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est frappée de terreur (pour les habitants), cette maison est accablée de tristesse, boire un verre d'eau;

3o Le nom du lieu où une chose est faite, de l'ouvrier qui l'a faite, de la manière dont elle est faite, pour la chose elle-même : Voilà un beau Racine, un Boileau correctement imprimé ; c'est un Didot; ceci est un véritable Elbeuf ;

4o Quand on donne à un mot une signification absolument contraire par moquerie ou par ironie. Ainsi on dit à quelqu'un qui manque gravement aux égards: Vous êtes poli; à un autre qui tremble devant le danger: Comme vous êtes brave; à quelqu'un qui laisse échapper une grosse sottise: Voilà un trait d'esprit. Cette espèce de métonymie prend le nom particulier d'ironie;

5o Enfin, un mot est détourné de sa signification ordinaire lorsqu'on l'applique à un objet auquel il ne convient que par suite d'une exagération évidente de la manière de voir ou de sentir de la personne qui l'emploie.

Cette forme de modification du sens des mots se nomme hyperbole.

C'est par hyperbole qu'on dit d'un enfant qui paraît plus grand que son âge, c'est un géant, et d'un autre qui paraît plus petit, c'est un nain.

Pour que cette exagération soit justifiée et admise par la raison, il faut qu'elle soit amenée par le mouvement de l'esprit de celui qui parle ou de ceux qui l'écoutent, et qu'elle ne semble une exagération ni à l'un ni aux autres.

Bien que ces différentes formes de langage qui détournent un mot de sa signification primitive aient reçu des noms distincts, nous les comprendrons sous la désignation générale de métonymie, dans laquelle elles peuvent être en effet toutes groupées.

Les exemples de métonymie sont également très-fréquents et très-variés. Nous en citerons seulement quelques-uns empruntés aux morceaux choisis.

Mais lorsque la montagne commençait à fleurir.

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La campagne présente à mes yeux une mer agitée de fleurs et de verdure. Tout fourmille d'abeilles et d'oiseaux.

Il ne suffirait donc pas pour entendre et parler une langue de connaître la signification naturelle et absolue des mots. Il faut aussi connaître les modifications diverses et souvent très-variées que cette signification primitive peut recevoir, soit du mouvement de la pensée et de la phrase, soit du caractère propre de la langue et des influences de l'usage.

Il faut, de plus, apprécier jusqu'à un certain point l'effet de ces dérivations et de ces transformations de mots sur les qualités et le mérite du style.

C'est là ce que nous nous sommes proposé dans la rédaction des notes de ce second recueil. Elles auront donc plus spécialement pour objet :

4° L'explication de la valeur absolue des mots d'après les éléments dont ils se forment et les familles auxquelles ils appartiennent;

2° L'explication du sens particulier qu'ils reçoivent de l'usage et des circonstances, et qui constituent ce qu'on appelle les figures, soit de mot, soit de construction.

Nous n'avons pas eu la prétention d'expliquer dans ces notes tout ce que les morceaux offrent à expliquer. Nous avons voulu seulement, en signalant de temps en temps les mots les plus dignes de remarque, indiquer au maître et aux élèves sur quoi leur attention devait se porter et les mettre sur la voie des études à faire et des explications à rechercher et à donner.

1.- Dieu révélé par ses ouvrages.

Oui, c'est un Dieu caché1 que le Dieu qu'il faut croiro;
Mais, tout caché qu'il est 2, pour révéler sa gloire,
Quels témoins éclatants devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers, et vous, terre, parlez!
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles?
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles?

1. Invisible. » Dieu étant un pur esprit ne peut tomber sous nos sens, et ne so manifeste qu'à l'intelligence. On dit d'une manière absolue: Je crois en Dieu; mais ici le complément caché donné au mot Dieu appelle la forme: Je crois un Dieu caché.

2. Remarquer la proposition absolue tout caché qu'il est, pour rendre compte de l'irrégularité de la construction.

O cieux! que de grandeur, et quelle majesté !
Je reconnais un maître à qui rien n'a coûté,
Et qui dans vos déserts a semé la lumière
Ainsi que dans nos champs il sème la poussière.
Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, ò soleil! viens-tu du sein de l'onde
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde?
Tous les jours je t'attends, tu reviens tous les jours :
Est-ce moi qui t'appelle, et qui règle ton cours?
Et toi dont le courroux veut engloutir la terre,
Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre?
Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts :
La rage de tes flots expire sur tes bords1...
La voix de l'univers à ce Dieu me rappelle;
La terre le publie. « Est-ce moi? me dit-elle2,
Est-ce moi qui produis mes riches ornements?
C'est celui dont la main posa mes fondements.
Si je sers tes besoins, c'est lui qui me l'ordonne.
Les présents qu'il me fait, c'est à toi qu'il les donnc.
Je m'empare des fleurs qui tombent de sa main;
Il ne fait que l'ouvrir et m'en remplit le sein.
Mais à d'autres objets tu peux le reconnoître :
Contemple seulement l'arbre que je fais croître.
Mon suc, dans la racine à peine répandu,
Du tronc qui le reçoit à la branche est rendu;
La feuille le demande, et la branche fidèle,
Prodigue de son bien, le partage avec elle.
De l'éclat de ses fruits justement enchanté,
Ne méprise jamais ces plantes sans beauté,
Troupe obscure et timide, humble et faible vulgaire :
Si tu sais découvrir leur vertu salutaire,
Elles pourront servir à prolonger tes jours,
Et ne t'afflige pas si les leurs sont si courts:
Toute plante, en naissant, déjà renferme en elle
D'enfants qui la suivront une race immortelle ;
Chacun de ces enfants, dans ma fécondité,

1. Belle image due au rapprochement ou à l'antithèse des deux métaphores: la rage de les flots — expire, etc.

2. Exemple de prosopopée à remarquer. Pour comprendre combien ce tour donne de vie et de mouvement à la pensée, il suffit de le remplacer par la forme indirecte: Elle dit que ce n'est point elle qui produit ses riches ornements.

Trouve un gage nouveau de sa postérité. »>

Ainsi parle la terre; et, charmé de l'entendre,

Quand je vois par ces noeuds, que je ne puis comprendre,
Tant d'êtres différents l'un à l'autre enchaînés,

Vers une même fin constamment entraînés,
A l'ordre général conspirer tous ensemble,
Je reconnais partout la main qui les rassemble,
Et d'un dessein si grand j'admire l'unité
Non moins que la sagesse et la simplicité.

Mais pour toi, que jamais ces miracles n'étonnent,
Stupide spectateur des biens qui t'environnent,
O toi qui follement fais ton Dieu du hasard1,
Viens me développer ce nid qu'avec tant d'art,
Au même ordre toujours architecte fidèle,
A l'aide de son bec maçonne l'hirondelle.
Comment, pour élever ce hardi bâtiment,
A-t-elle, en le broyant, arrondi son ciment?
Et pourquoi ces oiseaux, si remplis de prudence,
Ont-ils de leurs enfants su prévoir la naissance?...
Ceux qui, de nos hivers redoutant le courroux,
Vont se réfugier dans des climats plus doux,
Ne laisseront jamais la saison rigoureuse
Surprendre parmi nous leur troupe paresseuse.
Dans un sage conseil, par les chefs assemblé,
Du départ général le grand jour est réglé;
Il arrive, tout part : le plus jeune peut-être
Demande, en regardant les lieux qui l'ont vu naître,
Quand viendra ce printemps par qui tant d'exilés
Dans les champs paternels se verront rappelés.

A nos yeux attentifs que le spectacle change:
Retournons sur la terre, où jusque dans la fange
L'insecte nous appelle, et, certain de son prix,
Ose nous demander raison de nos mépris...
De l'empire de l'air cet habitant volage,

Qui porte à tant de fleurs son inconstant hommage
Et leur ravit un suc qui n'était pas pour lui,

Chez ses frères rampants qu'il méprise aujourd'hui,
Sur la terre autrefois traînant sa vie obscure,

1. Les cieux, la terre, la mer, les phénomènes de la végétation proclament l'infinie sagesse du Créateur. Cette apostrophe à ceux qui attribuent au hasard toutes ces merveilles fournit à l'auteur une transition pour arriver aux témoignages rendus à l'existence de Dieu par l'instinct et l'organisation des animaux,

Semblait vouloir cacher sa honteuse figure.
Mais les temps sont changés, sa mort fut un sommeil :
On le vit, plein de gloire à son brillant réveil,
Laissant dans le tombeau sa dépouille grossière,
Par un sublime essor voler vers la lumière.

Le roi pour qui sont faits tant de biens précieux,
L'homme, élève un front noble et regarde les cieux.

2.

L. RACINE.

L'hymne du soir ou la prière universelle.
Le roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire,
Descend avec lenteur de son char de victoire.
Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux
Conserve en sillons d'or sa trace dans les cieux,
Et d'un reflet de pourpre inonde l'étendue.
Comme une lampe d'or dans l'azur suspendue,
La lune se balance aux bords de l'horizon;
Ses rayons
affaiblis dorment sur le gazon,
Et le voile des nuits sur les monts se déplie.
C'est l'heure où la nature, un moment recueillic,
Entre la nuit qui tombe et le jour qui s'enfuit
S'élève au créateur du jour et de la nuit,
Et semble offrir à Dieu, dans un brillant langage,
De la création le magnifique hommage.

Voilà le sacrifice immense, universel!

L'univers est le temple, et la terre est l'autel;
Les cieux en sont le dôme, et ces astres sans nombre,
Ces feux demi-voilés, pâle ornement de l'ombre,
Dans la voûte d'azur avec ordre semés,

Sont les sacrés flambeaux pour ce temple allumés;
Et ces nuages purs qu'un jour mourant colore,
Et qu'un souffle léger du couchant à l'aurore,
Dans les plaines de l'air repliant mollement,

Roule en flocons de pourpre aux bords du firmament,
Sont les flots de l'encens qui monte et s'évapore

Jusqu'au trône du Dieu que la nature adore '.

Mais ce temple est sans voix. Où sont les saints concerts?

D'où s'élèvera l'hymne au roi de l'univers?

Tout se tait mon cœur seul parle dans ce silence;

1. Tableau d'une grandeur, d'une richesse et d'une harmonie qui égalent ce qu'on a écrit de plus parfait dans aucune langue.

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