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posséder se console et s'adoucit par le mépris | perceptible ambition de rendre nos témoignages que l'on témoigne de ceux qui la possèdent; et considérables, et d'attirer à nos paroles un resnous leur refusons nos hommages, ne pouvant pect de religion. pas leur ôter ce qui leur attire ceux de tout le monde.

LVI.

LXIV.

La vérité ne fait pas tant de bien dans le

Pour s'établir dans le monde, on fait tout ce monde, que ses apparences y font de mal. que l'on peut pour y paroître établi.

LVII.

Quoique les hommes se flattent de leurs grandes actions, elles ne sont pas souvent les effets d'un grand dessein, mais des effets du hasard'.

LVIII.

Il semble que nos actions aient des étoiles heureuses ou malheureuses, à qui elles doivent une grande partie de la louange et du blâme qu'on leur donne.

LIX.

Il n'y a point d'accidents si malheureux dont les habiles gens ne tirent quelque avantage, ni de si heureux que les imprudents ne puissent tourner à leur préjudice.

LX.

* LXV.

Il n'y a point d'éloges qu'on ne donne à la prudence; cependant elle ne sauroit nous assu

rer du moindre évènement '.

LXVI.

Un habile homme doit régler le rang de ses intérêts, et les conduire chacun dans son ordre. Notre avidité le trouble souvent, en nous faisant courir à tant de choses à la fois, que pour desirer trop les moins importantes, on manque les plus considérables.

* LXVII.

La bonne grâce est au corps ce que le bon sens est à l'esprit.

* LXVIII.

Il est difficile de définir l'amour: ce qu'on en

La fortune tourne tout à l'avantage de ceux peut dire est que, dans l'ame, c'est une passion qu'elle favorise 1.

LXI.

Le bonheur et le malheur des hommes ne dépend pas moins de leur humeur que de la fortune.

LXII.

La sincérité est une ouverture de cœur. On la trouve en fort de peu et celle que l'on gens; voit d'ordinaire, n'est qu'une fine dissimulation

pour attirer la confiance des autres.

LXIII.

Var. L'auteur s'est essayé plusieurs fois avant d'arriver à une précision si parfaite. Voici comment il s'exprimoit dans sa première édition : « On élève la prudence jusqu'au ciel, et il n'est sorte d'éloges qu'on ne lui donne; elle est la règle de nos actions et de notre conduite, elle est la maitresse de la fortune, elle fait le destin des empires; sans elle on a tous les maux, avec elle on a tous les biens; et comme disoit autrefois un poète, quand nous avons la prudence, il ne nous manque aucune divinité: Nullum numen abest, si sit prudentia. (JUVÉNAL, Sat. x), pour dire que nous trouvons dans la prudence tout le secours que nous demandons aux dieux. Cependant la prudence la plus consommée ne sauroit nous assurer du plus petit effet du monde, parce que travaillant sur une matière aussi changeante et aussi inconnue qu'est l'homme, elle ne peut exécuter sûrement aucun de ses projets d'où il faut conclure que toutes les louanges dont nous flattons notre prudence, ne sont que des effets de notre amour-propre, qui s'applaudit en toutes choses et en toutes rencontres. » ( 1663—no 73. ) Dès la seconde édition,

L'aversion du mensonge est souvent une im- l'auteur se corrigea ainsi : « Il n'y a point d'éloges qu'on ne

Var. Quoique la grandeur des ministres se flatte de celle de leurs actions, elles sont bien souvent les effets du hasard ou de quelque petit dessein. ( 1663-no 66.)

Var. La fortune ne laisse rien perdre pour les hommes heureux. (4665-no 69.)

donne à la prudence. Cependant, quelque grande qu'elle soit, elle ne sauroit nous assurer du moindre évènement, parcequ'elle travaille sur l'homme, qui est le sujet du monde le plus changeant. » ( 1666—no 66 ; —1671,1673—no 63.) Enfin, dans sa dernière édition, l'auteur refit cette pensée telle qu'elle est aujourd'hui. Ces différents essais offrent une étude de style bien digne d'être méditée.

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Il n'y a que d'une sorte d'amour, mais il y leure, une lassitude de la guerre, et une crainte en a mille différentes copies. de quelque mauvais évènement 3.

LXXV.

L'amour, aussi-bien que le feu, ne peut subsister sans un mouvement continuel; et il cesse de vivre dès qu'il cesse d'espérer ou de craindre.

LXXVI.

Il est du véritable amour comme de l'apparition des esprits: tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu.

Var. Il n'y a point d'amour pur et exempt du mélange des autres passions, que celui qui est caché au fond du cœur, et que nous ignorons nous-mêmes. (1665-no 79. )

• Var. Qui n'ont jamais fait de galanterie. (4663—no 83.)

* LXXXIII.

Ce que les hommes ont nommé amitié, n'est

Var. La justice n'est qu'une vive appréhension qu'on ne nous ôte ce qui nous appartient: de là vient cette considération et ce respect pour tous les intérêts du prochain, et cette scrupuleuse application à ne lui faire aucun préjudice : cette crainte retient l'homme dans les bornes des biens que la naissance ou la fortune lui ont donnés ; et sans cette crainte, il feroit des courses

continuelles sur les autres. (4663—no 88.)—On blâme l'injustice, non pas par l'aversion que l'on a pour elle, mais pour le préju dice que l'on en reçoit. (1665—no 90.)

2 Var. Ce qui rend nos inclinations si légères et si changeantes, c'est qu'il est aisé de connoître les qualités de l'esprit, et difficile de connoître celles de l'ame. (4665- n° 93.)

3 Var. La réconciliation avec nos ennemis, qui se fait au nom de la sincérité, de la douceur, et de la tendresse. (1665— n° 95.)

aspire,

qu'une société, qu'un ménagement réciproque | une impossibilité absolue d'arriver où elle d'intérêts, et qu'un échange de bons offices; ce n'est enfin qu'un commerce où l'amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner1.

LXXXIV.

XCII.

Détromper un homme préoccupé de son mérite, est lui rendre un aussi mauvais office que celui que l'on rendit à ce fou d'Athènes qui

Il est plus honteux de se défier de ses amis, croyoit que tous les vaisseaux qui arrivoient que d'en être trompé. dans le port étoient à lui1.

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L'amour-propre nous augmente ou nous di-pable de son ingratitude, que celui qui lui a minue les bonnes qualités de nos amis, à pro- fait du bien. portion de la satisfaction que nous avons d'eux,

et nous jugeons de leur mérite par la manière dont ils vivent avec nous.

LXXXIX.

XCVII.

On s'est trompé lorsqu'on a cru que l'esprit et le jugement étoient deux choses différentes: le jugement n'est que la grandeur de la lumière

Tout le monde se plaint de sa mémoire, et de l'esprit. Cette lumière pénètre le fond des personne ne se plaint de son jugement.

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choses; elle y remarque tout ce qu'il faut remarquer, et aperçoit celles qui semblent imperceptibles. Ainsi il faut demeurer d'accord que c'est l'étendue de la lumière de l'esprit qui produit tous les effets qu'on attribue au jugement 2.

Var. On a autant de sujet de se plaindre de ceux qui nous apprennent à nous connoître nous-mêmes, qu'en eut ce fou d'A

La plus grande ambition n'en a pas la moin- thènes, de se plaindre du médecin qui l'avoit guéri de l'opinion dre apparence, lorsqu'elle se rencontre dans

Var. L'amitié la plus désintéressée n'est qu'un trafic, où notre amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. (1665- n° 94.)

d'être riche. (1665-no 104.)

Var. Le jugement n'est autre chose que la grandeur de la lumière de l'esprit, son étendue est la mesure de sa lumière, sa profondeur est celle qui pénètre le fond des choses, son discernement les compare et les distingue, sa justesse ne voit que ce qu'il faut voir, sa droiture les prend toujours par le bon biais,

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XCIX.

fait trouver la raison; mais celui qui la connoît, qui la discerne et qui la goûte.

CVI.

Pour bien savoir les choses, il en faut savcir le détail; et comme il est presque infini, nos

La politesse de l'esprit consiste à penser des connoissances sont toujours superficielles et

choses honnêtes et délicates '.

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sa délicatesse aperçoit celles qui paroissent imperceptibles, et le jugement décide ce que les choses sont; si on l'examine bien, on trouvera que toutes ces qualités ne sont autre chose que la grandeur de l'esprit, lequel voyant tout, rencontre dans la plénitude de ses lumières tous les avantages dont nous venons de parler. ( 1665 — no 107.)

1 Var. La politesse de l'esprit est un tour par lequel il pense toujours des choses honnêtes et délicates. (1665 — no 99.)

Vur. La galanterie de l'esprit est un tour de l'esprit, par lequel il entre dans les choses les plus flatteuses, c'est-à-dire celles qui sont le plus capables de plaire aux autres. (1663—no 140.) › Var. Il y a des jolies choses que l'esprit ne cherche point et qu'il trouve toutes achevées en lui-même; il semble qu'elles y soient cachées comme l'or et les diamants dans le sein de la terre. ( 665 – I> 444. )

4 var. Bien des gens connoissent leur esprit, qui ne connoissent pas leur cœur. (1663 — no 413.)

5 Var. Toutes les grandes choses ont leur point de perspective, comme les statues; il y en a . . . . . . etc. (1663- no 414.)

imparfaites.

CVII.

C'est une espèce de coquetterie, de faire remarquer qu'on n'en fait jamais.

CVIII.

L'esprit ne sauroit jouer long-temps le personnage du cœur.

CIX.

La jeunesse change ses goûts par l'ardeur du sang, et la vieillesse conserve les siens par l'ac

coutumance.

CX.

On ne donne rien si libéralement que ses conseils '.

CXI.

Plus on aime une maîtresse, plus on est près de la haïr.

CXII.

Les défauts de l'esprit augmentent en vieillissant, comme ceux du visage.

CXIII.

Il y a de bons mariages; mais il n'y en a point de délicieux.

CXIV.

On ne se peut consoler d'être trompé par ses ennemis et trahi par ses amis, et l'on est souvent satisfait de l'être par soi-même.

CXV.

Il est aussi facile de se tromper soi-même sans s'en apercevoir, qu'il est difficile de tromper les autres sans qu'ils s'en aperçoivent.

Var. Il n'y a point de plaisir qu'on fasse plus volontiers à un ami que celui de lui donner conseil. (4665—no 447.)

CXVI.

Rien n'est moins sincère que la manière de demander et de donner des conseils. Celui qui en demande paroît avoir une déférence respectueuse pour les sentiments de son ami, bien qu'il ne pense qu'à lui faire approuver les siens, et à le rendre garant de sa conduite; et celui qui conseille, paie la confiance qu'on lui témoigne d'un zèle ardent et désintéressé, quoiqu'il ne cherche le plus souvent, dans les conseils qu'il donne, que son propre intérêt ou sa gloire '.

CXVII.

La plus subtile de toutes les finesses est de savoir bien feindre de tomber dans les piéges qu'on nous tend; et l'on n'est jamais si aisément trompé que quand on songe à tromper les

autres.

CXVIII.

L'intention de ne jamais tromper nous expose à être souvent trompés.

CXIX.

Nous sommes si accoutumés à nous déguiser aux autres, qu'enfin nous nous déguisons à nous-mêmes 2.

CXX.

L'on fait plus souvent des trahisons par foiblesse que par un dessein formé de trahir.

. CXXI.

CXXII.

Si nous résistons à nos passions, c'est plus par leur foiblessse que par notre force.

CXXIII.

On n'auroit guère de plaisir si on ne se flattoit jamais. * CXXIV.

Les plus habiles affectent toute leur vie de blâmer les finesses, pour s'en servir en quelque grande occasion et pour quelque grand intérêt.

CXXV.

L'usage ordinaire de la finesse est la marque d'un petit esprit, et il arrive presque toujours que celui qui s'en sert pour se couvrir en un endroit, se découvre en un autre.

CXXVI.

Les finesses et les trahisons ne viennent que du manque d'habileté 1.

* CXXVII.

Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus fin les autres 2. que

CXXVIII.

La trop grande subtilité est une fausse délicatesse ; et la véritable délicatesse est une solide subtilité.

CXXIX.

Il suffit quelquefois d'être grossier pour n'être

On fait souvent du bien pour pouvoir impu- pas trompé par un habile homme.

nément faire du mal.

Var. Rien n'est plus divertissant que de voir deux hommes assemblés, l'un pour demander conseil et l'autre pour le donner: l'un paroît avec une déférence respectueuse, et dit qu'il vient recevoir des instructions pour sa conduite, et son dessein le plus souvent est de faire approuver ses sentiments, et de rendre celui qu'il vient consulter garant de l'affaire qu'il lui propose. Celui qui conseille paie d'abord la confiance de son ami des marques d'un zèle ardent et désintéressé, et il cherche en même temps, dans ses propres intérêts, des règles de conseiller; de sorte que son conseil lui est bien plus propre qu'à celui qui le reçoit. (4665 -no 148.)

2 Var. La coutume que nous avons de nous déguiser aux autres pour acquérir leur estime, fait qu'enfin nous nous déguisons à nous-mêmes. (1663—no 123.)

CXXX.

La foiblesse est le seul défaut que l'on ne sauroit corriger.

* CXXXI.

Le moindre défaut des femmes qui se sont abandonnées à faire l'amour, c'est de faire l'amour.

Var. Si on étoit toujours assez habile, on ne feroit jamais de finesses ni de trahisons. (1665—no 128. )

2 Var. On est fort sujet à être trompé, quand on croit être plus fin que les autres, (1665-no 129.)

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