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SCENE I I I.

LES DEUX PERES, GLYCERE.

LE P ERE de Glycère.

QUEL démon dans ce jour a troublé ma famille?

Hélas, ils font tous fous:

Ce matin c'était ma fille,
Et le foir c'eft fon époux.
TRIO.

D'une plainte commune
Uniffons nos foupirs.

Nous trouvons l'infortune

Au temple des plaisirs.

GLYCERE.

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SCENE

I V.

Les Acteurs précédens, PRESTINE, arrivant avec

précipitation.

PRESTINE.

REJOUISSEZ

EJOUISSEZ-VOUS tous.

GLYCERE, qui s'eft laiffe tomber fur un lit de gazon,

Je retournant.

Ah! ma foeur, je fuis morte!

Je n'en puis revenir.

PRESTINE.

N'importe,

Je veux que vous danfiez avec mon père et moi.
LE PERE de Daphnis.

C'eft bien prendre fon temps, ma foi.
Serais-tu folle auffi, Preftine, à ta manière?

PRESTINE.

Je fuis gaie et sensée, et je fais votre affaire;
Soyez tous bien contens.

LE PERE de Daphnis.

Ah! méchant petit cœur,

Lorsqu'à tant de chagrins tu nous vois tous en proie, Peux-tu bien dans notre douleur

Avoir la cruauté de montrer de la joie ?

PRESTINE chante.

Avant de parler je veux chanter,

Car j'ai bien des chofes à dire.
Ma fœur je viens vous apporter
De quoi foulager votre martyre.

Avant de parler je veux chanter,

Avant de parler je veux rire.

Et quand j'aurai pu tout vous conter,

Tout comme moi vous voudrez chanter,
Comme moi je vous verrai rire.

LE PERE de Daphnis, pendant que Glycère eft languissanté fur le lit de gazon, abymée dans la douleur.

Conte-nous donc, Preftine, et puis nous chanterons, Si de nous confoler tu donnes des raisons.

PRESTINE.

D'abord, ma pauvre fœur, il faut vous faire entendre Que vous avez fait fort mal

De ne nous pas apprendre

Que de ce beau Daphnis Grégoire était rival.

GLYCER E.

Hélas! quel intérêt mon cœur put-il y prendre?
L'ai-je pu remarquer? je ne voyais plus rien.

PRES TINE.

Je vous l'avais bien dit, Grégoire eft un vaurien,
Bien plus dangereux qu'il n'eft tendre.
que dans ce temple on a mis deux tonneaux
Pour tous les gens que l'on marie.

Sachez

L'un eft vaste et profond; la tonne de Cîteaux
N'eft qu'une pinte auprès; mais il est plein de lie.
Il produit la difcorde et les foupçons jaloux,
Les lourds ennuis, les froids dégoûts,

Et la fecrète antipathie.

C'est celui que l'on donne, hélas! à tant d'époux :
Et ce tonneau fatal empoisonne la vie.

L'autre tonneau, ma fœur, eft celui de l'amour :
Il eft petit... petit... on en eft fort avare;
De tous les vins qu'on boit c'eft, dit-on, le plus rare.
Je veux en'tâter quelque jour.

Sachez que le traître Grégoire

Du mauvais tonneau tour à tour
Malignement vous a fait boire.

GLYCERE.

Ah! de celui d'amour je n'avais pas befoin;
J'idolâtrais fans lui mon amant et mon maître.
Temple affreux!coupe horrible! Ah, Grégoire!ah,le traître!
Qu'il a pris un funefte foin!

LE PERE de Glycère.

D'où fais-tu tout cela?

PRESTINE.

La fervante du temple

Eft une babillarde; elle m'a tout conté.

LE PERE de Daphnis.

Oui, de ces deux tonneaux j'ai vu plus d'un exemple;
La fervante a dit vrai. La docte antiquité

A parlé fort au long de cette belle hiftoire.
Jupiter autrefois, comme on me l'a fait croire,
Avait ces deux bondons toujours à ses côtés :
De là venaient nos biens et nos calamités.
J'ai lu dans un vieux livre...

PRESTINE.

Eh! lifez moins, mon père,

Et laiffez-moi parler.... Dès que j'ai su le fait,
Au bon vin de l'amour j'ai bien vîte en secret
Couru tourner le robinet.

J'en ai fait boire un coup à l'amant de Glycère.

D'amour pour toi, ma fœur, il est tout enivré,
Repentant, honteux, tendre: il va venir. Il roffe
Le méchant Grégoire à fon grẻ.

Et moi qui fuis un peu précoce

J'ai pris un bon flacon de ce vin fi fucré ;
Et je le garde pour ma noce.

GLYCERE, fe relevant.

Ma fœur, ma chère fœur, mon cœur désespéré
Se ranime par toi, reprend un nouvel être.
C'eft Daphnis que je vois paraître ;

C'eft Daphnis qui me rend au jour.

SCENE

V et dernière.

Les Acteurs précédens, D A PHNIS.

DAPHNI S.

AH! je meurs à tes pieds et de honte et d'amour.

QUINQU E.

Chantons tous cinq en ce jour d'allégreffe

Du bon tonneau les effets merveilleux.

PRESTINE. LES DEUX PERES.

GLYCERE.

DAPHNIS.

Ma fœur.... Mon fils.... Mon amant... Ma maîtreffe.

Aimons-nous, béniffons les dieux :

Deux amans brouillés s'en aiment mieux.

Que tout nous feconde ;

Allons, courons, jetons au fond de l'eau
Ce vilain tonneau;

Et que tout foit heureux, s'il fe peut, dans le monde.

Fin du troisième et dernier acte.

JULES

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