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précédemment associées, combinées avec le sentiment présent.

§ 7. Il y a donc chez l'homme un instinct toujours vivant, qui tend sans cesse à mettre

les idées en accord avec la sensibilité, et à placer la sensibilité en harmonie avec les idées. Ne sentons-nous pas nos idées dans un mouvement continuel pour se mettre en harmonie avec le sentiment du moment, et ne voyonsnous pas nos sentimens influencés, modifiés et travaillés sans cesse par les idées, les opipions et les principes, qui n'ont pas encore. pu se mettre en harmonie avec eux (1)? C'est ce mouvement continuel d'oscillation, d'action et de réaction des sentimens et des pensées, que forment le jeu de l'imagination.

(1) Horace parle d'un richard qui se faisoit un amusement de faire changer d'opinion aux sots qui alloient manger chez lui. Il n'avoit pour cela qu'à faire à ses pauvres parasites le don de quelque robe magnifique.

« Eutrapelus cuicunque nocere volebat, » Vestimenta dabat pretiosa. Beatus enim jam

» Cum puleris tunicis sumet nova consilia et spes ».

Epitre 18 du premier livre.

CONTINUATION.

DES PASSION S.

127

CHAPITRE PREMIER.

Des différentes espèces de passions.

§ 1. Il est nécessaire de classer les passions. Il y a trois classes de passions. § 2. Sousdivision des passions primitives.

§ 1. Les passions n'ont rien qui les dis

tingue essentiellement de tous les autres mouvemens de l'imagination. Les mouvemens foibles de l'imagination tracent de foibles traits, les mouvemens forts en tracent de plus prononcés; et si les mêmes mouvemens sont prolongés, l'image prendra du relief, et enfin un ensemble et une unité, qui la placeront parmi les grandes passions ou parmi les œuvres des beaux-arts: car c'est selon que la réaction de l'âme se portent ou sur les organes ou sur le sentiment, qu'il en résulte ou les passions ou les beaux-arts.

Ce sont les passions qui forment les mouvemens tumultueux et confus de ce qu'on appelle le monde. Cherchons un fil pour nous conduire dans ce labyrinthe.

La classification est la première condition de l'ordre et des principes. La variété semble infinie dans les individus; mais sitôt que, parmi tant de confusion, on est parvenu à établir quelques caractères généraux, l'infini s'évanouit, et dans l'ordre qui s'établit de partout, tout semble se rapprocher de nous.

§ 2. Les passions sont des mouvemens prolongés de sensibilité, qui ont pour principes un sentiment unique, moteur de tous les sentimens et de toutes les idées subordonnées.

Les passions sont soumises à trois forces qui se combinent avec une variété presque infinie. Ces forces sont 1.° la sensibilité, 2.° les idées, 3.o et les circonstances. Dans chaque passion quelqu'un de ces élémens prédomine, et forme le caractère sur lequel je vais établir les différentes espèces de passions.

Je distingue les passions..

1. En passions primitives directement émanées de la sensibilité, comme la faim, la soif, l'amour physique, le besoin de mouvement et de repos, etc.

2.

2. En passions secondaires, ou passions pour les moyens, qui ont leur principale source dans les idées, comme l'ambition et l'avarice avec leur nombreux cortège d'orgueil, de vanité, de cupidité, d'industrie, etc.

3. En passions de circonstance ou d'aċcident, qui ont leur principe dans l'action de quelqu'objet extérieur, combiné avec la passion, dominante, comme dans la colère, l'impatience, la peur, la jalousie, le dépit, l'attenté trompée, etc.

Ce qui distingue toutes les passions des opérations ordinaires de l'imagination, c'est la durée, la force, et surtout l'unité de leur

mouvement.

§ 3. On peut, dans les passions primitives, distinguer les passions de l'automate, des passions de l'homme; mais cette distinction est presqu'idéale. Les passions de l'automate sont des besoins sans objet, tandis que les passions de l'homme sont fixées à un objet, c'est-àdire à une idée. Les premières privées d'idées n'ont que la moitié du jeu de l'imagination..

Les passions purement animales sont la faim, la soif, l'amour physique, le besoin de mouvement et de repos, et tous les besoins émanés uniquement de l'organisation. On conçoit

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