Mille témoins pour un déposent' l'attentat; A son supplice qui s'apprête Les agneaux de Mouflar demandèrent la grâce; «< O vous, qu'en ce moment je n'ose et je ne puis Voyez où peut conduire un coupable désir! Et tout en fuyant le dévore. Je cours, j'atteins le loup, qui, laissant son festin, Et je l'étrangle sur la place. C'était bien jusque-là; mais, pressé par la faim 1. Mille témoins pour un. Non-seulement un, mais plusieurs Mille mis pour un grand nombre, expression hyperbolique, c'est-à-dire exagérée, et autorisée par l'usage. Déposent l'attentat. Expression incorrecte. On dit déposer d'une chose et non déposer une chose, qui indique un autre sens. Déposent signifie ici allestent, affirment. Déposer signifie encore mellre à bas, destituer. 2. Récolés. Comparés dans leurs témoignages. Confrontés. Mis en présence les uns des autres. 3. L'oreille basse. Gallicisme. Portant l'oreille, la tête basse; comme on fait quand on est affligé, humilié. 4. L'assistance. Ceux qui assistent à son exécution, qui y sont présents. 5. La carrière. La route, le chemin dans lequel on marche Suivre la carrière de la vertu: pratiquer la vertu. J'y porte une coupable dent : Elle jette des cris de mère...... La tête m'a tourné, j'ai craint que la brebis Le berger accourait armé de son bâton: Je me jette sur lui: mais bientôt on m'enchaîne, De mes crimes la juste peine. Apprenez tous du moins, en me voyant mourir, Aux forfaits les plus grands peut conduire d'abord, On est au fond du précipice Dès qu'on met un pied sur le bord. » IMAGE D'UN PEUPLE GOUVERNE PAR UN BON PRINCE. Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau qui, répandu sur une colline, vers le déclin d'un beau jour, paît3 tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger soigneux et attentif est debout auprès de ses brcbis, il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturage; si elles se dispersent, il les rassemble: si un loup avide paraît, il lâche son chien, qui le met en fuite; il les nourrit; il les défend; l'aurore le trouve déjà en pleine campagne, d'où il ne se retire qu'avec le soleil. Quels soins! quelle vigilance! quelle servitude! Quelle condition vous paraît la plus délicieuse et la plus libre, ou du berger ou des brebis? Le troupeau est-il fait pour le berger ou le berger pour le troupeau? 1. La tête m'a tourné. Gallicisme, comme perdre la tête. Ne savoir plus ce que l'on fait, ne plus suivre sa raison, son jugement. 2. Aux forfaits. Aux crimes. Composé de faire et for, équivalent à hors-faire, agir en dehors du sens, de la justice. On dit dans ce sens forfaire à l'honneur. 3. Pail. Mange. Pâturage, mot de la même famille, ainsi que pasteur, pâtre, pâture, pâturer, pâlis, etc. Image naïve des peuples et du prince qui les gouverne, s'il est bon prince! 17. L'amitié. LA BRUYÈRE. Qu'un ami véritable est une douce chose! De les lui découvrir vous-même. Un songe, un rien, tout lui fait peur, LA FONTAINE, 18. L'aveugle et le paralytique', Aidons-nous mutuellement, La charge des malheurs en sera plus légère; Pour le mal que l'on souffre est un soulagement. 3 Pour la persuader aux peuples de la Chine, Dans une ville de l'Asie Il existait deux malheureux, L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux. Mais leurs cris étaient superflus, Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique, Était sans guide, sans soutien, 1. La pudeur. Sentiment de réserve et de modestie qui fait éprouver une espèce de honte et d'embarras à appeler l'attention des autres sur sa personne, ses sentiments, ses intérêts ou ses besoins. 2. Paralytique. La paralysie est une maladie qui empêche l'usage des membres qu'elle attaque. 3. Confucius. Célèbre philosophe chinois qui a été le législateur de son pays. 4. Perclus. Privé de l'usage de ses membres. Mots de la même famille: reclus, prisonnier, qui n'est pas libre d'aller et de venir, reclusion; exclus, mis dehors, etc. Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une ruc, Il entendit ses cris, son âme en fut émue. Pour se plaindre les uns les autres. « J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres : A quoi nous servirait d'unir notre misère? A quoi ? répond l'aveugle, écoutez à nous deux J'ai des jambes, et vous des yeux : Moi, je vais vous porter; vous, vous serez mon guide : 19. Le travail et l'aumône. FLORIAN. Voici venir, mes sœurs, le dernier mois d'automne; L'hiver sera, mes sœurs, plus rude qu'on ne croit : Vous avez vu souvent, au seuil du presbytère2, Au sortir de l'église, hier je l'ai cherchée : On m'a dit que, malade et n'ayant point d'abri, 1. L'assiste. Qu'on le secoure. Assister, se tenir près de, venir en aide. Mot de la même famille qu'assistance. 2. Presylère. Nom donné à la maison qu'habite le curé. Dans la grange prochaine elle s'était couchée, Ma mère en a pleuré, puis m'a donné pour elle; Dans notre livre de prières (Je l'ai lu bien souvent, mes sœurs), il est écrit Que tous les pauvres sont nos frères; Oui, qu'ils sont, comme nous, enfants de Jésus-Christ. La fortune ici-bas n'est pour nous qu'une épreuve '; 2 Tel est des livres saints l'enseignement suprême: J'ai faim: vous qui passez daignez me secourir. 1. La fortune est une épreuve. C'est-à-dire qu'elle met notre cœur, nos sentiments à l'épreuve en leur donnant lieu de se manifester 2. Le denier de la veuve. Allusion à la parabole dans laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ raconte que l'offrande d'un denier, déposé par une pauvre veuve dans le tronc placé à la porte du temple, fut plus agréable aux yeux du Seigneur que les pièces d'or données avec orgueil par le riche. Denier, pièce de monnaie de peu de valeur. 3. Le cri d'un pauvre mourant de faim sera la condamnation, devant Dieu, de ceux qui l'entendent sans être émus. 4. Avec mystère. En cachant nos aumônes, en secret. 5. Voir le no 19, Liv. I, intitulé Le départ. Le petit Savoyard est arrivé à Paris; l'auteur dépeint sa misère ct exprime ses plaintes. |