et les Français au dix-septième, pour ne vouloir rien que de raisonnable, rien que de sagement écrit, et pour exiger qu'une pièce de théâtre soit digne de la cour des Médicis, ou de celle de Louis XIV. Malheureusement Lopez de Vega et Shakespeare eurent du génie dans un temps où le goût n'était point du tout formé; ils corrompirent celui de leurs compatriotes, qui en général étaient alors extrêmement ignorans. Plusieurs auteurs dramatiques en Espagne et en Angleterre, tâchèrent d'imiter Lopez et Shakespeare; mais n'ayant pas leurs talens, ils n'imitèrent que leurs fautes, et par-là ils servirent encore à établir la réputation de ceux qu'ils voulaient furpaffer. Nous ressemblerions à ces nations, fi nous avions été dans le même cas. Leur théâtre est resté dans une enfance grossière, et le nôtre a peut-être acquis trop de rafinement. J'ai toujours pense qu'un heureux et adroit mélange de l'action qui règne sur le théâtre de Londres et de Madrid avec la sagesse, l'élégance, la noblesse, la décence du nôtre, pourrait produire quelque chose de parfait, si pourtant il est possible de rien ajouter à des ouvrages tels qu'Iphigénie et Athalie. Je nomme ici Iphigénie et Athalie, qui me paraifsent être de toutes les tragédies qu'on ait jamais faites, celles qui approchent le plus de la perfection. Corneille n'a aucune pièce parfaite ; on l'excuse sans doute; il était presque sans modèle et fans conseil; il travaillait trop rapidement; il négligeait sa langue, qui n'était pas perfectionnée encore; il ne luttait pas 408 OBSERVATIONS SUR JULES CESAR. affez contre les difficultés de la rime, qui est le plus pesant de tous les jougs, et qui force si souvent à ne point dire ce qu'on veut dire. Il était inégal comme Shakespeare, et plein de génie comme lui: mais le génie de Corneille était à celui de Shakespeare, ce qu'un seigneur est à l'égard d'un homme du peuple né avec le même esprit que lui. LHERACLIUS ESPAGNOL, OU LA COMEDIE FAMEUSE: Dans cette vie tout est vérité, et tout mensonge. Fête représentée devant leurs majestés, dans le fallon royal du palais; par dom Pedro Calderon de la Barca. DU TRADUCTEUR. IL s'est élevé depuis long-temps une dispute affez vive pour savoir quel était l'original, ou l'Héraclius de Corneille, ou celui de Caldéron; n'ayant rien vu de fatisfefant dans les raisons que chaque parti alléguait, j'ai fait venir d'Espagne l'Héraclius de Caldéron, intitulé : En esta vida todo es verdad y todo mentira, imprimé séparément in-4o avant que le recueil de Caldéron parût au jour. C'est un exemplaire extrêmement rare, et que le savant D. Gregorio Mayans y Sifcar, ancien bibliothécaire du roi d'Espagne, a bien voulu m'envoyer. J'ai traduit cet ouvrage, et le lecteur attentif verra aisément quelle est la différence du genre employé par Corneille, et de celui de Caldéron; et il découvrira au premier coup d'œil quel est l'original. Le lecteur a déjà fait la comparaison des théâtres français et anglais, en lisant la conspiration de Brutus et de Cassius, après avoir lu celle de Cinna. Il comparera de même le théâtre espagnol avec le français. Si après cela il reste des disputes, ce ne sera pas entre les personnes éclairées. |