Page images
PDF
EPUB

très-grands rois qui avaient un peu plus de femmes que le petit-fils d'Abdo- Motaleb. Vous dites ici des injures aux dames. Que je vous fuis oblige! vous me donnez cette moitié du genre-humain pour protectrice; & avec cette moitié je fuis fûr de l'autre.

X II I.

Vous ne voulez donc pas, Monfieur, que rachild foit le plus beau des titres ? Cependant, Monsieur, rachild fignifie jufle. Voudriez-vous faire croire, par vos critiques, que l'équité n'eft pas votre vertu favorite?

Non, en vérité, Monfieur, elle ne l'eft pas. Comme vous traitez M. le comte de Boulainvilliers ! vous l'appelez fans façon mahometan français, déferteur du chriftianifme. Je croyais d'abord que c'était à M. le comte de Bonneval que vous en vouliez ; l'expreffion ferait jufte, puisqu'en effet M. de Bonneval s'eft fait circoncire mais pour M. de Boulainvilliers, je n'ai point ouï dire qu'il l'ait été ; il regardait Mahomet comme un Numa Pompilius, un Thefée. Tout le monde dit du bien de ces gens-là; pourquoi ne voudriez-vous pas qu'on en dît auffi un peu de Mahomet, à quelques égards? Appelez-vous païens ceux qui louent Thefee? non. Pourquoi donc appelez-vous mahometan M. le comte de Boulainvilliers? Ignorez-vous que fa famille eft chrétienne? & comptez-vous qu'elle foit affez bonne chrétienne pour vous pardonner un outrage fi infâme & fi groffier? Pour moi, Monfieur, je vous pardonne, & de fi bon cœur que je vous promets ne vous jamais lire.

XI V.

de

Vous vous trompez, mon turc, la religion dominante dans l'Inde eft la vôtre. Eft-il poffible que vous

ya

foyez fi mal inftruit de vos affaires! Il y a, dites-vous, mille idolâtres pour un musulman. Mais, mon cher turc, vous favez qu'en Grèce il auffi mille pauvres gens de la religion grecque pour un brave ofmanli, pour un turc. On appelle la religion dominante celle qui domine. J'ai dans mes terres plus de domeftiques huguenots que de catholiques; cependant ma religion eft la dominante. Le calvinisme domine en Hollande, quoiqu'il y ait plus de catholiques que de proteftans. Mais ce n'eft pas tout ; vous n'avez jamais lu le livre de M. Niecamp fur la prefqu'île de l'Inde. Je vous avertis que c'eft la feule bonne relation qu'on ait de ce pays. Mais vous ne favez peut-être pas l'allemand; n'importe, lifez ce livre, vous y verrez que les mufulmans ont converti dans la prefqu'île des milliers d'idolâtres, que par-tout les musulmans font en crédit dans la presqu'île ; mais enfin apprenez que la religion du grand-mogol eft dominante dans le Mogol. X V.

Que vous êtes ignorant, mon cher turc! Apprenez que les bramins, ou bramines, ou bramènes d'aujourd'hui, font les fucceffeurs des brachmanes; qu'ils tiennent d'eux la métempfycofe, & la belle coutume de faire brûler les veuves dévotes; qu'ils fe difent, ainfi que les anciens gymnofophiftes, difciples du roi Brachman. C'était, comme tout le monde fait, un grand philofophe, qui vivait il y a cinq ou fix mille ans. Il faut que vous n'ayez jamais été à l'univerfité de Jaganat, puifque vous ignorez ces chofes, que les moindres écoliers de cette favante univerfité vous auraient dites. Ah, je vois bien que vous n'êtes qu'un turc de Paris. Je vous reconnais, mafque.

X V I.

Non, mon ami, vous n'avez jamais été dans l'Inde; non, vous ne vivez point avec les fidelles mufulmans, comme vous vous en vantez. Quoi! vous foutenez que la prefqu'île deçà le Gange n'appartient pas de droit au grand-mogol, après les conquêtes d'Aurengzeb? Vous ignorez qu'il prétend un tribut de tous les nabab, de tous les raïa, qui fucent la prefqu'île? Pauvre homme! vous ne favez pas que le fouba de Décan prend l'inveftiture de fa majefté impériale mogole? qu'il eft maître à la vérité du gouvernement d'Arcate, qu'il donne ce gouvernement à fon favori, mais que ce fouba n'en dépend pas moins de l'empereur? Oui, Monfieur, toute la prefqu'île, toutes les Indes, à compter depuis Candahar jusqu'à Calicut, tout appartient de droit divin à sa majesté, attendu le droit de conquête & le droit de bienféance. Allez vous informer de tout cela au portier de M. Dupleix, qui a rendu pour peu de temps le nom français respectable & terrible dans l'Inde : il vous en dira cent fois plus que moi; il vous apprendra à parler.

C'est moi qui vous déférerai au grand-mogol. Vous abufez de fa faibleffe préfente, vous prenez le parti des rebelles que vous appelez rois; fachez qu'ils ne font que naïques.

Avez-vous jamais entendu parler du royaume Tondenmandalam, que poffédait le roi Tonden, vaincu par Aurengzeb? Savez-vous que Vifapour & Golconde font regardés comme des provinces de l'empire? Savez-vous....? mais vraiment je fuis bien bon de vous parler. Adieu, je n'aime pas à perdre mon temps.

ARTICLE X X VI I.

AVIS A L'AUTEUR DU JOURNAL DE GOTTINGUE.

A l'occafion du fiècle de Louis XIV.

QUAND

UAND un journaliste veut rendre compte d'un ouvrage, il doit d'abord en faifir l'efprit. Quand il le critique, il doit avoir raison. Le journaliste de Gottingue a oublié entièrement ces deux devoirs, & il fe trompe fans exception fur tout ce qu'il dit.

Il fe trompe quand il dit que l'auteur du Siècle de Louis XIV devait parler de Tillotson en parlant de Bourdaloue. Il ne fonge pas qu'il ne s'agit que des

écrivains de France.

Il fe trompe quand il dit que le baron des Contures ne méritait pas d'être cité. Sa traduction de Lucrèce eft la meilleure qu'on ait en France.

Il fe trompe quand il dit que Defmarets n'était qu'un traducteur. L'abbé Regnier-Defmarets a traduit à la vérité Anacréon en vers italiens avec fuccès, ce qui eft un très-grand mérite; mais il a fait des vers français qu'on fait par cœur ; & il était excellent grammairien.

Il fe trompe quand il dit que Bernier n'était pas médecin du grand-mogol, & qu'il le croit précepteur du fils d'un aga. Un mahométan indien ne donne point pour précepteur à fon fils un chrétien de France qui parle mal indien. Mais on ne demande

guère à un médecin de quelle religion il est. Bernier était médecin de l'empereur Sha-Géan, comme on peut le voir dès la page 9 de fes voyages, édition d'Amsterdam. Voilà pourtant ce que le journaliste appelle une faute grossière.

Il fe trompe quand il dit que le journal des favans de Paris n'eft pas le premier qu'on ait fait en Europe.

Il fe trompe en oppofant les transactions philofophiques. Ces tranfactions ne font point un examen des ouvrages nouveaux de tous les auteurs, comme le journal des favans; c'est une entreprise toute différente.

Il fe trompe quand il croit qu'il y a eu une bonne pharmacopée universelle avant celle de Lémery.

Il fe trompe quand il dit que le Moréri n'eft pas le premier dictionnaire français historique qui concerne les faits. C'eft même le premier en toute langue; ceux des Etiennes n'étant qu'une courte nomenclature pour l'intelligence des anciens auteurs.

Il fe trompe, & fait pis que fe tromper, quand il traite de menteur le père Daniel, qui ne paffe pas pour un hiftorien affez profond & affez hardi, mais qui paffe pour un hiftorien très-véridique. Le père Daniel a erré quelquefois; mais il n'eft pas permis de l'appeler un menteur.

Il fe trompe quand il croit les contes badins de la Fontaine plus dangereux que la feconde églogue de Virgile, ou que certaines fatires d'Horace, ou qu'Ovide, ou que Petrone. Il n'a pas fenti que la gaieté n'eft pas ce qui infpire la volupté. La Fontaine eft plaifant, Ovide eft voluptueux, Pétrone eft débauché.

« PreviousContinue »