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étonne; mais elle ne paraît nulle part d'une manière plus sensible que dans l'industrie des oiseaux à faire leurs nids.

En premier lieu, quel maître leur a appris qu'ils en avaient besoin? Qui a pris soin de les avertir de les préparer à temps, et de ne point se laisser prévenir par la nécessité? Qui leur a dit comment il fallait les construire? Quel mathématicien1 leur en a donné la figure? quel architecte leur a enseigné à choisir un lieu ferme, et à bâtir sur un fondement solide? Quelle mère tendre leur a conseillé d'en couvrir le fond de matières molles et délicates, telles que le duvet et le coton? Et lorsque ces matières manquent, qui leur a suggéré cette ingénieuse charité qui les porte à s'arracher avec le bec autant de plumes de l'estomac qu'il en faut pour préparer un berceau commode à leurs petits? En second lieu, quelle sagesse a marqué à chaque espèce une manière particulière de construire les nids, où les mêmes précautions fussent observées, mais en mille façons différentes? Qui a commandé à l'hirondelle, le plus adroit de tous les oiseaux, de s'approcher de l'homme et de choisir sa maison pour y édifier son nid à ses yeux, sans craindre de l'avoir pour témoin, et paraissant au contraire l'inviter à considérer son travail. Ce n'est point, comme les autres, avec de petits branchages et du foin qu'elle bâtit. Elle emploie le ciment et le mortier, et d'une manière si solide, qu'il faut une espèce d'effort, pour démolir son ouvrage.

Est-ce pour les oiseaux, Seigneur, que vous avez uni ensemble tant de miracles3 qu'ils ne connaissent point? Est-ce pour les hommes qui n'y pensent pas? Est-ce pour des curieux qui se contentent de les admirer sans remonter jusqu'à vous? et n'est-il pas visible que votre dessein a été de nous rappeler à vous par un tel spectacle, de nous rendre sensible votre Providence et votre sagesse infinies, et de nous remplir de confiance en votre

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1. Les mathématiciens déterminent, au moyen du calcul, la forme la plus favorable à donner à un corps pour une étendue ou une capacité déterminée. L'emplacement et la solidité des constructions regardent l'art des architectes.

2. Mouvement plein de grace et de sensibilité qui porte l'écrivain, émerveillé de tant de prodiges, à demander directement au Seigneur le secret de leur cause; après quoi, il s'en rend lui-même l'interprète dans les dernières lignes du morceau, avec autant de justesse que d'onction.

3. Miracles. Ce mot est plus spécialement consacré aujourd'hui au langage de l'Église. Appliqué aux prodiges naturels, il a pour synonyme merveilles.

4. Sensible, apparente, manifeste. Ce mot est pris ici dans le sens passif: une sagesse sensible, qui peut être reconnue par les sens, qui tombe sous les sens; cet adjectif est pris ordinairement dans le sens actif: une âme sensible, qui sent vivement, qui a une grande aptitude à sentir.

bonté, si attentive et si tendre pour les oiseaux dont une couple' ne vaut qu'une obole.

ROLLIN

8.

Le premier vol du jeune oiseau.

3

Voyez avec quel soin et quel zèle nouveau
Ses parents à voler forment le jeune oiseau.
C'est aux heures du soir, lorsque dans la nature♦
Tout est repos, fraîcheur, et parfum, et verdure;
L'adolescent', ravi de ce bel horizon",

S'agite dans son nid devenu sa prison;

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Il sort, et, balancé sur la branche pliante,
Il hésite, il essaie une aile encore tremblante.
Le couple en voltigeant provoque son essor
Gourmande 10 sa frayeur, l'appelle, et vole encor :
Enfin il se hasarde, et, déployant ses ailes,
Non sans crainte, il se fie à ses plumes nouvelles.
L'air reçoit ce doux poids: il touche le gazon;
Ses parents enchantés répètent la leçon.
D'une aile moins novice" alors le jeune élève
S'enhardit, prend l'essor, s'abat et se relève;
Enfin, sûr de sa force et plus audacieux,

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Il part; tout est fini '2, tous se font leurs adieux.

DELILLE.

1. Remarquer l'emploi de ce mot au féminin quand il signifie la réunion fortuite de deux objets, tandis qu'il est masculin quand il signifie la réunion du mâle et de la femelle, comme dans le morceau suivant, note 7, où le mot couple désigne le père et la mère du jeune oiseau.

2. Obole. Pièce de monnaie des peuples anciens, de très-peu de valeur.

3. Nouveau. L'auteur a parlé précédemment des soins et du zèle des oiseaux pour procurer des aliments à leurs petits. Ces soins et ce zèle se renouvellent pour lui apprendre à voler. Remarquer l'adjectif s'accordant seulement avec le dernier nom.

4 Nature. Tout ce qui a pris naissance. L'ensemble de la création. Quelquefois ce mot désigne l'auteur de la création lui-même, Dieu.

5. Adolescent. Celui qui sort de l'enfance et devient un homme. Ce mot est ici appliqué heureusement au jeune oiseau prêt à prendre son essor.

6. Horizon. L'espace que l'œil peut embrasser. Le petit oiseau enfermé dans son nid n'apercevait que les objets autour de lui. Quand il vole et s'élève dans l'air, l'horizon s'agrandit, c'est-à-dire qu'il aperçoit un espace beaucoup plus vaste. 7. Le couple; le père et la mère, ce mot est donc masculin.

8. Provoque. Excite.

9. Essor, sa sortie du nid, son vol hors du nid.

10. Gourmande L'excite et l'encourage à vaincre sa frayeur.

11. Novice. Mot de la même famille que nouveau. Inexpérimenté, qui commence. 12. Tout est fini. L'éducation du petit oiseau est finie. La famille se sépare.

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Je le tiens, ce nid de fauvettes!
Ils sont deux, trois, quatre petits!
Depuis si longtemps je vous guette3,
Pauvres oiseaux, vous voilà pris!
Criez, sifflez, petits rebelles,
Débattez-vous; oh! c'est en vain :
Vous n'avez pas encore d'ailes,
Comment vous sauver de ma main?

Mais, quoi, n'entends-je point leur mère
Qui pousse des cris douloureux?
Oui, je le vois; oui, c'est leur père
Qui vient voltiger auprès d'eux.
Ah! pourrais-je causer leur peine,
Moi qui l'été, dans les vallons,
Venais m'endormir sous un chêne,
Au bruit de leurs douces chansons
Hélas! si du sein de ma mère
Un méchant venait me ravir,
Je le sens bien, dans sa misère',
Elle n'aurait plus qu'à mourir.

Et je serais assez barbare
Pour vous arracher vos enfants!
Non, non, que rien ne vous sépare;
Non, les voici, je vous les rends.
Apprenez-leur dans le bocage.
A voltiger auprès de vous :
Qu'ils écoutent votre ramage,

Pour former des sons aussi doux;

1. Remarquer la tournure vive de la phrase: ce nid de fauvettes, complément du verbe je tiens. Le, pléonasme, parce que le n'est pas indispensable à la construction, et qu'il sert seulement à mieux exprimer la joie de l'enfant qui s'est emparé du nid.

2. Ils. Autre tournure également vive. Le nom auquel ce pronom se rapporte est sous-entendu, parce qu'il est suffisamment indiqué par ce qui suit. Ellipse. 3. Je vous guelle, je vous épie. Guetter, examiner avec attention chercher à découvrir. Guet; faire le guet.

4. Misère. Sa douleur, son chagrin. Misère se dit ordinairement de la privation des choses nécessaires à la vie, de l'extrême pauvreté.

5. Ramage. Désigne particulièrement le chant propre à chaque oiseau.

Et moi, dans la saison prochaine,
Je reviendrai dans les vallons,
Dormir quelquefois sous un chêne
Au bruit de leurs jeunes chansons.

40.

Migration des oiseaux.

BERQUIN.

Les oiseaux de passage1 ont tous leur temps marqué, et ils ne le passent point; mais ce temps n'est pas le même pour chaque espèce les uns attendent l'hiver, les autres. le printemps, d'autres l'été, et d'autres l'automne. Il y a dans chaque peuple une police 2 publique et géné: ale, qui règle et qui tient dans le devoir tous les particuliers. Avant l'édit général, aucun ne pense à partir; depuis sa publication, aucun ne demeure.

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Une espèce de conseil décide du jour, et il accorde un intervalle pour s'y préparer, après quoi tout déloge, et il ne paraît le lendemain ni traîneurs ni déserteurs, tant la discipline est exacte! Plusieurs ne connaissent que l'hirondelle qui fasse ainsi; mais la chose est certaine pour beaucoup d'autres espèces. Et je demande quand nous n'aurions que l'exemple de l'hirondel'e, quelle nouvelle elle a reçue des pays où elle va en grande troupe pour s'assurer qu'elle y trouvera toutes choses préparées. Je demande pourquoi elle ne s'attache pas comme les autres oiseaux au pays où elle a élevé sa famille qui y a été si bien traitée. Je demande par quel esprit de voyager cette nouvelle famille, qui ne connaît que son pays natal, conspire tout entière à le quit

1. Oiseaux de passage, qui ne séjournent pas dans une contrée, qui ne font qu'y passer à certaines époques.

2. Police. Ensemble de mesures destinées à établir l'ordre dans une société, chez un peuple.

3. Edit. Commandement, ordonnance rendue par celui qui est préposé au maintien de l'ordre général, de la police.

4. Déloge, part. Expression qui ne s'emploie aujourd'hui que dans le langage familier.

5. Traineurs. Le mot trainards s'emploie mieux dans cette acception.

6. Discipline, Soumission, obéissance à la règle.

7. Esprit de voyager. Tournure équivalant à envie de voyager, goût pour les voyages.

8. Conspire. Se met d'accord, s'entend. Ce mot est pris ici dans sa signification propre et naturelle; respirer ensemble, c'est-à-dire avoir les mêmes aspirations, les mêmes désirs, les mêmes projets. Il est le plus souvent détourné de ce sens, et s'appliquant à la politique, il désigne des menées secrètes contre le gouverne

ment.

9. Tout entière. Tout, adverbe et invariable. Cependant, si l'adjectif suivant commençait par une consonne, il faudrait toute : toute grande.

ter. Je demande en quel langage se publie l'ordonnance qui défend à tous, soit anciens, soit nouveaux sujets de la république, de demeurer par delà un certain nombre de jours. Enfin, je demande à quels signes les principaux magistrats' connaissent que ce serait tout risquer que de s'exposer à être prévenus par une saison rigoureuse. Quelle autre réponse peut-on faire à ces demandes que celle du prophète : Que vos ouvrages, Seigneur, sont grands et merveilleux! vous les avez formés avec sagesse?

44.

ROLLIN.

Tendresse de la perdrix pour ses petits.
Quand la perdrix
Voit ses petits

En danger, et n'ayant qu'une plume nouvelle
Qui ne peut fuir encor par les airs le trépas2,
Elle fait la blessée, et va traînant de l'aile3,
Attirant le chasseur et le chien sur ses pas,
Détourne le danger, sauve ainsi sa famille;
Et puis quand le chasseur croit que son chien la pille*,
Elle lui dit adieu, prend sa volées, et rit

De l'homme qui, confus, des yeux en vain la suit.

LA FONTAINE.

12.- La mère, l'enfant et les sarigues
Maman, disait un jour à la plus tendre mère
Un enfant péruvien' sur ses genoux assis,
Quel est cet animal qui, dans cette bruyère',
Se promène avec ses petits?

Il ressemble au renard.

-

Mon fils, répondit-elle,

1. Magistrats. Les chefs de la cité. L'auteur assimile, dans tout ce morceau, l'assemblée des oiseaux réunis pour leur départ à la société des hommes, à une nation. De là, le mot république employé plus haut pour désigner la troupe, la nation des oiseaux.

2. Par les airs le trépas. Inversion un peu dure, Le trépas, la mort.

3. Trainant de l'aile. Gallicisme, pour « traîner l'aile. » On dit également trainer

du pied, tirer du pied, pour exprimer la fatigue.

4. La pille Terme de chasse. S'élance sur elle, l'attrape

5. Lui dit adieu. Gallicisme, pour elle s'éloigne de lui. » Prend sa volée. Autre gallicisme, s'envole.

6. Et rit. Se moque. Charmante image, qui met sous les yeux la surprise du chasseur.

7. Péruvien. Du Pérou; contrée de l'Amérique méridionale.

8. Bruyère. Petit arbrisseau qui croît dans les bois et dont les fleurs sont très variées. Le singulier est mis ici pour le pluriel: dans ces bruyères.

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