A STOL PHE. Eft-il poffible, téméraires, que vous foyez fortis de votre caverne fans ma permission, et que vous hasardiez ainfi votre vie et la mienne ! fuis LEONIDE. Que voulez-vous ? cette mufique m'a charmé ; je ne le maître de mes fens. pas (On entend alors le fon des tambours. ) HERA CLIU S. Ce bruit m'enflamme, me ravit hors de moi; c'eft un volcan qui embrafe toutes les puiffances de mon ame. LEON I DE. Quand dans le beau printemps, les doux zéphyrs, et le bruit des ruiffeaux, s'accordent ensemble, et que les gofiers harmonieux des oifeaux chantent la bienvenue des rofes et des œillets, leur mufique n'approche pas de celle que je viens d'entendre. HERACLIUS. le J'ai entendu fouvent dans l'hiver, les gémiffemens de la croupe des montagnes, fous la rage des ouragans, bruit de la chute des torrens, celui de la colère des nuées; mais rien n'approche de ce que je viens d'entendre, c'est un tonnerre dans un temps serein; il flatte mon cœur et l'embrafe. A STOLPH E. Ah! je crains bien que ces deux échos, dont l'un eft fi doux, et l'autre fi terrible, ne foient la ruine de tous trois. HERACLIUS et LEONIDE ensemble, Comment l'entendez-vous ? A STOL PHE. C'eft qu'en fortant de ma caverne pour voir où vous étiez, j'ai rencontré dans cette demeure obscure, une femme, et je crains bien qu'elle ne dife qu'elle m'a vu. HERACLIUS. Et pourquoi, fi vous avez vu une femme, ne m'avez. vous pas appelé pour voir comment une femme eft faite? car felon ce que vous m'avez dit, de toutes les chofes du monde que vous m'avez nommées, rien n'approche d'une femme; je ne fais quoi de doux et de tendre se coule dans l'ame à fon feul nom, fans qu'on puiffe dire pourquoi. LEONID E. Moi, je vous remercie de ne m'avoir pas appelé pour la voir. Une femme excite en moi un fentiment tout contraire; car d'après ce que vous en avez dit, le cœur tremble à fon nom, comme s'apercevant de fon danger, ce nom feul laisse dans l'ame je ne fais quoi qui la tourmente fans qu'elle le fache. A STOL PHE, Ah! Héraclius, que tu juges bien ! ah Léonide, que tu penfes à merveille! HERACLIU S. Mais comment fe peut-il faire qu'en difant des choses contraires nous ayons tous deux raison ? A STOL PHE. C'eft qu'une femme eft un tableau à deux visages; regardez-la d'un sens, rien n'est fi agréable; regardez-la d'un autre fens, rien n'eft fi terrible. C'eft le meilleur ami de notre nature, c'eft notre plus grand ennemi; la moitié de la vie de l'ame, et quelquefois la moitié de la mort; point de plaifir fans elle, point de douleur fans elle auffi: on a raison de la craindre, on a raison de l'eftimer. Sage eft qui s'y fie, et sage qui s'en défie. Elle donne la paix et la guerre, l'allégreffe et la tristesse ; elle blesse et elle guérit; c'est de la thériaque et du poison. Enfin elle eft comme la langue, il n'y a rien de fi bon quand elle eft bonne, et rien de fi mauvais quand elle eft mauvaise, &c. LEONID E. S'il y a tant de bien et tant de mal dans la femme, pourquoi n'avez-vous pas permis que nous connuffions ce bien par expérience pour en jouir, et ce mal pour nous en garantir ? HERACLIUS. Léonide a très-bien parlé. Jufqu'à quand, notre père, nous refuserez-vous notre liberté ? et quand nous inftruirez-vous qui vous êtes et qui nous fommes? A STOL PHE. Ah! mes enfans! fi je vous réponds, vous avancez ma mort. Vous demandez qui vous êtes, fachez qu'il est dangereux pour vous de fortir d'ici. La raifon qui m'a forcé à vous cacher votre fort, c'eft l'empereur Héraclius, cet Atlas chrétien, (Cette converfation eft interrompue par un bruit de chaffe. Heraclius et Léonide s'échappent, excités par la curiofité. Les deux payfans gracieux, c'est-à-dire, les deux bouffons de la pièce, viennent parler au bon homme Aftolphe, qui craint toujours d'être découvert, Cintia et Heraclius fortent d'une grotte.) HERA CLIU S. Qu'est-ce que je vois ? CINT I A. Quel eft cet objet ? HERA CLIU S. Quel bel animal ! CINTI A. La vilaine bête ! HERA CLIU S. Quel divin aspect ! CINTIA. Quelle horrible présence! HERA CLIU S. Autant j'avais de courage, autant je deviens poltron près d'elle. CINT I A. Je fuis arrivée ici très-irréfolue, et je commence à ne plus l'être. HERA CLIU S. O vous poifon de deux de mes fens, l'ouïe et la vue, avant de vous voir de mes yeux je vous avais admirée de mes oreilles; qui êtes-vous ? CINT I A. Je fuis une femme et rien de plus. HERACLIUS. Et qu'y a-t-il de plus qu'une femme ? et fi toutes les autres font comme vous, comment refte-t-il un homme en vie ? CINT I A. Ainfi donc vous n'en avez pas vu d'autres ? HERA CLIU S. Non, je préfume pourtant que fi: j'ai vu le ciel; et fi l'homme eft un petit monde, la femme eft le ciel en abrégé. CINTI A. Tu as paru d'abord bien ignorant, et tu parais bien favant; fi tu as eu une éducation de brute, ce n'eft point en brute que tu parles. Qui es-tu donc toi qui as franchi le pas de cette montagne avec tant d'audace ? de HERACLIUS. Je n'en fais rien. CINT I A. Quel eft ce vieillard qui écoutait, et qui a fait tant peur à une femme ? Pourquoi vis-tu de cette forte dans les montagnes ? Ne vous indignez pas contre moi; ce n'eft pas peu favoir que de favoir qu'on ne fait rien du tout. CINTIA. Je veux apprendre qui tu es, ou je vais te percer de mes flèches, |