S'oppofe à leur attente, & contre eux à tous coups Arme les mouvemens de mon jufte courroux.
Ah! Madame, il eft vrai, quelque effort que je faffe, Qu'un peu de jaloufie en mon cœur trouve place, Et qu'un rival abfent de vos divins appas
Au repos de ce cœur vient livrer des combats. Soit caprice ou raifon, j'ai toujours la croyance Que votre ame en ces lieux fouffre de fon abfence, Et que, malgré mes foins, vos foupirs amoureux Vont trouver à tous coups ce rival trop heureux. Mais fi de tels foupçons ont de quoi vous déplaire, Il vous eft bien facile, hélas! de m'y fouftraire; Et leur banniffement, dont j'accepte la loi, Dépend bien plus de vous, qu'il ne dépend de moi. Oui, c'est vous qui pouvez, par deux mots pleins de flamme,
Contre la jaloufie armer toute mon ame; Et des pleines clartés d'un glorieux efpoir, Diffiper les horreurs que ce monftre y fait cheoir. Daignez donc étouffer le doute qui m'accable, Et faites qu'un aveu d'une bouche adorable
Me donne l'affurance au fort de tant d'affauts, Que je ne puis trouver dans le peu que je vaux. D. EL VIRE.
Prince, de vos foupçons la tyrannie eft grande. Au moindre mot qu'il dit, un cœur veut qu'on l'entende;
Et n'aime pas ces feux, dont l'importunité Demande qu'on s'explique avec plus de clarté. Le premier mouvement qui découvre notre ame Doit d'un amant difcret fatisfaire la flamme; Et c'eft à s'en dédire autorifer nos vœux, Que vouloir plus avant pouffer de tels aveux. Je ne dis point quel choix, s'il m'étoit volontaire, Eatre Dom Sylve & vous mon ame pourroit faire;
Mais vouloir vous contraindre à n'être point jaloux, Auroit dit quelque chofe à tout autre que vous; Et je croyois cet ordre un affez doux fangage, Pour n'avoir pas befoin d'en dire davantage. Cependant votre amour n'eft pas encor content; Il demande un aveu qui foit plus éclatant ; Pour l'ôter de fcrupule, il me faut à vous-même, En des termes exprès, dire que je vous aime : Et peut-être qu'encor, pour vous en afsurer, Vous vous obftineriez à m'en faire jurer.
D. GARCIE. Hé bien, Madame, hé bien, je fuis trop téméraire De tout ce qui vous plaît je dois me fatisfaire. Je ne demande point de plus grande clarté. Je crois que vous avez pour moi quelque bonté, Que d'un peu de pitié mon feu vous follicite, Et je me vois heureux plus que je ne mérite. C'en eft fait, je renonce à mes foupçons jaloux, L'arrêt qui les condamne eft un arrêt bien doux, Et je reçois la loi qu'il daigne me prefcrire, Pour affranchir mon cœur de leur injufte empire. D. ELVIRE.
Vous promettez beaucoup, Prince, & je doute fort Si vous pourrez fur vous faire ce grand effort.
Ah! Madame, il fuffit, pour me rendre croyable, Que ce qu'on vous promet doit être inviolable; Et que l'heur d'obéir à fa divinité
Ouvre aux plus grands efforts trop de facilité. Que le ciel me déclare une éternelle guerre, Que je tombe à vos pieds d'un éclat de tonnerre Ou pour périr encor par de plus rudes coups, Puiffai-je voir fur moi fondre votre courroux; Si jamais mon amour defcend à la foibleffe De manquer au devoir d'une telle promeffe; Si jamais dans mon ame aucun jaloux transport Fait.
SCENE I V.
D. ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR, ELISE, UN PAGE préfentant un billet à D. Elvire.
J'En étois en peine, & tu m'obliges fort.
Que le courier attende.
D. ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR, ELISE.
D. ELVIRE bas à part.
Vois-je pas que déjà cet écrit l'inquiéte? Prodigieux effet de fon tempérament !
Qui vous arrête, Prince, au milieu du ferment? D. GARCIE.
J'ai crû que vous aviez quelque fecret ensemble, Et je ne voulois pas l'interrompre.
Il me femble Que vous me répondez d'un ton fort altéré. Je vous vois tout-à-coup le vifage égaré. Ce changement foudain a lieu de me furprendre D'où peut-il provenir, le pourroit-on apprendre?
D'un mal qui tout-à-coup vient d'attaquer mon
Souvent plus qu'on ne croit ces maux ont de rigueur; Et quelque prompt secours vous feroit néceffaire. Mais encor, dites-moi, vous prend-il d'ordinaire ? D. GARCI E.
Ah! Prince foible! Hé bien, par cet écrit Guériffez-le ce mal, il n'eft que dans l'efprit. D. GARCIE.
Par cet écrit, Madame? Ah! Ma main le refufe. Je vois votre pensée, & de quoi l'on m'accufé,
Lifez-le, vous dis-je, & fatisfaites-vous. D. GARCIE.
Pour me traiter après de foible, de jaloux? Non, non, je dois ici vous rendre un témoignage Qu'à mon cœur cet écrit n'a point donné d'ombrage, Et bien que vos bontés m'en laiffent le pouvoir Pour me juftifier je ne veux point le voir, D. ELVIRE.
Si vous vous obftinez à cette résistance, J'aurois tort de vouloir vous faire violence; Et c'eft affez enfin que vous avoir preffé De voir de quelle main ce billet m'est tracé. D. GARCIE.
Ma volonté toujours vous doit être foumife. Si c'eft votre plaifir que pour vous je le life, Je confens volontiers à prendre cet emploi. D. ELVIRE.
Qui, oui, Prince, tenez, vous le lirez pour moi.
C'eft pour vous obéir au moins, & je puis dire... D. ELVIRE.
C'eft ce que vous voudrez, dépêchez-vous de lire, D. GARCIE. Il eft de Done Ignés, à ce que je connoi. D. ELVIRE.
Oui. Je m'en réjouis & pour vous & pour moi, D. GARCIE lit.
Malgré l'effort d'un long mépris Le tyran toujours m'aime, & depuis votre abfence, Vers moi, pour me porter au dessein qu'il a pris, Il femble avoir tourné toute fa violence, Dont il pourfuivoit l'alliance
Ceux qui fur moi peuvent avoir empire, Par de laches motifs qu'un faux honneur inspire, Approuvent tous cet indigne lien;
Mais je mourrai plutôt que de confentir rien. Puiffiez-vous jouir, belle Elvire D'un deftin plus doux que le mien.
Dans la haute vertu fon ame eft affermie.
Je vais faire réponse à cette illuftre amie. Cependant, apprenez, Prince, à vous mieux armer Contre ce qui prend droit de vous trop alarmer. J'ai calmé votre trouble avec cette lumiére, Et la chofe a paffé d'une douce maniére; Mais, à n'en point mentir, il feroit des momens Où je pourrois entrer en d'autres fentimens.
D. GARCIE.
Hé quoi? Vous croyez donc...
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