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ment favorable à l'intelligence; ils ont, en outre, le mérite de répandre de la variété dans les leçons et de piquer l'attention et la curiosité des élèves dont une marche trop régulière et trop uniforme énerve l'activité et refroidit l'ardeur.

En montrant aussi tout le parti que peut fournir l'étude d'un morceau pour apprendre la langue, nous avons espéré faire sentir par là que la connaissance du français tient beaucoup moins aux règles abstraites de la grammaire, aux fatigants et monotones exercices de l'analyse logique ou grammaticale, qu'à une lecture journalière et réfléchie des écrivains dont les ouvrages sont à la portée de la jeunesse, et qu'en définitive c'est par les exemples et par les modèles plutôt que par les règles qu'on acquiert l'intelligence de la langue et qu'on apprend en même temps à la parler et à l'écrire.

1.

Invocation à Dieu pendant la nuit.

Tandis que le sommeil réparant la nature1
Tient enchaînés le travail et le bruit,

2

Nous rompons ses liens, ô clarté toujours pure 3,
Pour te louer dans la profonde nuit.

Que dès notre réveil notre voix te bénisse;
Qu'à te chercher notre cœur empressé
T'offre ses premiers vœux; et que par toi finisse
Le jour par toi saintement commencé.

L'astre dont la présence écarte la nuit sombre
Viendra bientôt recommencer son tour:

4

O vous, noirs ennemis qui vous glissez dans l'ombre,
Disparaissez à l'approche du jour.

Nous t'implorons, Seigneur; tes bontés sont nos armes,
De tout péché rends-nous purs à tes yeux;

1. Réparant la nature. Lui rendant par le repos ses forces épuisées par le travail et l'agitation du jour. La nature, tous les êtres vivants. Voyez la note 4, du no 8, Liv. I.

2. Tient enchaînés. Belle image pour exprimer la cessation du travail et du bruit pendant le sommeil, et que continue l'expression suivante : nous rompons ses liens. 3. O clarté toujours pure. O Dieu, dont aucune nuit n'obscurcit la lumière.

4. Noirs ennemis. Les ennemis de notre salut, les passions et les tentations des démons.

5. Tes bontés sont nos armes. Tes bontés, les grâces que ta bonté nous accorde sont les armes que nous employons pour résister au mal, au péché, à nos ennemis.

Fais que t'ayant chanté dans ce séjour de larmes,
Nous te chantions dans le repos des cieux!

2. Il est un Dieu.

RACINE.

Il est un Dieu. Les herbes de la vallée et les cèdres de la mon tagne le bénissent; l'insecte bourdonne ses louanges; l'éléphant le salue au lever du jour; l'oiseau le chante dans le feuillage; la foudre fait éclater sa puissance, et l'Océan déclare son immensité. L'homme seul a dit: Il n'y a point de Dieu!

Il n'a donc jamais, celui-là 2, dans ses infortunes, levé les yeux vers le ciel, ou, dans son bonheur, abaissé ses regards vers la terre! La naturs est-elle si loin de lui qu'il ne l'ait pu contempler, ou la croit-il le simple résultat du hasard? Mais quel hasard a pu contraindre une matière désordonnée et rebelle à s'arranger dans un ordre si parfait 3?

3.

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CHATEAUBRIAND.

Variété des aspects de la surface terrestre.

Les montagnes se sont élevées, et les vallons sont descendus en la place que le Seigneur leur a marquée. Ces diverses terres, suivant les divers aspects du soleil, ont leurs avantages. Dans ces profondes vallées, on voit croître l'herbe fraîche pour nourrir les troupeaux; auprès d'elles s'ouvrent de vastes campagnes, revêtues de riches moissons. Ici des coteaux s'élèvent comme en amphithéâtre, et sont couronnés de vignobles et d'arbres fruitiers; là de hautes montagnes vont porter leur front glacé jusque dans les nues, et les torrents qui en tombent sont les sources des rivières. Les rochers, qui montrent leur cime escarpée, soutiennent la terre des montagnes, comme les os du corps humain

4. L'homme seul. C'est-à-dire, c'est seulement parmi les hommes qu'il s'est rencon tré un être assez insensé pour oser dire: Il n'y a point de Dieu !

2. Il n'a donc jamais, celui-là. Remarquer l'emploi du double sujet il et celui-là, qui forme, en grammaire, ce qu'on appelle un pleonasme. Ce tour, dont nous avons déjà vu des exemples, donne à la pensée plus de vivacité et de force.

3. Cette pensée est éclaircie et développée dans les morceaux qui suivent.

4. Suivant les divers aspects du soleil, c'est-à-dire suivant que ces terres sont exposées au levant, au couchant, au nord, au midi; ce qui constitue les divers aspects des lieux par rapport au soleil.

5. En amphithéâtre. Les amphithéâtres sont de grandes constructions destinées à recevoir un nombre considérable de spectateurs. Ils sont formés de gradins qui s'élèvent successivement les uns sur les autres et vont ainsi en s'élargissant depuis le sol jusqu'au faîte de l'édifice. L'élévation graduelle de coteaux ainsi disposés présente la forme d'amphithéâtre.

en soutiennent les chairs. Cette variété fait le charme des paysages, et en même temps elle satisfait aux divers besoins des peuples'.

FENELON.

%.

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luépuisable fécondité de la terre et ses causes.

C'est du sein inépuisable de la terre que sort tout ce qu'il y a de plus précieux. Cette masse informe 2, vile et grossière, prend toutes les formes les plus diverses, et elle seule donne tour à tour tous les biens que nous lui demandons. Cette boue si sale se transforme en mille beaux objets qui charment les yeux: en une seule année, elle devient branches, boutons, feuilles, fleurs, fruits et semences, pour renouveler ses libéralités en faveur des hommes. Rien ne l'épuise; plus on déchire ses entrailles, plus elie est libérale. Après tant de siècles, pendant lesquels tout est sorti d'elle, elle n'est point encore usée; elle ne ressent aucune vieillesse; ses entrailles sont encore pleines des mêmes trésors. Mille générations ont passé dans son sein: tout vieillit, excepté elle seule; elle rajeunit chaque année au printemps.

Elle ne manque jamais aux hommes; mais les hommes insensés se manquent à eux-mêmes, en négligeant de la cultiver; c'est par leur paresse et par leurs désordres qu'ils laissent croître les ronces et les épines en la place des vendanges et des moissons ils se disputent un bien qu'ils laissent perdre. Les conquérants laissent en friche la terre pour la possession de laquelle ils ont fait périr tant de milliers d'hommes, et ont passé leur vie dans une terrible agitation. Les hommes ont devant eux des terres immenses qui sont vides et incultes; ils renversent le genre humain pour un coin de cette terre si négligée. La terre, si elle était bien cultivée, nourrirait cent fois plus d'hommes qu'elle n'en nourrit.

Tout ce que la terre produit, se corrompant, rentre dans son sein, et devient le germe d'une nouvelle fécondité. Ainsi elle

1. Aux besoins des peuples. Parce que la diversité des aspects et des élévations produit la diversité des récoltes qui pourvoient aux besoins des peuples.

2. Informe. Sans forme; du mot forme et de la préfixe négative in; comme plus bas transforme, composé de forme et de la préfixe trans, signifiant à travers, au delà, - veut dire passer au delà de la forme, prendre une autre forme.

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3. Se corrompant. La corruption des plantes. Les plantes et toutes les productions de la terre se forment, dans son sein, de l'assemblage des divers éléments, des divers sucs qu'elle contient. Lorsque les plantes, cessant de vivre, tombent en pourriture, en décomposition ou en corruption, elles rendent à la terre les éléments qu'elles y avaient pris et qui servent à y faire germer de nouvelles plantes.

reprend tout ce qu'elle a donné pour le rendre encore. Ainsi la corruption des plantes, et les excréments des animaux qu'elle nourrit, la nourrissent elle-même et perpétuent sa fertilité. Ainsi, plus elle donne, plus elle reprend; et elle ne s'épuise jamais, pourvu qu'on sache, dans la culture, lui rendre ce qu'elle a donné. Tout sort de son sein; tout y rentre, et rien ne s'y perd. Toutes les semences qui y retournent se multiplient. Confiez à la terre des grains de blé; en se pourrissant ils germent, et cette mère féconde vous rend avec usure plus d'épis qu'elle n'a reçu de grains. Creusez dans ses entrailles, vous y trouverez la pierre et le marbre pour les plus superbes édifices. Mais qui est-ce qui a renfermé tant de trésors dans son sein, à condition qu'ils se reproduisent sans cesse?

5.

FENELON.

Innombrable quantité et infinie petitesse des êtres vivants. Beaucoup de corps, qui paraissent solides, ne sont presque que des amas de ces animaux imperceptibles, qui y trouvent, pour leurs mouvements, autant de liberté qu'il leur en faut. Une feuille d'arbre est un petit monde habité par des vermisseaux invisibles 2, à qui elle paraît d'une étendue immense, qui y connaissent des montagnes et des abîmes, et qui, d'un côté de la feuille à l'autre, n'ont pas plus de communication avec les autres vermisseaux qui y vivent que nous avec les antipodes3.

On a trouvé, jusque dans des espèces de pierres très-dures, de petits vers sans nombre, qui y étaient logés de toutes parts dans des vides insensibles, et qui ne se nourrissaient que de la substance de ces pierres qu'ils rongeaient. Figurez-vous combien il y avait de ces petits vers, et pendant combien d'années ils subsistaient de la grosseur d'un grain de sable.

Enfin, tout est vivant, tout est animé. Mettez toutes ces espèces d'animaux nouvellement découvertes, et même toutes celles que l'on conçoit aisément qui sont encore à découvrir, avec celles

1. Lui rendre ce qu'elle a donné. Sans la culture, c'est-à-dire sans les soins que l'homme donne à la terre pour entretenir sa fécondité par les engrais et par les labours, la terre finirait par devenir stérile.

2. Imperceptibles. De la préfixe in et de perceptible: qui n'est pas perceptible, qui ne peut pas être aperçu, comme plus bas invisibles et insensibles.

3. Les antipodes. La terre est un vaste globe. Chaque point de la surface de ce globe a donc un point qui lui correspond dans l'autre hémisphère ou dans la partie diamétralement opposée. Les êtres qui habitent chacun de ces points opposés et qui ont ainsi les pieds dirigés en sens contraire, les uns contre les autres, sont appelés antipodes.

que l'on a toujours vues, vous trouverez assurément que la terre est peuplée, et que la nature y a si libéralement répandu les animaux, qu'elle ne s'est pas mise en peine que l'on en vit seulement la moitié.

6.

FONTENELLE.

Ce qu'on peut observer dans la germination d'une fève. J'ai pris une vingtaine des plus grosses fèves, j'en ai ouvert deux ou trois, et j'ai remarqué qu'elles étaient composées en dedans de deux parties qui se séparent aisément et que j'ai appris qu'on appelle leurs lobes; que le germe1 était attaché à l'un et à l'autre de ces lobes; que d'un côté il se terminait en pointe vers le dehors, et que de l'autre il se cachait entre les lobes. Voilà ce que j'ai vu d'abord. J'ai semé les autres fèves pour les faire germer et voir comment elles croissent. Deux jours après, j'ai commencé à les ouvrir, j'ai continué pendant environ quinze jours, et j'ai remarqué distinctement que la racine était contenue dans cette partie du germe qui est en dehors et se termine en pointe; que la plante était renfermée dans l'autre partie du germe qui passe entre les deux lobes; que la racine était elle-même une plante qui avait ses racines dans la substance des deux lobes de la fève, dont elle tirait sa nourriture; que, lorsqu'elle avait poussé en terre comme les plantes dans l'air, elle fournissait abondamment à la plante le suc nécessaire; que la plante, en croissant, passait entre les lobes, qui, après avoir servi à l'accroissement de la racine, se changeaient en feuilles, et mettaient la plante à couvert des injures de l'air3. Ainsi, je me suis persuadé que le germe de la fève contenait la racine de la plante et la plante elle-même, et que les lobes de la fève étaient le fond où cette petite plante était déjà semée et avait déjà ses racines. Prenez une de ces grosses fèves vertes dont on mange au commencement de l'été, ouvrez-la délicatement, considérezla attentivement, vous verrez sans microscope' une partie de ce que je viens de vous dire; vous découvrirez même les pre

1. Germe. La partie destinée à la reproduction de la plante; d'où les mots germer, produire un germe; germination, action de germer.

2. C'est-à-dire que l'auteur de ces observations arrachait chaque jour une fèvi pour l'examiner dans un état d'accroissement chaque jour plus avancé.

3. Injures de l'air. Contre les intempéries de l'air, c'est-à-dire contre l'excès du froid, de la chaleur, de l'humidité, du vent, etc. Tel est, en effet, un des rôles des feuilles à l'égard de la plante et de ses fruits.

4. Microscope. Instrument qui grossit les objets trop petits pour être discernés à l'œil nu. La racine scope (voir) se retrouve dans télescope, horoscope, etc.

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