre pas eux-mêmes. Il ne falloit, pour fournir à ces entretiens, ni bon sens, ni jugement, ni mémoire, ni la moindre capacité; il falloit de l'esprit, non pas du meilleur, mais de celui qui est faux, et où l'imagination a trop de part.

Je le sais, Théobalde, vous êtes vieilli; mais voudriez-vous que je crusse que vous êtes baissé, que vous n'êtes plus poëte ni bel esprit, que vous êtes présentement aussi mauvais juge de tout genre d'ouvrage que méchant auteur, que vous n'avez plus rien de naïf et de délicat dans la conversation? Votre air libre et présomptueux me rassure et me persuade tout le contraire. Vous êtes donc aujourd'hui tout ce que vous fûtes jamais, et peut-être meilleur; car, si à votre âge vous êtes si vif et si impétueux, quel nom, Theobalde, falloit-il vous donner dans votre jeunesse, et lorsque vous étiez la coqueluche ou l'entêtement de certaines femmes qui ne juroient que par vous et sur votre parole, qui disoient: Cela est délicieux ; qu'a-t-il dit?

L'on parle impétueusement dans les entretiens, souvent par vanité ou par humeur, rarement avec assez d'attention: tout occupé du desir de répondre à ce qu'on n'écoute point, l'on suit ses idées, et on les explique sans le moindre égard pour les raisonnements d'autrui; l'on est bien éloigné de trouver ensemble la vérité, l'on n'est pas encore convenu de celle que l'on cherche. Qui pourroit écouter ces sortes de conversations, et les écrire, feroit voir quelquefois de bonnes choses qui n'ont nulle suite.

Il a régné pendant quelque temps une sorte de conversation fade et puérile, qui rouloit toute sur des questions frivoles qui avoient relation au cœur, et à ce qu'on appelle passion ou tendresse. La lecture de quelques romans les avoit introduites parmi les plus honnêtes gens de la ville et de la cour; ils s'en sont défaits, et la bourgeoisie les a reçues avec les pointes et les équivoques.

Quelques femmes de la ville ont la délicatesse de ne pas savoir ou de n'oser dire le nom des rues, des places, et de quelques endroits publics qu'elles ne croient pas assez nobles pour être connus. Elles disent le Louvre, la place Royale: mais elles usent de tours et de phrases plutôt

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s'ils

que de prononcer de certains noms; et,
leur échappent, c'est du moins avec altération
du mot, et après quelques façons qui les rassu-
rent: en cela moins naturelles que les femmes
de la cour, qui, ayant besoin, dans le discours,
des Halles, du Châtelet, ou de choses sembla-
bles, disent les Halles, le Châtelet.

Si l'on feint quelquefois de ne se pas souvenir de certains noms que l'on croit obscurs, et si l'on affecte de les corrompre en les prononçant, c'est par la bonne opinion qu'on a du sien.

L'on dit par belle humeur, et dans la liberté de la conversation, de ces choses froides qu'à la vérité l'on donne pour telles, et que l'on ne trouve bonnes que parcequ'elles sont extrêmement mauvaises. Cette manière basse de plaisanter a passé du peuple, à qui elle appartient, jusque dans une grande partie de la jeunesse de la cour, qu'elle a déja infectée. Il est vrai qu'il y entre trop de fadeur et de grossièreté pour devoir craindre qu'elle s'étende plus loin, et qu'elle fasse de plus grands progrès dans un pays qui est le centre du bon goût et de la politesse; l'on doit cependant en inspirer le dégoût à ceux qui la pratiquent : car, bien que ce ne soit jamais sérieusement, elle ne laisse pas de tenir la place, dans leur esprit et dans le commerceordinaire, de quelque chose de meilleur.

Entre dire de mauvaises choses ou en dire de bonnes que tout le monde sait, et les donner pour nouvelles, je n'ai pas à choisir.

< Lucain a dit une jolie chose; il y a un beau < mot de Claudien; il y a cet endroit de Sénè<que » et là-dessus une longue suite de latin que l'on cite souvent devant des gens qui ne l'entendent pas, et qui feignent de l'entendre. Le secret seroit d'avoir un grand sens et bien de l'esprit ; car ou l'on se passeroit des anciens, ou, après les avoir lus avec soin, l'on sauroit encore choisir les meilleurs, et les citer à propos.

Hermagoras ne sait pas qui est roi de Hongrie; il s'étonne de n'entendre faire aucune mention du roi de Bohème : ne lui parlez pas des guerres de Flandre et de Hollande, dispensez-le du

C'est ce que faisoit, dit-on, le maréchal de Richelieu, qui

estropioit impitoyablement les noms de tous les roturiers de sa connoissance, mème de ses confrères à l'Académie Françoise.

moins de vous répondre; il confond les temps, | plus d'un mois les stances qu'il vous a promises, s'il ne manque de parole à Dosithée qui l'a engagé à faire une élégie; une idylle est sur le métier: c'est pour Crantor qui le presse, et qui lui laisse espérer un riche salaire. Prose, vers, que voulez-vous? il réussit également en l'un et en l'autre. Demandez-lui des lettres de consolation, ou sur une absence, il les entreprendra; prenez-les toutes faites et entrez dans son magasin, il y a à choisir. Il a un ami qui n'a point d'autre fonction sur la terre que de le promettre long-temps à un certain monde, et de le présenter enfin dans les maisons comme homme rare et d'une exquise conversation; et là, ainsi que le musicien chante et que le joueur de luth touche son luth devant les personnes à qui il a été promis, Cydias, après avoir toussé, relevé sa manchette, étendu la main et ouvert les doigts, débite gravement ses pensées quintessenciées et ses raisonnements sophistiques. Différent de ceux qui, convenant de principes, et connoissant la raison ou la vérité qui est une, s'arrachent la parole l'un à l'autre pour s'accorder sur leurs sentiments, il n'ouvre la bouche que pour contredire : Il me semble, dit-il gracieusement, que c'est tout le contraire de ce que vous dites; >

il ignore quand elles ont commencé, quand elles ont fini: combats, siéges, tout lui est nouveau. Mais il est instruit de la guerre des géants, il en raconte le progrès et les moindres détails; rien ne lui est échappé : il débrouille de même l'horrible chaos des deux empires, le babylonien et l'assyrien ; il connoît à fond les Égyptiens et leurs dynasties. Il n'a jamais vu Versailles, il ne le verra point, il a presque vu la tour de Babel; il en compte les degrés; il sait combien d'architectes ont présidé à cet ouvrage; il sait le nom des architectes. Dirai-je qu'il croit Henri IV1 fils de Henri III? Il néglige du moins de rien connoître aux maisons de France, d'Autriche, de Bavière: quelles minuties! dit-il, pendant qu'il récite de mémoire toute une liste des rois des Mèdes ou de Babylone, et que les noms d'Apronal, d'Hérigebal, de Noesnemordach, de Mardokempad, lui sont aussi familiers qu'à nous ceux de VALOIS et de BOURBON. Il demande si l'Empereur a jamais été marie; mais personne ne lui apprendra que Ninus a eu deux femmes. On lui dit que le roi jouit d'une santé parfaite; et il se souvient que Thetmosis, un roi d'Égypte, étoit valétudinaire, et qu'il tenoit cette complexion de son aïeul Alipharmutosis. Que ne sait-il point? quelle chose lui est cachée de la vénérable antiquité? Il vous dira que Sémiramis, ou, selon quelques uns, Sérimaris, parloit comme son fils Ninyas; qu'on ne les distinguoit pas à la parole: si c'étoit parceque la mère avoit une voix mâle comme son fils, ou le fils une voix efféminée comme sa mère, qu'il n'ose pas le décider. Il vous révèlera que Nembrot étoit gaucher, et Sésostris ambidextre; que c'est une erreur de s'imaginer qu'un Artaxerce ait été appelé Longuemain parceque les bras lui tomboient jusqu'aux genoux, et non à cause qu'il avoit une main plus longue que l'autre; et il ajoute qu'il y a des auteurs graves qui affirment que c'étoit la droite ; qu'il croit néanmoins être bien fondé à soutenir que c'est la gauche.

Ascagne est statuaire, Hégion fondeur, Eschine foulon, et Cydias bel esprit ; c'est sa profession. Il a une enseigne, un atelier, des ouvrages de commande, et des compagnons qui travaillent sous lui; il ne vous sauroit rendre de

• Henri-le-Grand. ( La Bruyère.)

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choses, ajoute-t-il, à considérer.....» et il en ajoute une quatrième : fade discoureur qui n'a pas mis plus tôt le pied dans une assemblée, qu'il cherche quelques femmes auprès de qui il puisse s'insinuer, se parer de son bel esprit ou de sa philosophie, et mettre en œuvre ses rares conceptions: car, soit qu'il parle ou qu'il écrive, il ne doit pas être soupçonné d'avoir en vue ni le vrai ni le faux, ni le raisonnable ni le ridicule; il évite uniquement de donner dans le sens des autres, et d'être de l'avis de quelqu'un : aussi attend-il dans un cercle que chacun se soit expliqué sur le sujet qui s'est offert, ou souvent qu'il a amené lui-même, pour dire dogmatiquement des choses toutes nouvelles, mais à son gré décisives et sans réplique. Cydias s'égale à Lucien et à Sénèque1, se met au-dessus

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de Platon, de Virgile et de Théocrite; et son | femme, depuis le jour qu'il en fit le choix jusflatteur a soin de le confirmer tous les matins dans cette opinion. Uni de goût et d'intérêt avec les contempteurs d'Homère, il attend paisiblement que les hommes détrompés lui préfèrent les poëtes modernes; il se met en ce cas à la tête de ces derniers, et il sait à qui il adjuge la seconde place. C'est, en un mot, un composé du pedant et du précieux, fait pour être admiré de la bourgeoisie et de la province, en qui néanmoins on n'aperçoit rien de grand que l'opinion qu'il a de lui-même.

C'est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Celui qui ne sait rien croit enseigner aux autres ce qu'il vient d'apprendre luimême; celui qui sait beaucoup pense à peine que ce qu'il dit puisse être ignoré, et parle plus indifféremment.

Les plus grandes choses n'ont besoin que d'être dites simplement; elles se gâtent par l'emphase: il faut dire noblement les plus petites; elles ne se soutiennent que par l'expression, le ton, et la manière. Il me semble que l'on dit les choses encore plus finement qu'on ne peut les écrire.

Il n'y a guère qu'une naissance honnête, ou une bonne éducation, qui rende les hommes capables de secret.

Toute confiance est dangereuse, si elle n'est entière: il y a peu de conjonctures où il ne faille tout dire ou tout cacher. On a déja trop dit de son secret à celui à qui on croit devoir en dérober une circonstance.

Des gens vous promettent le secret, et ils le révèlent eux-mêmes, et à leur insu; ils ne remuent pas les lèvres, et on les entend: on lit sur leur front et dans leurs yeux ; on voit au travers de leur poitrine; ils sont transparents : d'autres ne disent pas précisément une chose qui leur a été confiée; mais ils parlent et agissent de manière qu'on la découvre de soi-même enfin quelques uns méprisent votre secret, de quelque conséquence qu'il puisse être : « C'est un mystère, un tel m'en a fait part, et m'a défendu de le dire; et ils le disent.

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qu'à sa mort : il a déja dit qu'il regrette qu'elle ne lui ait pas laissé d'enfants, et il le répète ; il parle des maisons qu'il a à la ville, et bientôt d'une terre qu'il a à la campagne; il calcule le revenu qu'elle lui rapporte; il fait le plan des bâtiments, en décrit la situation, exagère la commodité des appartements, ainsi que la richesse et la propreté des meubles. Il assure qu'il aime la bonne chère, les équipages; il se plaint que sa femme n'aimoit point assez le jeu et la société. Vous êtes si riche, lui disoit un de ses amis, que n'achetez-vous cette charge? pourquoi ne pas faire cette acquisition qui étendroit votre domaine? On me croit, ajoute-t-il, plus de bien que je n'en possède. Il n'oublie pas son extraction et ses alliances: M. le surintendant, qui est mon cousin; madame la chancelière, qui est ma parente: voilà son style. Il raconte un fait qui prouve le mécontentement qu'il doit avoir de ses plus proches, et de ceux même qui sont ses héritiers: Ai-je tort? dit-il à Élise; ai-je grand sujet de leur vouloir du bien? et il l'en fait juge. Il insinue ensuite qu'il a une santé foible et languissante; et il parle de la cave où il doit être enterré. Il est insinuant, flatteur, officieux, à l'égard de tous ceux qu'il trouve auprès de la personne à qui il aspire. Mais Élise n'a pas le courage d'être riche en l'épousant. On annonce, au moment qu'il parle, un cavalier, qui de sa seule présence démonte la batterie de l'homme de ville: il se lève déconcerté et chagrin, et va dire ailleurs qu'il veut se remarier. Le sage quelquefois évite le monde, d'être ennuyé.

CHAPITRE VI.

Des biens de fortune.

de peur

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Toute révélation d'un secret est la faute de seigneur : cela est juste et de son ressort. Mais celui qui l'a confié. il appartient peut-être à d'autres de vivre contents.

Nicandre s'entretient avec Élise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec sa

Une grande naissance ou une grande fortune

annonce le mérite, et le fait plus tôt remarquer. | se morfondre, qu'il paroisse enfin avec une mine Ce qui disculpe le fat ambitieux de son am- grave et une démarche mesurée, qu'il écoute bition est le soin que l'on prend, s'il a fait une un peu et ne reconduise point, quelque subalgrande fortune, de lui trouver un mérite qu'il terne qu'il soit d'ailleurs, il fera sentir de luin'a jamais eu, et aussi grand qu'il croit l'avoir. même quelque chose qui approche de la consiA mesure que la faveur et les grands biens se dération. retirent d'un homme, ils laissent voir en lui le ridicule qu'ils couvroient, et qui y étoit sans que personne s'en aperçût.

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Si le financier manque son coup, les courtisans disent de lui: C'est un bourgeois, un homme de rien, un malotru; s'il réussit, ils lui demandent sa fille.

Quelques uns ont fait dans leur jeunesse l'apprentissage d'un certain métier, pour en exercer un autre, et fort différent, le reste de leur vie.

Un homme est laid, de petite taille, et a peu d'esprit. L'on me dit à l'oreille : Il a cinquante mille livres de rente; cela le concerne tout seul, et il ne m'en fera jamais ni pis ni mieux. Si je commence à le regarder avec d'autres yeux, et si je ne suis pas maître de faire autrement, quelle sottise!

Un projet assez vain seroit de vouloir tourner un homme fort sot et fort riche en ridicule; les rieurs sont de son côté.

N", avec un portier rustre, farouche, tirant sur le Suisse, avec un vestibule et une antichambre, pour peu qu'il y fasse languir quelqu'un et Les partisans, qui avoient souvent commencé par être la

quais.

Je vais, Clitiphon, à votre porte; le besoin que j'ai de vous me chasse de mon lit et de ma chambre plût aux dieux que je ne fusse ni votre client, ni votre fâcheux! Vos esclaves me disent que vous êtes enfermé, et que vous ne pouvez m'écouter que d'une heure entière: je reviens avant le temps qu'ils m'ont marqué, et ils me disent que vous êtes sorti. Que faitesvous, Clitiphon, dans cet endroit le plus reculé de votre appartement, de si laborieux qui vous empêche de m'entendre? Vous enfilez quelques mémoires; vous collationnez un registre, vous signez, vous paraphez; je n'avois qu'une chose à vous demander, et vous n'aviez qu'un mot à me répondre, oui ou non. Voulez-vous être rare? rendez service à ceux qui dépendent de vous : vous le serez davantage par cette conduite que par ne vous pas laisser voir. O homme important et chargé d'affaires, qui, à votre tour, avez besoin de mes offices, venez dans la solitude de mon cabinet! le philosophe est accessible; je ne vous remettrai point à un autre jour. Vous me trouverez sur les livres de Platon qui traitent de la spiritualité de l'ame et de sa distinction d'avec le corps, ou la plume à la main pour calculer les distances de Saturne et de Jupiter: j'admire Dieu dans ses ouvrages, et je cherche, par la connoissance de la vérité, à régler mon esprit et devenir meilleur. Entrez, toutes les portes. vous sont ouvertes: mon antichambre n'est pas faite pour s'y ennuyer en m'attendant; passez jusqu'à moi sans me faire avertir. Vous m'apportez quelque chose de plus précieux que l'argent et l'or, si c'est une occasion de vous obliger: parlez, que voulez-vous que je fasse pour vous? faut-il quitter mes livres, mes études, mon ouvrage, cette ligne qui est commencée? quelle interruption heureuse pour moi que celle qui vous est utile! Le manieur d'argent, l'homme d'affaires, est un ours qu'on ne sauroit apprivoiser; on ne le voit dans sa loge qu'avec peine, que dis-je? on ne le voit point; car d'abord on ne le voit pas encore, et bientôt on ne le voit plus.

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