Page images
PDF
EPUB

Quelques hordes de cafres & d'africains ont été accufés de cette horreur.

la

Si on ne nous a point trompés fur la Chine, fi dans un de ces temps défaftreux où la faim ne refpecte rien, quelques chinois fe livrèrent à une action de désespoir qui foulève la nature, fouvenons-nous toujours qu'en Hollande la canaille de la Haie mangea de nos jours le cœur du refpectable de Wit, & que canaille de Paris mangea le cœur du maréchal d'Ancre. Mais fouvenons-nous auffi que ceux qui percèrent ces cœurs furent cent fois plus coupables que ceux qui les mangèrent. Songeons à nos matines de Paris, à nos vêpres de Sicile, en pleine paix; aux maffacres d'Irlande, pendant lefquels les Irlandais catholiques fefaient de la chandelle avec la graiffe des Anglais proteftans. Songeons aux maffacres des vallées du Piémont, à ceux du Languedoc & des Cévènes, à ceux de tant de millions d'Américains par des Efpagnols qui récitaient leur rofaire, & qui établiffaient des boucheries publiques de chair humaine. Détournons les yeux, & paffons vite.

[ocr errors][ocr errors]

ARTICLE V.

Des anciens établissemens & des anciennes erreurs avant le fiècle de Charlemagne.

:

AVANT de venir au mémorable fiècle de Charlemagne, il fallut voir quelles révolutions avaient amené ce fiècle dans notre Occident, & comment les deux religions chrétienne & musulmane s'étaient partagé le monde depuis le golfe de Perfe jufqu'à la mer Atlantique. C'était un grand spectacle, mais une pénible recherche il fallut preffer cent quintaux de menfonges pour en extraire une once de vérités. La foule des auteurs qui n'ont écrit que pour nous tromper eft effrayante. Qu'on en juge feulement par cinquante évangiles apocryphes, écrits dès le premier fiècle, & fuivis fans interruption de fables absurdes, jusqu'aux fauffes décrétales forgées au fiècle de Charlemagne, & jufqu'à la donation de Conftantin, & cette donation de Conflantin fuivie de la légende dorée, & cette légende dorée renforcée par la fleur des faints, & cette fleur des faints perfectionnée par le pédagogue chrétien; le tout couronné par des miracles de l'abbé Pâris dans le faubourg Saint-Médard, au dix-huitième fiècle.

Nous ofâmes d'abord douter de ces donations immenfes faites aux évêques de Rome par Charlemagne & par fon fils, & furtout des donations de pays que Charles & Louis le faible ne poffédaient pas : mais nous ne prétendîmes point mettre en doute le droit que

les papes ont acquis par le temps fur le pays qu'ils poffèdent. Ils en font fouverains, comme les évêques d'Allemagne font fouverains dans leurs diocèses. Leurs droits ne font pas à la vérité écrits dans l'évangile. Une religion formée par des pauvres, & qui anathématife la richeffe & l'efprit de domination, n'a pas ordonné à fes prêtres de monter fur des trônes & d'armer leurs mains du glaive; mais rien n'exifte aujourd'hui de ce qu'était l'Eglife dans fon origine; le temps a tout changé, & changera tout encore; il a établi dans notre occident les fouverainetés des barbares vomis de la Scythie, & changé les chaires d'inftruction en trônes.

Nous avons refpecté ces dominations nouvelles dans notre hiftoire, & nous avons même remarqué combien notre antique barbarie les avait rendues néceffaires. Quelques jéfuites, & furtout je ne fais quel Nonotte, écrivirent alors contre nous avec plus d'amertume que de fcience. Ils nous accufèrent d'avoir été peu respectueux envers St Pierre & St Charlemagne. Ils ne fe doutaient pas alors que les fucceffeurs de Charlemagne & de Pierre aboliraient l'ordre des jéfuites, & que les généraux cafferaient leurs foldats mal payés. Quoique nous euffions parlé de l'établiffement du chriftianisme avec le plus profond respect, on nous accufa cependant d'en avoir un peu manqué.

On voulut nous écrafer fous foixante volumes de pères de l'Eglife, pour nous prouver que St Pierre avait été à Rome, fans que St Luc & St Paul en euffent jamais parlé; qu'il avait été fur le trône épifcopal de Rome, quoiqu'affurément il n'y eût point de trône épifcopal en ce temps-là, ni même d'évêques d'aucun

diocèfe. La principale démonftration du voyage de St Pierre à Rome se tirait d'une lettre qu'il avait écrite & datée de Babylone: or Babylone fignifiait évidemment Rome, comme Falaife fignifie Perpignan. Les autres preuves étaient fondées fur certains contes d'un Abdias, d'un Marcel, & d'un Egéfippe, qui n'étaient dignes affurément d'être ni pères ni fils de l'Eglife.

Ces fefeurs de mille & une nuits nous contaient donc que Simon Pierre, étant venu à Rome, ( quoique fa miffion fût pour les circoncis) y rencontra le magicien Simon, qui fe changeait tantôt en brebis & tantôt en chèvre. Ce Simon d'abord lui envoya faire un compliment par un de fes chiens, auquel Simon Pierre répondit fort poliment. Ils fe brouillèrent enfuite par un coufin de l'empéreur Néron qui était mort. Simon, qu'on appelait vertu de DIEU, défia St Pierre à qui reffufciterait le mort. Simon le fit remuer; mais Pierre le fit marcher, & gagna la gageure. Enfuite ils se défièrent au vol, en présence de l'empereur. Simon vola dans les airs mieux que Dédale; mais Pierre pria le Seigneur fi ardemment de faire tomber Simon vertu-dieu, comme Icare, qu'il tomba &fe caffa les jambes. Néron, indigné de voir fon forcier eftropié, fit crucifier Pierre les pieds en haut, & couper la tête à Paul, &c...&c...Cela arriva la dernière année de Néron. Pierre avait gouverné l'Eglife vingt-tinq ans fous cet empereur, qui n'en régna que treize.

Ce livre d'Abdias, écrit en fyriaque, fut traduit en grec par fon difciple nommé Eutrope, & nous l'avons en latin de la traduction de Jules africain, homme favant du troifième fiècle, & prefque un père de l'Eglife par les autres écrits.

Quoi qu'il en foit, que St Pierre eût fait ou non le voyage de Rome, cela était abfolument indifférent pour le gouvernement de l'Eglife. Ce gouvernement fut modelé du temps de Conflantin fur l'adminiftration politique de l'empire. Les principaux fiéges, Rome, Conftantinople, Alexandrie, devaient avoir l'autorité principale. Et de même que les rois d'Espagne régnèrent en ce pays, foit que Tubal ou Hercule l'eût peuplé; de même que la race des Francs poffeda les Gaules, foit qu'elle defcendît de Brancus fils d'Hector, foit qu'elle eût une autre origine; ainsi les papes dominérent bientôt dans la ville impériale, du confentement même des Romains, fans fe mettre en peine fi la première église de cette capitale avait été dédiée à St Jean de Latran, ou à St Pierre hors des murs. Ainfi les patriarches des grandes villes de Conftantinople & d'Alexandrie eurent plus d'honneurs, de richeffes & d'autorité que des évêques de village. Les hommes d'Etat n'établiffent guère leurs droits fur des difcuffions théologiques : ils vont au folide, & ils laiffent leurs écrivains s'épuifer en citations & en argumens.

« PreviousContinue »