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qu'une société, qu'un ménagement réciproque | une impossibilité absolue d'arriver où elle
d'intérêts, et qu'un échange de bons offices; ce
n'est enfin qu'un commerce où l'amour-propre
se propose toujours quelque chose à gagner1.

XCII.

LXXXIV.

Détromper un homme préoccupé de son mérite, est lui rendre un aussi mauvais office que celui que l'on rendit à ce fou d'Athènes qui

Il est plus honteux de se défier de ses amis, croyoit que tous les vaisseaux qui arrivoient que d'en être trompé. dans le port étoient à lui 1.

* XCIII.

Les vieillards aiment à donner de bons préceptes, pour se consoler de n'être plus en état de donner de mauvais exemples.

LXXXV.

Nous nous persuadons souvent d'aimer les gens plus puissants que nous, et néanmoins c'est l'intérêt seul qui produit notre amitié; nous ne nous donnons pas à eux pour le bien que nous leur voulons faire, mais pour celui que nous en voulons recevoir.

* LXXXVI.

Notre défiance justifie la tromperie d'autrui. * LXXXVII.

Les hommes ne vivroient pas long-temps en société, s'ils n'étoient les dupes les uns des LXXXVIII.

autres.

L'amour-propre nous augmente ou nous diminue les bonnes qualités de nos amis, à proportion de la satisfaction que nous avons d'eux, et nous jugeons de leur mérite par la manière dont ils vivent avec nous.

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XCIV.

Les grands noms abaissent, au lieu d'élever ceux qui ne les savent pas soutenir.

* XCV.

La marque d'un mérite extraordinaire est de voir que ceux qui l'envient le plus sont contraints de le louer.

XCVII.

On s'est trompé lorsqu'on a cru que l'esprit et le jugement étoient deux choses différentes: le jugement n'est que la grandeur de la lumière

LXXXIX.

Tout le monde se plaint de sa mémoire, et de l'esprit. Cette lumière pénètre le fond des personne ne se plaint de son jugement. choses; elle y remarque tout ce qu'il faut remarquer, et aperçoit celles qui semblent imperceptibles. Ainsi il faut demeurer d'accord que c'est l'étendue de la lumière de l'esprit qui produit tous les effets qu'on attribue au jugement 2.

* XC.

Nous plaisons plus souvent dans le commerce de la vie par nos défauts que par nos bonnes qualités.

XCI.

La plus grande ambition n'en a pas la moindre apparence, lorsqu'elle se rencontre dans

* XCVI.

Tel homme est ingrat, qui est moins coupable de son ingratitude, que celui qui lui a fait du bien.

1 Var. On a autant de sujet de se plaindre de ceux qui nous apprennent à nous connoître nous-mêmes, qu'en eut ce fou d'A

thènes, de se plaindre du médecin qui l'avoit guéri de l'opinion

d'être riche. (1665-no 104.)

Var. Le jugement n'est autre chose que la grandeur de la lumière de l'esprit, son étendue est la mesure de sa lumière, sa profondeur est celle qui pénètre le fond des choses, son discernement les compare et les distingue, sa justesse ne voit que ce qu'il faut voir, sa droiture les prend toujours par le bon biais,

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* XCVIII.

Chacun dit du bien de son cœur, et personne noît, qui la discerne et qui la goûte. n'en ose dire de son esprit.

CVI.

XCIX.

Pour bien savoir les choses, il en faut savcir le détail; et comme il est presque infini, nos La politesse de l'esprit consiste à penser des connoissances sont toujours superficielles et

choses honnêtes et délicates 1.

imparfaites.

C.

La galanterie de l'esprit est de dire des choses flatteuses d'une manière agréable".

CI.

Il arrive souvent que des choses se présentent plus achevées à notre esprit, qu'il ne les pourroit faire avec beaucoup d'art 3.

CII.

L'esprit est toujours la dupe du cœur.
CIII.

Tous ceux qui connoissent leur esprit, ne connoissent pas leur cœur 4.

CIV.

fait trouver la raison; mais celui qui la con

Les hommes et les affaires ont leur point de perspective. Il y en a qu'il faut voir de près pour en bien juger, et d'autres dont on ne juge jamais si bien que quand on en est éloigné 5.

CV.

Celui-là n'est pas raisonnable à qui le hasard

sa délicatesse aperçoit celles qui paroissent imperceptibles, et le jugement décide ce que les choses sont; si on l'examine bien, on trouvera que toutes ces qualités ne sont autre chose que la grandeur de l'esprit, lequel voyant tout, rencontre dans la plénitude de ses lumières tous les avantages dont nous venons de parler. (1663-n° 107.)

1 Var. La politesse de l'esprit est un tour par lequel il pense

toujours des choses honnêtes et délicates. (1665 — no 99.)

a Vur. La galanterie de l'esprit est un tour de l'esprit, par lequel il entre dans les choses les plus flatteuses, c'est-à-dire celles qui sont le plus capables de plaire aux autres. (1663-no 140.)

› Var. Il y a des jolies choses que l'esprit ne cherche point et qu'il trouve toutes achevées en lui-même; il semble qu'elles y

soient cachées comme l'or et les diamants dans le sein de la terre. ( 1665 – no 444. )

▲ Var. Bien des gens connoissent leur esprit, qui ne connois

sent pas leur cœur. (1663 — no 143.)

5 var. Toutes les grandes choses ont leur point de perspective, comme les statues ; il y en a ... etc. (1665-no 444.)

...

CVII.

C'est une espèce de coquetterie, de faire remarquer qu'on n'en fait jamais.

CVIII.

L'esprit ne sauroit jouer long-temps le personnage du cœur.

CIX.

La jeunesse change ses goûts par l'ardeur du sang, et la vieillesse conserve les siens par l'acCX.

coutumance.

On ne donne rien si libéralement que ses conseils '.

CXI.

Plus on aime une maîtresse, plus on est près de la haïr.

CXII.

Les défauts de l'esprit augmentent en vieillissant, comme ceux du visage.

CXIII.

Il y a de bons mariages; mais il n'y en a point de délicieux.

CXIV.

On ne se peut consoler d'être trompé par ses ennemis et trahi par ses amis, et l'on est souvent satisfait de l'être par soi-même.

CXV.

Il est aussi facile de se tromper soi-même sans s'en apercevoir, qu'il est difficile de tromper les autres sans qu'ils s'en aperçoivent.

Var. Il n'y a point de plaisir qu'on fasse plus volontiers à un ami que celui de lui donner conseil. (4665— no 447.)

CXVI.

Rien n'est moins sincère que la manière de demander et de donner des conseils. Celui qui en demande paroît avoir une déférence respectueuse pour les sentiments de son ami, bien qu'il ne pense qu'à lui faire approuver les siens, et à le rendre garant de sa conduite; et celui qui conseille, paie la confiance qu'on lui témoigne d'un zèle ardent et désintéressé, quoiqu'il ne cherche le plus souvent, dans les conseils qu'il donne, que son propre intérêt ou sa gloire '.

CXVII.

La plus subtile de toutes les finesses est de savoir bien feindre de tomber dans les piéges qu'on nous tend; et l'on n'est jamais si aisément trompé que quand on songe à tromper les

autres.

CXVIII.

L'intention de ne jamais tromper nous expose à être souvent trompés.

CXIX.

Nous sommes si accoutumés à nous déguiser aux autres, qu'enfin nous nous déguisons à

nous-mêmes 2.

CXX.

L'on fait plus souvent des trahisons par foiblesse que par un dessein formé de trahir.

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CXXII.

Si nous résistons à nos passions, c'est plus par leur foiblessse que par notre force.

CXXIII.

On n'auroit guère de plaisir si on ne se flattoit jamais. * CXXIV.

Var. Rien n'est plus divertissant que de voir deux hommes assemblés, l'un pour demander conseil et l'autre pour le donner: l'un paroît avec une déférence respectueuse, et dit qu'il vient recevoir des instructions pour sa conduite, et son dessein le plus souvent est de faire approuver ses sentiments, et de rendre celui qu'il vient consulter garant de l'affaire qu'il lui propose. Celui

qui conseille paie d'abord la confiance de son ami des marques d'un zèle ardent et désintéressé, et il cherche en même temps, dans ses propres intérêts, des règles de conseiller; de sorte son conseil lui est bien plus propre qu'à celui qui le reçoit. (1665 −n 448.)

2 V ́ar. La coutume que nous avons de nous déguiser aux autres pour acquérir leur estime, fait qu'enfin nous nous déguisons à nous-mêmes. (1665—no 123.)

Les plus habiles affectent toute leur vie de blâmer les finesses, pour s'en servir en quelque grande occasion et pour quelque grand intérêt.

CXXV.

L'usage ordinaire de la finesse est la marque d'un petit esprit, et il arrive presque toujours que celui qui s'en sert pour se couvrir en un endroit, se découvre en un autre.

CXXVI.

Les finesses et les trahisons ne viennent que du manque d'habileté 1.

* CXXVII.

Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus fin que les autres.

CXXVIII.

La trop grande subtilité est une fausse délicatesse ; et la véritable délicatesse est une solide subtilité.

CXXI.

On fait souvent du bien pour pouvoir impu- pas trompé par un habile homme.

nément faire du mal.

CXXX.

CXXIX.

Il suffit quelquefois d'être grossier pour n'être

La foiblesse est le seul défaut que l'on ne sauroit corriger.

* CXXXI.

Le moindre défaut des femmes qui se sont abandonnées à faire l'amour, c'est de faire l'amour. que

Var. Si on étoit toujours assez habile, on ne feroit jamais de finesses ni de trahisons. (1665—no 128. )

2 Var. On est fort sujet à être trompé, quand on croit être plus fin que les autres, (4665-no 129.)

CXXXII.

Il est plus aisé d'être sage pour les autres, que de l'être pour soi-même.

CXXXIII.

Les seules bonnes copies sont celles qui nous font voir le ridicule des méchants originaux 1. * CXXXIV.

On n'est jamais si ridicule par les qualités que l'on a, que par celles que l'on affecte d'avoir. CXXXV.

CXLI.

Nous nous vantons souvent de ne nous point ennuyer, et nous sommes si glorieux, que nous ne voulons pas nous trouver de mauvaise compagnie 1.

CXLII.

On est quelquefois aussi différent de soi- de faire entendre en peu de paroles beaucoup Comme c'est le caractère des grands esprits même que des autres. de choses, les petits esprits, au contraire, ont le don de beaucoup parler et de ne rien dire.

* CXLIII.

C'est plutôt par l'estime de nos propres sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par l'estime de leur mérite ; et

CXXXVII.

On parle peu quand la vanité ne fait pas nous voulons nous attirer des louanges, lorsparler 2. qu'il semble que nous leur en donnons 2.

CXLIV.

CXXXVI.

Il y a des gens qui n'auroient jamais été amoureux, s'ils n'avoient jamais entendu parler de l'amour.

CXXXVIII.

On aime mieux dire du mal de soi-même, que de n'en point parler.

bien écouter et bien répondre est une des plus grandes perfections qu'on puisse avoir dans la conversation.

CXXXIX.

Une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens qui paroissent raisonnables, et agréables dans la conversation, c'est qu'il n'y a presque personne qui ne pense plutôt à ce qu'il veut dire, qu'à répondre précisément à ce qu'on lui dit. Les plus habiles et les plus complaisants se contentent de montrer seulement une mine attentive, au même temps que l'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement pour ce qu'on leur dit, et une précipitation

pour retourner à ce qu'ils veulent dire; au lieu de considérer que c'est un mauvais moyen de plaire aux autres ou de les persuader, que de chercher si fort à se plaire à soi-même, et que

Var. Dans l'édition de 4666, qui est celle où cette réflexion a paru pour la première fois, on lit des excellents originaux, au lieu de des méchants originaux.

*Var. Quand la vanité ne fait point parler, on n'a pas envie de dire grand chose. ( 1663 — no 439.)

* CXL.

Un homme d'esprit seroit souvent bien embarrassé sans la compagnie des sots.

On n'aime point à louer, et on ne loue jamais personne sans intérêt. La louange est une flatterie habile, cachée et délicate, qui satisfait différemment celui qui la donne et celui qui la reçoit : l'un la prend comme une récompense de son mérite; l'autre la donne pour faire remarquer son équité et son discernement. CXLV.

Nous choisissons souvent des louanges empoisonnées, qui font voir par contre-coup en ceux que nous louons des défauts que nous n'osons découvrir d'une autre sorte.

CXLVI.

On ne loue d'ordinaire que pour être loué.

Var. On se vante souvent mal à propos de ne se point ennuyer; et l'homme est si glorieux, qu'il ne veut pas se trouver de mauvaise compagnie. (1665- no 443.)

Var. C'est plutôt par l'estime de nos sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par leur mérite, et nous nous louons en effet, lorsqu'il semble que nous leur donnons des louanges. (1665-no 146.)

CXLVII.

Peu de gens sont assez sages pour préférer le blâme qui leur est utile à la louange qui les trahit. CXLVIII.

Il y a des reproches qui louent, et des louanges qui médisent.

CXLIX.

Le refus des louanges est un desir d'être loué deux fois 1.

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CLII.

Si nous ne nous flattions pas nous-mêmes, la flatterie des autres ne nous pourroit nuire.

CL.

Le desir de mériter les louanges qu'on nous il en faut avoir l'économie. donne, fortifie notre vertu; et celles que l'on donne à l'esprit, à la valeur et à la beauté, contribuent à les augmenter 2.

CLI.

Il est plus difficile de s'empêcher d'être gouverné, que de gouverner les autres.

CLIV.

La fortune nous corrige de plusieurs défauts que la raison ne sauroit corriger.

* CLV.

Il y a des gens dégoûtants avec du mérite, et d'autres qui plaisent avec des défauts 3.

CLVI.

Il y a des gens dont tout le mérite consiste

à dire et à faire des sottises utilement, et qui

gâteroient tout s'ils changeoient de conduite. * CLVII.

La gloire des grands hommes se doit toujours mesurer aux moyens dont ils se sont servis pour l'acquérir.

Var. La modestie qui semble refuser les louanges, n'est en effet qu'un desir d'en avoir de plus délicates. (4663—no 147.)

2 Var. L'approbation que l'on donne à l'esprit, à la beauté et à la valeur, les augmente, les perfectionne, et leur fait faire de plus grands effets qu'ils n'auroient été capables de faire d'euxmêmes. (1665- —no 456. )

CLVIII.

La flatterie est une fausse monnoie qui n'a de cours que par notre vanité.

3 Var. Comme il y a de bonnes viandes qui affadissent le cœur, il y a un mérite fade, et des personnes qui dégoûtent avec des qualités bonnes et estimables. (1663 — no 162.)

CLIX.

Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités,

CLXII.

CLIII.

L'art de savoir bien mettre en œuvre de La nature fait le mérite, et la fortune le met médiocres qualités, dérobe l'estime, et donne souvent plus de réputation que le véritable mérite.

en œuvre.

CLXIII.

Il y a une infinité de conduites qui paroissent ridicules, et dont les raisons cachées sont très sages et très solides 2.

CLX.

Quelque éclatante que soit une action, elle ne doit pas passer pour grande, lorsqu'elle n'est pas l'effet d'un grand dessein 1.

CLXI.

Il doit y avoir une certaine proportion entre les actions et les desseins, si on en veut tirer tous les effets qu'elles peuvent produire.

CLXIV.

Il est plus facile de paroître digne des emplois qu'on n'a pas, que de ceux que l'on exerce.

CLXV.

Notre mérite nous attire l'estime des honnêtes gens, et notre étoile celle du public.

Var. On se mécompte toujours dans le jugement que l'on fait de nos actions, quand elles sont plus grandes que nos desseins. (1665-no 167.)

a Var. Il y a une infinité de conduites qui ont un ridicule apparent, et qui sont, dans leurs raisons cachées, très sages et très. solides. (1663-no 170.)

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