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De moment en moment je pense et je m'éclaire.
Terre, qui me portez, vous n'êtes point ma mère;
Un Dieu fans doute est mon auteur :

Je le sens, il me parle, il respire en mon cœur.

(elle s'affied au bord d'une fontaine.)

Ciel! est-ce moi que j'envisage?

Le crystal de cette onde est le miroir des cieux.

La nature s'y peint: plus j'y vois mon image,

Plus je dois rendre grâce aux dieux.

NYMPHES et TITANS.

(on danse autour d'elle.)

Pandore, fille de l'amour,

Charmes naissans, beauté nouvelle,

Inspirez à jamais, fentez à votre tour

Cette flamme immortelle,

Dont vous tenez le jour.

(on danse.)

PANDORE, apercevant Prométhée au milieu des Nymphes.

Quel objet attire mes yeux ?

De tout ce que je vois dans ces aimables lieux,

C'est vous, c'est vous, sans doute, à qui je dois la vie. Du feu de vos regards que mon ame eft remplie !

Vous semblez encor m'animer.

PROMETHÉE.

Vos beaux yeux ont su m'enflammer Lorsqu'ils ne s'ouvraient pas encore; Vous ne pouviez répondre, et j'osais vous aimer : Vous parlez, et je vous adore.

PANDORE. PANDORE.

Vous m'aimez ! cher auteur de mes jours commencés,

Vous m'aimez! et je vous dois l'être !

La terre m'enchantait; que vous l'embellissez !

Mon cœur vole vers vous, il se rend à son maître;

Et je ne puis connaître

Si ma bouche en dit trop, ou n'en dit pas assez.
PROMETHÉE.

Vous n'en fauriez trop dire, et la simple nature
Parle fans feinte et sans détour.

Que toujours la race future

Prononce ainsi le nom d'amour.

(ensemble.)

Charmant amour, éternelle puissance,

Premier Dieu de mon cœur,

Amour, ton empire commence:

C'est l'empire du bonheur.

PROMETHÉE.

Ciel, quelle épaisse nuit, quels éclats de tonnerre
Détruisent les premiers instans

Des innocens plaisirs que possédait la terre!
Quelle horreur a troublé mes sens !
(ensemble.).

La terre frémit, le ciel gronde;
Des éclairs menaçans

Ont percé la voûte profonde
De ces aftres naiffans.

Quel pouvoir ébranle le monde
Jusqu'en ses fondemens?

(on voit descendre un char fur lequel font Mercure, la
Discorde, Néméfis, &c.)

Théâtre. Tome IX.

0

MERCURE.

Un héros téméraire a pris le feu céleste;

Pour expier ce vol audacieux,

Montez, Pandore, au sein des dieux.

PROMETHÉE.

Tyrans cruels!

PANDORE.

Ordre funeste!

Larmes que j'ignorais, vous coulez de mes yeux.

MERCURE.

Obéissez, montez aux cieux.

PANDORE.

Ah! j'étais dans le ciel en voyant ce que j'aime.

PROMETHÉE.

Cruels, ayez pitié de ma douleur extrême.

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Venez, montez aux cieux, partez.

Vents, obéissez-nous, et déployez vos ailes; Vents, conduisez Pandore aux voûtes éternelles.

(le char disparaît.)

TROMETHÉ

THÉE.

On l'enlève; tyrans jaloux,

Dieux, vous m'arrachez mon partage;

Il était plus divin que vous;

Vous étiez malheureux, vous étiez en courroux Du bonheur qui fut mon ouvrage;

Je ne devais qu'à moi ce bonheur précieux.
J'ai fait plus que Jupiter même :

Je me fuis fait aimer. J'animais ces beaux yeux :
Ils m'ont dit en s'ouvrant, vous m'aimez, je vous aime.
Elle vivait par moi, je vivais dans son cœur.

Dieux jaloux, respectez nos chaînes.
O Jupiter! ô fureurs inhumaines !
Eternel persécuteur
De l'infortuné créateur,

Tu sentiras toutes mes peines.
Je braverai ton pouvoir :

Ta foudre épouvantable
Sera moins redoutable
Que mon amour au désespoir.

Fin du fecond acte.

ACTE ΙΙΙ.

(le théâtre représente le palais de Jupiter brillant d'or et de lumière.)

J

JUPITER, MERCURE.

JUPITER.

E l'ai vu cet objet sur la terre animé,

Je l'ai vu, j'ai fenti des transports qui m'étonnent;
Le ciel est dans ses yeux, les grâces l'environnent;

Je sens que l'amour l'a formé.

MERCURE.

Vous régnez, vous plairez, vous la rendrez sensible.
Vous allez éblouir ses yeux à peine ouverts.

JUPITER.

Non, je ne fus jamais que puissant et terrible.
Je commande à l'olympe, à la terre, aux enfers;
Les cœurs font à l'Amour. Ah! que le fort m'outrage!
Quand il donna les cieux, quand il donna les mers,

Quand il divisa l'univers,

L'Amour eut le plus beau partage.

MERCURE.

Que craignez-vous? Pandore à peine a vu le jour,
Et d'elle-même encore à peine a connaissance;

Aurait-elle senti l'amour

Dès le moment de sa naissance?

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