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Je fais que d'un tendre retour
On peut payer vos vœux ; je fais que l'innocence,
Qui des dehors du monde a peu de connaissance,
Peut plaire et connaître l'amour;

Je fais qui vous aimiez, et même avant ce jour ;
Elle eft votre parente, et doublement heureuse.
Je ne m'étonne point qu'une ame vertueuse
Ait pu vous chérir à son tour.

Ne partez point; je vais en parler à sa mère.
La doter richement eft le moins que je doi;
Devenant votre épouse, elle me sera chère;
Ce que vous aimerez aura des droits fur moi.

Dans vos enfans je chérirai leur père;
Vos parens, vos amis me tiendront lieu des miens;
Je les comblerai tous de dignités, de biens:

C'eft trop peu pour mon cœur, et rien pour vos fervices.

Je ne ferai jamais d'affez grands facrifices ;

Après ce que je dois à vos heureux fecours,

Cherchant à m'acquitter je vous devrai toujours.

LE DUC DE FO I X.

Je ne m'attendais pas à cette récompenfe.
Madame, ah! croyez-moi, votre reconnaissance
Pourrait me tenir lieu des plus grands châtimens.
Non, vous n'ignorez pas mes fecrets fentimens ;
Non, vous n'avez point cru qu'une autre ait pu me plaire.
Vous voulez, je le vois, punir un téméraire;
Mais laiffez-le à lui-même; il eft affez puni.

Sur votre renommée, à vous seule asservi,

Je me crus fortuné pourvu que je vous visse;

Je crus que mon bonheur était dans vos beaux yeux;
Je vous vis dans Burgos, et ce fut mon fupplice.
Oui, c'eft un châtiment des dieux

D'avoir vu de trop près leur chef-d'œuvre adorable:
Le reste de la terre en eft insupportable :

Le ciel eft fans clarté, le monde eft fans douceurs :
On vit dans l'amertume, on dévore ses larmes ;
Et l'on eft malheureux auprès de tant de charmes,
Sans pouvoir être heureux ailleurs.

CONSTANCE.

Quoi, je ferais la cause et l'objet de vos peines!
Quoi, cette innocente beauté

Ne vous tenait pas dans fes chaînes !

Vous ofez!

LE DUC DE

FOIX.

Cet aveu plein de timidité,

Cet aveu de l'amour le plus involontaire,
Le plus pur à la fois et le plus emporté,
Le plus refpectueux, le plus sûr de déplaire;
Cet aveu malheureux peut-être a mérité
Plus de pitié que de colère.

CONSTANCE.

Alamir, vous m'aimez !

LE DUC DE FOIX,

Oui, dès long-temps ce cœur

D'un feu toujours caché brûlait avec fureur;
De ce cœur éperdu voyez toute l'ivresse;
A peine encor connu par ma faible valeur,
Né fimple cavalier, amant d'une princesse,

Jaloux d'un prince et d'un vainqueur,
Je vois le duc de Foix amoureux, plein de gloire,
Qui, du grand du Guefclin compagnon fortunė,
Aux yeux de l'Anglais conflerné,

Va vous donner un roi des mains de la victoire.
Pour toute récompense, il demande à vous voir;
Oubliant fes exploits, n'ofant s'en prévaloir,
Il attend fon arrêt, il l'attend en filence.
Moins il espère, et plus il femble mériter;
Est-ce à moi de rien disputer

Contre fon nom, fa gloire, et furtout fa conftance?

CONSTANCE.

A quoi fuis-je réduite! Alamir, écoutez:

Vos malheurs font moins grands que mes calamités ; Jugez-en; concevez mon défespoir extrême ;

Sachez

que mon devoir eft de ne voir jamais

Ni le duc de Foix ni vous-même.

Je vous ai déjà dit à quel point je le hais,
Je vous dis encor plus; fon crime impardonnable
Excitait mon juste courroux;

Ce crime jufqu'ici le fit feul haïssable,

Et je crains à préfent de le haïr pour vous.

Après un tel difcours, il faut que je vous quitte.

L E DUC DE FOIX.

Non, Madame, arrêtez; il faut que je mérite
Cet oracle étonnant qui passe mon espoir.
Donner pour vous ma vie eft mon premier devoir;
Je puis punir encor ce rival redoutable;

Même au milieu des fiens je puis percer fon flanc,
Et noyer tant de maux dans les flots de son sang;
J'y cours.

CONSTANCE.

Ah! demeurez; quel projet effroyable ! Ah! respectez vos jours à qui je dois les miens; Vos jours me font plus chers que je ne hais les fiens.

LE DUC DE FOI X.

Mais eft-il en effet fi sûr de votre haine?

CONSTANC E.

Hélas! plus je vous vois, plus il m'eft odieux.
LE DUC DE FOIX, fe jetant à genoux, et
préfentant fon épée.

Puniffez donc fon crime en terminant fa peine,
Et puifqu'il doit mourir, qu'il expire à vos yeux.
Il bénira vos coups: frappez; que cette épée
Par vos divines mains foit dans fon fang trempée,
Dans ce fang malheureux, brûlant pour vos attraits.
CONSTANCE, l'arrêtant.
Ciel! Alamir, que vois-je, et qu'avez-vous pu dire?
Alamir, mon vengeur, vous par qui je respire.....
Etes-vous celui que je hais?

LE DU C DE FOI X,

Je fuis celui qui vous adore;

Je n'ofe prononcer encore

Ce nom haï long temps, et toujours dangereux;
Mais parlez: de ce nom faut-il que je jouiffe?

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Faudra-t-il qu'avec moi ma mort l'enfeveliffe,
Ou que de tous les noms il foit le plus heureux ?
J'attends de mon deftin l'arrêt irrévocable;
Faut-il vivre, faut-il mourir ?

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Ne vous connaissant pas, je croyais vous haïr;
Votre offense à mes yeux semblait inexcusable.
Mon cœur à fon courroux s'était abandonné;
Mais je fens que ce cœur vous aurait pardonné,
S'il avait connu le coupable.

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Quoi! ce jour a donc fait ma gloire et mon bonheur !

CONSTANCE.

De don Pèdre et de moi vous êtes le vainqueur.

SCENE V I.

MORILLO, SANCHETTE, HERNAND et les Acteurs de la fcène précédente, Suite.

ALLONS,

MORILLO.

ALLONS, une princeffe eft bonne à quelque chofe; Puifqu'elle veut te marier,

Et que ton bon cœur s'y difpofe,

Je vais au plus vîte, et pour caufe,
Avec Alamir te lier,

Et conclure à l'inftant la chofe.

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