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Elles sont touchantes, quoiqu'en très-petit français. Car, je l'avoue avec impartialité, ce n'est pas par le français que nous brillons, du moins dans la préface.

Lisez-nous cela.

LE MARQUIS.

COUTURIER, lisant.

<< Par quelle adresse cléricale soulève-t-on «< contre ma comédie la colère de partis auxquels << elle ne touche pas? Par quelle falsification de « mes paroles arrive-t-on à feindre de croire... »

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N'interrompez pas... « Arrive-t-on à feindre de

<«< croire (sic) que j'attaque les gouvernements

<< tombés? »

D'AIGREMONT.

Ah! noirceur cléricale!

COUTURIER.

Je continue: « Certes, c'est une tactique adroite « de susciter contre moi un sentiment chevale« resque qui a un écho dans tous les coeurs hon«< nêtes;... >>

LE MARQUIS.

Susciter un sentiment qui a un écho, et dans tous les cœurs honnêtes, encore!

COUTURIER.

Je continue: « Mais où sont-ils les ennemis que << je frappe à terre? Je les vois debout à toutes les « tribunes... >>

LE MARQUIS.

Vous lisez mal, ou plutôt vous improvisez.

COUTURIER.

Je lis « A toutes les tribunes (sic), ils sont en << train d'escalader le char de triomphe. Et quand << j'ose, moi chétif, les tirer par la jambe... »

LE COMTE.

Cela fait image.

COUTURIER.

<< Ils se retournent en criant: Respect aux << vaincus! En vérité, c'est trop plaisant. >>

D'AIGREMONT.

Moi, je trouve cela trop triste. C'est le cri de la vertu sans éloquence; il n'y a rien de plus désobligeant. Néanmoins, après cette protestation et ce prosternement, on ne peut « feindre de croire » que l'auteur soit dans la moindre disposition de soutenir le combat ou contre les académiciens, ou contre les députés, ou contre n'importe quel adversaire en mesure de parler. il s'est permis de les tirer par la jambe, mais pour

rire! Le seul adversaire qu'il attaque sérieusement et avec résolution, c'est Déodat, mort et enterré. On ne doit aux morts que la vérité. • Ensuite?

COUTURIER.

Ensuite, remarquez un côté touchant du vieux Auberive, et l'hommage indirect qui est rendu à l'aristocratie, quand vous nous accusez de la vilipender. Au premier aspect, le marquis semble un scélérat achevé. Il porte en lui toutes les corruptions de l'ancienne société, si heureusement régénérée par l'esprit de 89; il est sceptique, insolent, cynique: mais il a une turlutaine, une délicieuse turlutaine, la même que Giboyer, l'amour paternel! Il aime sa fille, Fernande Maréchal; et tout ce qu'il fait n'est au fond que pour l'établir, l'adopter et lui léguer honnêtement son bien. Fernande, quoi que vous en disiez, est charmante, généreuse, pure; ce qui prouve encore la largeur de nos sentiments. Si dans la personne du comte d'Outreville, nous abîmons les enfants légitimes de l'aristocratie, dans la personne angélique de Fernande, nous relevons ses bâtards. Hé! messieurs, nous ne sommes pas si difficiles! Une origine un

peu irrégulière, une éducation purgée de tout préjugé chrétien, nous n'exigeons pas davantage, et nous reconnaissons volontiers des qualités supérieures à quiconque n'est pas entaché de ces vices du passé. Faites attention que par son mariage avec le fils de Giboyer, la fille du marquis d'Auberive entre pleinement dans la démocratie : ainsi le vieil aristocrate devient le grand-père du type démocratique intégral et pur qui naîtra de cette union fortunée. La vraie démocratie sera donc la petite-fille légitime du marquis d'Auberive et de Giboyer.

LE MARQUIS.

Deux fumiers pour engraisser ce lis. Qu'il sera beau! C'est parfait. C'est la vraie mystique de la démocratie, que je me proposais de vous déduire; ma besogne est faite. Achevez de venger votre auteur.

COUTURIER.

Ce sera trop aisé. Vous lui reprochez le goût des réhabilitations impossibles. Premièrement, c'est le goût du public lui-même, et il le faut con

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