cette disposition, qui est adoptée dans la poésie épique et dans la tragédie. D'autres fois les rimes masculines et féminines sont entrelacées suivant un certain ordre, ou bien se suivent sans aucun ordre. Dans la mesure du vers comme dans la disposition des rimes, le poëte n'est donc guidé que par le sentiment du rhythme et de la cadence, et la délicatesse de l'oreille. La coupe des vers demande en général que la phrase finisse avec le vers, et qu'on ne rejette pas au vers suivant un mot nécessaire pour la terminer. C'est ce qu'on exprime en disant qu'un vers ne doit pas enjamber sur un autre vers. Mais cette règle de l'enjambement, comme celle de l'hémistiche, est loin d'être absolue, et ne doit pas être prise dans un sens trop rigoureux. Les grands écrivains y échappent de la manière la plus heureuse, et parviennent, tout en restant fidèles au rhythme poétique, à éluder la monotonie fatigante de cette coupe uniforme du vers alexandrin, et à donner à leur phrase le mouvement même des images et des sentiments qu'ils veulent peindre. Il faut donc bien se garder, quand on lit ou qu'on récite des vers, de faire sentir avec une régularité monotone le repos de l'hémistiche, et de se conformer d'une manière servile aux lois de l'enjambement et de la césure. Ce qu'il faut consulter avant tout, c'est la coupe et le mouvement de la phrase, les besoins du sens, les indications du sentiment et de la pensée, les besoins de la prononciation et de l'oreille. Pour donner une idée de la manière dont les poëtes savent varier la coupe des vers, tout en restant fidèles aux lois de l'hémistiche et de l'enjambement, nous transcrirons ici, avec l'indication des poses à observer, quelques vers empruntés à un des morceaux qui vont suivre. Ma foi sur l'avenir bien fou qui se fiera: Tel qui rit vendredi Un juge, - dimanche pleurera. qu'à l'ordinaire. dont l'affaire allait mal, Pour l'avoir éveillé plus tard - à ce pauvre animal. Jetons les yeux sur l'Église, c'est-à-dire sur cette société visible des enfants de Dieu qui a été conservée dans tous les temps: c'est le royaume qui n'aura pas de fin. Toutes les autres puissances s'élèvent et tombent : après avoir étonné le monde, elles disparaissent. L'Eglise seule, malgré les tempêtes du dehors et les scandales du dedans, demeure immortelle. Pour vaincre, elle ne fait que souffrir; et elle n'a pas d'autres armes que la croix. Considérons cette société sous Moïse, Pharaon la veut opprimer, les ténèbres deviennent palpables en Égypte1; la terre s'y couvre d'insectes; la mer s'entr'ouvre, ses eaux suspendues s'élèvent comme deux murs; tout un peuple traverse l'abîme à pied sec; un pain descendu du ciel le nourrit au désert; l'homme parle à la pierre, et elle donne des torrents? : tout est miracle pendant quarante années, pour délivrer l'Église captive... Mais tournons nos regards vers l'Église, que Rome païenne, cette Babylone enivrée du sang des martyrs, s'efforce de détruire. L'Église demeure libre dans les chaînes, et invincible au milieu des tourments. Dieu laisse ruisseler, pendant trois cents ans, le sang de ses enfants bien-aimés. Pourquoi croyez-vous qu'il le fasse? C'est pour convaincre le monde entier, par une si longue et si terrible expérience, que l'Église, comme suspendue entre le ciel et la terre, n'a besoin que de la main invisible dont elle est soutenue. Jamais elle ne fut si libre, si forte, si florissante, si féconde. Que sont devenus ces Romains qui la persécutaient? Ce peuple, qui se vantait d'être le peuple-roi, a été livré aux nations barbares; l'empire éternel est tombé; Rome est ensevelie dans ses ruines avec les faux dieux; il n'en reste plus de mémoire que par une autre Rome sortie de ses cendres, qui, étant pure et sainte, est devenue à jamais le centre du royaume de JésusChrist. L'Église n'a garde d'ébranler les royaumes de la terre, elle qui tient dans ses mains les clefs du royaume du ciel. Elle ne désire rien de tout ce qui peut être vu; elle n'aspire qu'au royaume de son époux, qui est le sien. Elle est pauvre et jalouse du trésor de sa pauvreté; elle est paisible, et c'est elle qui donne une paix 1. Allusion aux plaies d'Égypte. Ténèbres palpables, c'est-à-dire si épaisses qu'elles peuvent être touchées, palpées. Métaphore hyperbolique d'une grande énergie. 2. Passage de la mer Rouge, manne tombée du ciel, rocher d'Horeb. que le monde ne peut donner ni ôter; elle est patiente, et c'est par sa patience jusqu'à la mort de la croix qu'elle est invincible. Elle n'oublie jamais que son époux s'enfuit sur la montagne, dès qu'on voulut le faire roi; elle se ressouvient qu'elle doit avoir en commun avec son époux la nudité de la croix, puisqu'il est l'homme des douleurs, l'homme écrasé dans l'infirmité, l'homme rassasié d'opprobres1. O Église romaine! ô cité sainte! ô chère et commune patrie de tous les vrais chrétiens! Il n'y a en Jésus-Christ ni Grec, ni Scythe, ni Barbare, ni Juif, ni Gentil. Tout est fait un seul peuple dans votre sein. Tous sont concitoyens de Rome, et tout catholique est Romain. La voilà cette grande tige qui a été plantée de la main de Jésus-Christ. Tout rameau qui en est détaché se flétrit, se dessèche et tombe. O mère! quiconque est enfant de Dieu est aussi le vôtre. 2.- Le Presbytère Une cour le précède, enclose d'une haie FENELON. Des poules, des pigeons, deux chèvres, et mon chien, 1. Expressions des prophètes. 2. Licence. On dit aux rayons du soleil. 3. Margelle, L'assise de pierres qui forme le rebord du puits. Racine, marge. 4. Étreint. « Embrasse en la serrant. » Étreindre, famille déjà vue, de étroit, strict, etc. 5. Escalier. Radical scale (degré, échelle), escale, escalade, scander. Sonore, chancelant, conduisent au palier La chaise où je m'assieds, la natte où je me couche, Mes gros souliers ferrés, mon bâton, mon chapeau, 1. Au temps de la Terreur, où les prêtres furent violemment persécutés. 2. Ces deux vers charmants présentent un exemple de cette figure, qui consiste à moins consulter, dans la construction, l'ordre de la syntaxe, que la liaison ou l'association des idées dans l'esprit. Ce n'est pas la main de Marthe qui brille, ce sont les vases qui brillent et qui, par leur éclat, révèlent la main attentive de Marthe. Cette espèce de confusion, que la logique rigoureuse condamne, ne nuit en rien à la justesse de l'image et à la clarté de la pensée. 3. Dimer. Au sens propre, lever la dime, le dixième. Il est verbe neutre. 4. Qui deviennent jaunes comme l'ambre. » Ambre ou succin, résine fossile qui se trouve sur le littoral de la Baltique. 5. Enveloppe de peau que les ecclésiastiques mettent souvent à leur bréviaire pour en ménager la reliure. De cet espace étroit sont tout l'ameublement. 3. - LAMARTINE. - La Journée du curé de village. La cloche avant le jour m'arrache de mon lit ; Le Dieu de l'humble foi descend du ciel sur nous. J'enseigne les enfants, je me fais leur nourrice; 1. Métonymie qu'explique et que justifie le vers suivant. 2. Métonymie un peu hardie pour « les laboureurs. » 3. Se fait image et chair. Métaphore énergique, c'est-à-dire que la vérité est représentée par des images si saisissantes et si vivantes, qu'elle semble prendre une figure et un corps apparent aux regards, 4. Du soleil, c'est-à-dire « du jour. » |