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EN VERS ET EN PROSE.

LETTRE

PREMIERE.

A M. L'ABBÉ DE BUSSI,

DEPUIS EVEQUE DE LUÇON.

NON,

ON, nous ne fommes point tous deux
Auffi méchans qu'on le publie;

Et nous ne fommes, quoi qu'on die,

Que de fimples voluptueux,
Contens de couler notre vie
Au fein des Grâces et des Jeux.
Et fi dans quelque douce orgie
Votre profe et ma poësie,
Contre les difcours ennuyeux
Ont fait quelque plaifanterie,
Cette innocente raillerie

Dans ces repas dignes des Dieux
Jette une pointe d'ambrofie.

Il me femble que je fuis bien hardi de me mettre ainfi de niveau avec vous, et de faire marcher d'un pas égal les tracafferies des femmes et celles des poëtes. Ces deux espèces font affez dangereufes. Je pourrai bien, comme vous, passer loin d'elles mon hiver; du moins je refterai à Sully après le départ

1716.

1716.

du maître de ce beau féjour. Je suis fenfiblement touché des marques que vous me donnez de votre fouvenir; je le ferai beaucoup plus de vous retrouver.

Ornement de la bergerie,

Et de l'Eglife et de l'Amour,
Auffitôt que Flore à fon tour
Peindra la campagne fleurie,
Revoyez la ville chérie

Où Vénus a fixé fa cour.

Eft-il pour vous d'autre patrie?

Et ferait-il dans l'autre vie

Un plus beau ciel, un plus beau jour,
Si l'on pouvait de ce séjour

Exiler la tracafferie?

Evitons ce monftre odieux,

Monftre femelle dont les

yeux

Portent un poifon gracieux;
Et que le ciel en fa furie,

De notre bonheur envieux,

A fait naître dans ces beaux lieux
Au fein de la galanterie.
Voyez-vous comme un miel flatteur
Diftille de fa bouche impure?
Voyez-vous comme l'impofture
Lui prête un fecours féducteur?
Le courroux étourdi la guide,
L'embarras, le foupçon timide,
En chancelant fuivent fes pas.
Des faux rapports l'erreur avide
Court au-devant de la perfide,
Et la careffe dans fes bras.

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