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déclaré régent, & qu'il fefait une cabale contre ce prince; j'ai dû faire apercevoir que jamais ce magistrat ne fut premier préfident, & apprendre au public que, loin de vouloir priver le prince de fon droit, ce fut lui qui arrangea tout le plan de la régence.

J'ai dû confondre toutes les calomnies vomies par ce malheureux contre la famille royale, contre les meilleurs miniftres, & contre les hommes du royaume les plus refpectables. Pourquoi? parce que ces impoftures fe vendent long-temps dans les pays étrangers, & beaucoup mieux que de bons livres, parce qu'elles vont à Leipfick, à Berlin où un héros ne parle que français, à Hambourg, à Dantzig, à Moscou, à Jaffi; parce que tous ceux qui lifent en Europe, entendent le français jufqu'à des Turcs, nos grands-hommes ayant porté notre langue auffi loin que l'impératrice de Ruffie porte fes armes & fes lois. Voilà ce qu'on ne fait pas dans les foupers de Paris; on dit : il a tort de relever des fottifes fi méprifables; non, il n'a point tort: prenez une carte géographique, voyez que l'univers n'est pas borné à votre quartier; concluez qu'on peut parler à d'autres hommes qu'à vous, & qu'on doit venger votre patrie, & les grands-hommes qui ont bien mérité d'elle.

Plus de cent hiftoires modernes ont été compilées fur des journaux remplis de nouvelles inpertinences, femblables à ces menfonges imprimés dont je parle. Peut-être un jour ces hiftoires pafferont pour authentiques. Celui qui confacrerait fon travail à prévenir le public contre cette foule d'impoftures, éleverait un monument utile. Ce ferait le ferpent d'airain qui guérirait les morfures des vrais ferpens. Si j'ai pris la

liberté de réfuter le livre eftimable des Ephémérides du citoyen, j'ai dû à plus forte raifon confondre les calomnies de l'extravagant ennemi de tous les citoyens. (pp)

A l'égard des impoftures contre de fimples particuliers, d'ordinaire on les néglige, fans quoi la terre qui a befoin d'être cultivée deviendrait une grande bibliothèque.

ARTICLE X X I.

Sur les diffentions des églifes de Pologne. (*)

AVANT de donner au public une idée juste des différends qui divifent aujourd'hui la Pologne; avant de déférer au tribunal du genre-humain la cause des diffidens grecs, romains, & proteftans ; il eft néceffaire de faire voir premièrement ce que c'eft que l'Eglife

grecque.

(pp) C'est un nommé la Beaumelle, qui écrit de ce style incorrec, audacieux, & violent, qu'on tâche de mettre à la mode aujourd'hui.

Figurez-vous un gueux échappé des petites-maisons, qui couvrirait de fon ordure les ftatues de Louis XIV & de Louis XV, tel était ce miférable. Son vrai nom est Angliviel, dit la Beaumelle, né dans un village des Cévènes, né huguenot, élevé dans cette religion à Genève; mais bien éloigné de reffembler aux fages proteftans qui, respectant les puiffances & les lois, font toujours attachés à leur patrie: il avait été inscrit à Genève parmi les propofans qui étudient en théologie, le 12 octobre 1745, fous le rectorat de M. Ami de la Rive, & s'était effayé à prêcher à l'hôpital pendant une année : il faut convenir qu'il méritait d'être exhortė publiquement.

(*) Ce petit ouvrage avait d'abord été imprimé fous le nom de Bourdillon, profeffeur en droit public.

Il faut avouer d'abord que les Eglifes grecque & fyriaque furent inftituées les premières, & que l'Orient enfeigna l'Occident. Nous n'avons aucune preuve que Pierre ait été à Rome; & nous fommes fûrs qu'il resta long-temps en Syrie, & qu'il alla jufqu'à Babylone. Paul était de Tarfe en Cilicie. Ses ouvrages font écrits en grec. Nous n'avons aucun évangile qui ne foit grec. Tous les pères des quatre premiers fiècles jufqu'à Jérôme ont été grecs, syriens, ou africains. Prefque tous les rites de la communion romaine atteftent encore par leurs noms même leur origine grecque; églife, baptême, paraclet, liturgie, litanie, fymbole, cuchariftie, agape, épiphanie, évêque, prêtre, diacre, pape même, tout annonce que l'Eglife d'Occident eft la fille de l'Eglife d'Orient, fille qui dans fa puissance a méconnu fa mère.

Aucun évêque de Rome ne fut compté, ni parmi les pères, ni même parmi les auteurs approuvés, pendant plus de fix fièclesen tiers. Tandis qu'Athénagore, Ephrem, Juftin, Tertullien, Clément d'Alexandrie, Origène, Cyprien, Irénée, Athanafe, Eufebe, Jérôme, Auguflin, rempliffaient le monde de leurs écrits, les évêques de Rome en filence se bornaient au foin d'établir leur troupeau qui croissait de jour en jour.

Nous n'avons fous le nom d'un évêque de Rome que les récognitions de Clément. Il eft prouvé qu'elles ne font pas de lui : & fi elles en étaient, elles ne feraient pas honneur à fa mémoire. Ce font des conférences de Clément avec Pierre, Zachée, Barnabé, & Simon le magicien. Ils rencontrent vers Tripoli un vieillard; & Pierre devine que ce vieillard eft de la race de Céfar; qu'il épousa Mathilde, dont il eut trois enfans; que

Clément eft le cadet de ces enfans; ainfi Clément eft reconnu pour être de la maison impériale. C'est apparemment cette connaissance qui a donné le titre au livre; encore cette rapfodie eft-elle écrite en grec.

Mais aucun prêtre chrétien, foit grec, foit fyriaque, ou africain, ou italien, n'eut certainement d'autre puiffance que celle de parler toutes les langues du monde, de faire des miracles, de chaffer les diables; puissance admirable que nous fommes bien loin de leur contefter.

Qu'il nous foit permis de le dire, fans offenfer perfonne : fi l'ambition pouvait s'en tenir aux paroles expreffes de l'évangile, elle verrait évidemment que les apôtres n'ont reçu aucune domination temporelle de JESUS-CHRIST, qui lui-même n'en avait pas. Elle verrait que fes disciples étaient tous égaux, & que JESUS-CHRIST même a menacé de châtiment ceux qui voudraient s'élever au-deffus des autres.

Pour peu qu'on foit inftruit, on fait que dans le premier fiècle il n'y eut aucun fiége épiscopal particulier. Les apôtres & leurs fucceffeurs se cachaient tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre; & certainement lorsqu'ils prêchaient de village en village, de cave en cave, de galetas en galetas, ils n'avaient ni trône épiscopal, ni jurisdiction, ni gardes, & quatre principaux barons ne portaient point à leur entrée les cordons d'un dais fuperbe, fous lequel on eût vu André & Luc portés pompeufement comme des fouverains.

Dès le fecond fiècle la place d'évêque fut lucrative par les aumônes des chrétiens, & conféquemment les évêques des grandes villes furent plus riches que

les autres étant plus riches, ils eurent plus de crédit & de pouvoir.

Si quelque évêque avait pu prétendre à la fupériorité, c'était affurément l'évêque de Jérufalem, non pas comme le plus riche, mais comme celui qui, felon l'opinion vulgaire, avait fuccédé à St Jacques le propre frère de JESUS-CHRIST. Jérufalem était le berceau de la religion chrétienne. Son fondateur y était mort par un fupplice cruel; il était reçu que Jacques fon frère y avait été lapidé. Marie mère de DIEU y était morte. Jofeph fon mari était enterré dans le pays. Tous les myftères du chriftianifme s'y étaient opérés. Jérufalem était la ville fainte qui devait reparaître dans toute fa gloire pendant mille années. Que de titres pour affurer à l'évêque de Jérufalem une prééminence inconteftable!

Mais, lorfque le concile de Nicée régla la hiérarchie, qui avait eu tant de peine à s'établir, le gouvernement eccléfiaftique fe modela fur le politique. Les évêques appelèrent leurs diftri&s spirituels du nom temporel de diocèfe. Les évêques des grandes villes prirent le titre de métropolitains. Le nom de patriarche s'établit peu à peu; on donna ce titre aux évêques de Conftantinople & de Rome, qui étaient deux villes impériales; à ceux d'Alexandrie & d'Antioche, qui étaient encore deux confidérables métropoles; & enfin à celui de Jérufalem qu'on n'ofa pas dépouiller de cette dignité, quoique cette ville, nommée alors Elia, fut prefque dépeuplée & fituée dans un terrain ingrat, dans lequel elle ne pouvait s'affranchir de la pauvreté, n'ayant jamais fleuri que par le grand concours des Juifs qui venaient

autrefois

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