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Que l'Amour, fecouant fes ailes,

De ces commerces infidelles
Puiffe s'envoler à jamais!

Qu'il ceffe de forger des traits

Pour tant de beautés criminelles !

Et qu'il vienne au fond du Marais,
De l'innocence et de la paix
Goûter les douceurs éternelles !

Je hais bien tout mauvais rimeur
De qui le bel efprit baptise
Du nom d'ennui la paix du cœur,
Et la conftance, de fottife.
Heureux qui voit couler fes jours
Dans la molleffe et l'incurie,
Sans intrigues, fans faux détours,
Près de l'objet de fes amours,
Et loin de la coquetterie !
Que chaque jour rapidement
Pour de pareils amans s'écoule !
Ils ont tous les plaifirs en foule,
Hors ceux du raccommodement.
Quelques amis dans ce commerce
De leur cœur, que rien ne traverse,
Partagent la chère moitié ;
Et dans une paisible ivresse,
Ce couple avec délicateffe
Aux charmes purs de l'amitié

Joint les tranfports de la tendreffe.

Voilà, Monfieur, des médiocrités nouvelles pour l'antique gentilleffe dont vous m'avez fait part. Savezvous bien où eft ce réduit dont je vous parle ?

1716.

M. l'abbé Courtin dit que c'eft chez madame de 1716. Charoft. En quelque endroit que ce foit, n'importe, pourvu que j'aye l'honneur de vous y voir.

Rendez-nous donc votre présence,
Galant prieur de Trigolet,
Très-aimable et très-frivolet :

Venez voir votre humble valet
Dans le palais de la constance.
Les Grâces, avec complaisance,
Vous fuivront en petit collet ;
Et moi leur ferviteur follet,
J'ébaudirai votre excellence
Par des airs de mon flageolet,
Dont l'amour marque la cadence
En fefant des pas de ballet.

En attendant je travaille ici quelquefois au nom de M. l'abbé Courtin, qui me laisse le foin de faire en vers les honneurs de fon teint fleuri et de sa croupe rebondie. Nous vous envoyons, pour vous délaffer dans votre royaume, une lettre à M. le grand-prieur, et la réponse de l'Anacréon du Temple. Je ne vous demande pour tant de vers qu'un peu de profe de votre main. Puifque vous m'exhortez à vivre en bonne compagnie, que je commence à goûter bien fort, il faudra, s'il vous plaît, que vous me fouffriez quelquefois près de vous à Paris.

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LETTRE

I I.

1717.

A M. LE PRINCE DE VENDOME. (a)

DE

De Sully, falut et bon vin

Au plus aimable de nos princes,
De la part de l'abbé Courtin,
Et d'un rimailleur des plus minces,
Que fon bon ange et fon lutin

Ont envoyé dans ces provinces.

Vous voyez, Monseigneur, que l'envie de faire quelque chofe pour vous a réuni deux hommes bien différens.

L'un, gras, rond, gros, court, féjourné,
Citadin de Papimanie,

Porte un teint de prédestiné,

Avec la croupe rebondie.

Sur fon front respecté du temps,
Une fraîcheur toujours nouvelle
Au bon doyen de nos galans
Donne une jeuneffe éternelle.
L'autre dans Papefigue eft né,
Maigre, long, fec et décharné,
N'ayant eu croupe de fa vie,

Moins malin qu'on ne vous le dit,
Mais peut-être de Dieu maudit,

Puifqu'il aime et qu'il verfifie.

(a) C'eft le frère du duc de Vendôme. Il était grand-prieur de France, L'abbé Courtin était un de fes amis, fils d'un confeiller d'Etat, et homme de lettres. Il était tel qu'on le dépeint ici.

1717.

Notre premier deffein était d'envoyer à votre alteffe un ouvrage dans les formes, moitié vers, moitié profe, comme en ufaient les Chapelle, les Desbarreaux, les Hamilton, contemporains de l'abbé, et nos maîtres. J'aurais prefque ajouté Voiture, fi je ne craignais de fâcher mon confrère, qui prétend, je ne fais pourquoi, n'être pas affez vieux pour l'avoir vu.

L'abbé, comme il eft pareffeux,
Se réservait la profe à faire,
Abandonnant à fon confrère
L'emploi flatteur et dangereux
De rimer quelques vers heureux,
Qui peut-être auraient pu déplaire
A certain cenfeur rigoureux
Dont le nom doit içi fe taire.

Comme il y a des chofes affez hardies à dire par le temps qui court, le plus fage de nous deux, qui n'est pas moi, ne voulait en parler qu'à condition qu'on n'en faurait rien,

Il alla donc vers le Dieu du myftère,

Dieu des Normands, par moi très-peu fêté,
Qui parle bas, quand il ne peut se taire,
Baiffe les yeux et marche de côté.
Il favorife, et certes c'eft dommage,
Force fripons; mais il conduit le fage,
Il eft au bal, à l'églife, à la cour;
Au temps jadis il a guidé l'amour.

Malheureusement ce Dieu n'était pas à Sully; il était en tiers, dit-on, entre M. l'archevêque de....... et

madame de... fans cela nous euffions achevé notre
ouvrage fous fes
yeux.

Nous euffions peint les Jeux voltigeans fur vos traces,
Et cet efprit charmant, au sein d'un doux loifir,
Agréable dans le plaifir,

Héroïque dans les difgrâces.

Nous vous euffions parlé de ces bienheureux jours,
Jours confacrés à la tendreffe.

Nous vous euffions, avec adresse,

Fait la peinture des amours,
Et des amours de toute espèce.
Vous en euffiez vu de Paphos,
Vous en euffiez vu de Florence
Mais avec tant de bienféance,
Que le plus âpre des dévots
N'en eût pas fait la différence.
Bacchus y paraîtrait de tocane échauffé,
D'un bonnet de pampre coiffé,

Célébrant avec vous fa plus joyeuse orgie.
L'imagination ferait à son côté,

De fes brillantes fleurs ornant la volupté
Entre les bras de la folie.

Petits foupers, jolis festins,
Ce fut parmi vous que naquirent
Mille vaudevilles malins,
Que les amours à rire enclins
Dans leurs fottifiers recueillirent,
Et que j'ai vus entre leurs mains.
Ah! que j'aime ces vers badins,
Ces riens naïfs et pleins de grâce,
Tels que l'ingénieux Horace

1717.

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