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peut

qui m'avoient échappé d'abord. Il y a plus; dans le calme des sens le sentiment du beau viendra se développer dans mon âme, et prêter à son objet des charmes nouveaux. Il en est de même des saveurs et des odeurs : il y en a, qui commencent par déplaire, et que l'on aimer dans la suite, soit parce que l'organe dénaturé par des sensations antécédentes, (comme par des liqueurs fortes,) a change, soit parce que l'âme vient à découvrir des sensations partielles, qu'elle n'avoit pas aperçues d'abord. Les saveurs ont d'ailleurs des rapports avec les organes de la digestion, qui ne se font sentir que peu à peu, comme M. De la Roche l'a très-bien observé en parlant du goût que presque tous les hommes se trouvent avoir pour le pain..

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Quand on dit qu'une même sensation vient à s'affoiblir par la répétition, il faut supposer trois conditions sans lesquelles ce principe est faux; l'une que l'harmonie ne soit point venue anoblir une sensation; ( le même son, qui, répété isolément, feroit mourir d'ennui un musicien, peut sans ennui, être employé mille fois par lui dans la journée;) l'autre que la sensation n'ait pas été développée par l'intelligence. Qui ne s'ennuieroit de n'avoir

que

des cercles et des triangles devant les yeux? Et cependant le géomètre peut passer sa vie' avec cinq ou six figures, dont la continuelle présence tueroit toute personne incapable de sentir les charmes d'une pensée profondément développée par la méditation.

Il est un troisième cas où la sensation ne peut rester la même ; c'est celui du désir causé par quelqu'appétit. Dix hommes peuvent avoir dix nuances de faim ou de soif très-différentes, c'est-à-dire que, dans les dix cas, l'idée du pain ou de l'eau sera modifiée par le degré de faim ou de soif que l'on éprouve, au point de n'être plus la même sensation. C'est ici un des cas fréquens où la sensation est moins désignée par son objet, que par le sentiment pressant qui l'accompagne. Long-tems après la famine ressentie au dernier siège de Gênes on n'auroit pas osé, dans cette ville, prononcer légèrement le nom de pain, ou se servir de pain à quelqu'autre usage que pour sa nourriture. Si les nuances de famine eussent eu un langage, sans doute qu'on auroit donné au pain dix noms différens (1). La jouissance

(1) Dans la langue islandoise, qui est celle des courageux Scandinaves, il y a un grand nombre de mots pour exprimer

modifie de même les sensations en les colorant de ses couleurs et de toutes ses nuances.

que

§ 14. Ce n'est donc que la sensation inerte et inanimée qui s'endort dans l'habitude, tandis l'action musculaire qu'elle produit peut se fortifier et se perfectionner par la répétition. Par exemple, l'habitude des mêmes mouvemens peut devenir tellement familière chez les musiciens qu'ils ne les sentent plus, parce que dans la musique l'attention portée sur les sons plutôt que sur les mouvemens des doigts, permet à l'âme de se détacher de l'automate pour s'élever au sentiment du beau, et se livrer sans distraction aux jouissances immatérielles de l'harmonie.

615. Dans les beaux-arts le talent d'exécution le plus parfait est celui qui a tellement dompté les organes, que le sentiment et la pensée en sont devenus indépendans et cá

l'idée d'une épée : ces mots dans leur origine n'étoient pas synonyines. Que de mots chez leurs poëtes pour dire une vague ou un vaisseau.

Suivant Leibnitz, les Francs sont venus des bords de la Baltique ; leur langne a beaucoup de mots qui paroissent venir de la langue des Scandinaves. Par exemple, buste en islandois signifie dans son origine la partie supérieure d'une vague, et dans la suite la partie supérieure d'un corps. De là peut-être le mot françois buste.

pables de se livrer sans distraction aux charmes de la beauté, et à l'expression de cette harmonie qui nous élève au-dessus de nous

mêmes.

J'ai quelquefois eu occasion d'observer que les personnes douées des plus grands talens d'exécution, soit pour la musique, soit pour le théâtre, étoient celles qui conservoient le plus de présence d'esprit et le plus de liberté pour observer ce qui se passoit autour d'elles, dans les momens mêmes de leur jeu. Cette indépendance au sein du mouvement, est ce qui constitue le grand homme de guerre qui, dans le tumulte des combats, dans la confusion des événemens, et dans l'apparent chaos du monde, conserve sa pensée libre et lumi

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CHAPITRE III.

Continuation.

§ 1. La répétition des mouvemens musculaires augmente leur effet. § 2. La perfection des mouvemens musculaires peut influer sur les idées associées. § 3. Différence entre l'action de l'irritabilité et celle de la sensibilité. § 4. Empire de l'habitude. § 5. La pensée affranchit du joug de l'habitude. § 6. Les habitudes nationales ne sont pas moins impérieuses que celles des individus. § 7. Influence des corps célestes sur les habitudes des Nations.

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2

L'ASSOCIATION

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11 1. 'ASSOCIATION des idées considérées dans les phénomènes musculaires, nous présente plusieurs vérités nécessaires à l'explication du phénomène mixte de l'association de idées. Il fant ne pas oublier que c'est toujours de la correspondance des faits que la psychologie s'occupe.

La force musculaire augmente par la répétition des mémes mouvemens. La répétition d'un même mouvement produit trois choses. 1.° Elle augmente la force des mouvemens musculaires. 2. Elle proportionne ces mouvemens à leur

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