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« des idées, abstraction faite de toute forme de gou« vernement.

«Scn vrai titre serait les Cléricaux, si ce vocable « était de mise au théâtre.

« Le parti qu'il désigne compte dans ses rangs des « hommes de toutes les origines, des partisans de « l'Empire comme des partisans de la branche aînée « et de la branche cadette des Bourbons. Maréchal, « actuellement député, le marquis d'Auberive, Cou«turier (de la Haute-Sarthe), ancien parlementaire, << représentent dans ma comédie les trois fractions du « parti clérical, unies dans la haine et la peur de la « démocratie; et si Giboyer les englobe toutes trois « sous la dénomination de légitimistes, c'est qu'en « cffet les légitimistes seuls sont logiques et n'abdi«quent pas en combattant l'esprit de 89.

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« L'antagonisme du principe ancien et du principe moderne, voilà donc tout le sujet de ma pièce. Je « défie qu'on y trouve un mot excédant cette ques« tion; et j'ai l'habitude de dire les choses assez fran«chement pour ne laisser à personne le droit de me << prêter des sous-entendus.

« D'où viennent donc les clameurs qui s'élèvent «< contre ma comédie? Par quelle adresse cléricale « soulève-t-on contre elle la colère de partis auxquels << elle ne touche pas? Par quelle falsification de mes pa<< roles arrive-t-on à feindre de croire que j'attaque les << gouvernements tombés? Certes, c'est une tactique

« adroite de susciter contre moi un sentiment cheva<«<leresque qui a un écho dans tous les cœurs hon« nêtes; mais où sont-ils, ces ennemis que je frappe « à terre? Je les vois debout à toutes les tribunes; ils « sont en train d'escalader le char de triomphe; et << quand j'ose, moi chétif, les tirer par la jambe, ils se « retournent indignés en criant: Respect aux vain«< cus!

« En vérité, c'est trop plaisant!

« Un reproche plus spécieux qu'ils m'adressent, c'est « d'avoir fait des personnalités.

« Je n'en ai fait qu'une : c'est Déodat. Mais les re«présailles sont si légitimes contre cet insulteur, et « il est d'ailleurs si bien armé pour se défendre!

« Quant à l'homme d'État considérable et justement « honoré qu'on m'accuse d'avoir mis en scène, je pro« teste énergiquement contre cette imputation: aucun « de mes personnages n'a la moindre ressemblance << avec lui, ni de près, ni de loin. Je connais les droits « et les devoirs de la comédie aussi bien que mes adversaires : elle doit le respect aux personnes, mais a « droit sur les choses.

« Je me suis emparé d'un fait de l'histoire contem«poraine qui m'a paru un symptôme frappant et sin

gulier de la situation troublée de nos esprits; je « n'en ai pris que ce qui appartient directement à «mon sujet, et j'ai eu soin d'en changer les circons

<< tances pour lui ôter tout caractère de personnalité. << Que peut-on me demander de plus?

« Répondrai-je à ceux qui reprochent à ma comé« die d'avoir été autorisée, c'est-à-dire d'exister?

« Le point est délicat. S'il est permis de comparer les «petites choses aux grandes, je demanderai à ces pu« ritains, qui a jamais songé à reprocher au Tartufe « la tolérance de Louis XIV. »

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J'ai parlé de quelques rédacteurs de feuilletons qui m'ont défendu et qui n'en avaient pas le droit. Ce sont, la plupart, des puritains démocrates qui, tout en faisant les délicats sur les façons de l'auteur comique, auquel ils reprochent de trop belles connaissances, ou comme il le dit luimême, de trop hautes amitiés, ont su profiter de l'occasion pour m'injurier encore un peu. — Je ne veux pas laisser croire que je suis médiocrement reconnaissant des marques de sympathie que d'autres, parmi lesquels j'ai rencontré d'anciens adversaires, m'ont franchement données. Je les

prie d'agréer mes remercîments et j'oserais presque dire mes félicitations, puisque enfin ce n'est pas la chose la plus simple du monde de ne point hurler avec les loups. Je suis particulièrement heureux de pouvoir nommer ici M. Jouvin, rédacteur du Figaro. J'ai souvent reçu l'appui de son talent, aussi ferme que sa probité. Cette fois encore, il a protesté en homme de cœur, comme toujours, contre une agression capable d'étonner, même quand j'en étais l'objet. C'est par son compte rendu de la première représentation de Giboyer que j'ai eu connaissance de cette nou

veauté.

J'écrivis alors à M. Jouvin quelques mots qu'il trouva bon de publier, et qui probablement ont provoqué l'étrange aveu de la préface sur le vrai personnage de Déodat. « Un reproche plus spé« cieux, c'est d'avoir fait des personnalités. Je << n'en ai fait qu'une, etc... »

Voici ce fragment publié par M. Jouvin :

« J'étais averti qu'il y avait quelque chose pour moi « dans Giboyer... Mais il me semble que je peux me << promener hardiment dans Athènes, malgré la se<< ringue d'Aristophane. Vous dites que c'est un sif«flet; soit cependant je crois que c'est une seringue.

« Je sens cela dans votre analyse même; et une se«ringue chargée d'eaux grasses de basse-cour! Du « reste, si ce que vous rapportez est tout, Aristo«phane ne me reproche que la vérité : Batoniste de« vant l'arche, c'est mon métier, en effet. On n'a ac« cusé de vouloir faire le curé et même l'évêque; il « me rend plus de justice. Je ne me suis jamais pro«posé que le rôle du suisse qui fait taire les mauvais « drôles et met les chiens à la porte, afin que le service «<divin ne soit point troublé. J'ai fait mon métier; » Aristophane fait le sien, qui est de diffamer les gens « à qui on administre la ciguë......... »

Cette lettre, mal interprétée, donna lieu aux explications suivantes, également adressées à M. Jouvin, après que l'Auteur de Giboyer eut publié sa préface.

MONSIEUR,

Paris, 13 décembre 1862.

« Je ne sens aucune nécessité de me défendre contre M, Augier. Son procédé comme son œuvre ont été très-bien appréciés; et, grâce à vous, sans me l'être proposé, j'ai dit moi-même de l'un et l'autre tout ce que j'en veux dire. Il me provoque en vain.

« M'étendre davantage ne serait pas d'ailleurs

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