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Zoon rend grace au dieu qui troubloit son repos :
Il regarde en tremblant cette jeune merveille.
A la fin fole s'éveille,

Surprise et dans l'étonnement,

Elle veut fuir; mais son amant
L'arrête, et lui tient ce langage:

Rare et charmant objet, pourquoi me fuyez-vous?
Je ne suis plus celui qu'on trouvoit si sauvage :
C'est l'effet de vos traits, aussi puissants que doux!
Ils m'ont l'ame et l'esprit et la raison donnée.

Souffrez que, vivant sous vos lois,

J'emploie à vous servir des biens que je vous dois.
Jole, à ce discours, encor plus étonnée,
Rougit, et sans répondre elle court au hameau,
Et raconte à chacun ce miracle nouveau.

Ses

compagnes d'abord s'assemblent autour d'elle :
Zoon suit en triomphe, et chacun applaudit.
Je ne vous dirai point, mes sœurs, tout ce qu'il fit,
Ni ses soins pour plaire à la belle :

Leur hymen se conclut. Un satrape voisin,
Le propre jour de cette fète,

Enlève à Zoon sa conquète.:

On ne soupçonnoit point qu'il eût un tel dessein.
Zoon accourt au bruit, recouvre ce cher gage;
Poursuit le ravisseur, et le joint, et l'engage
En un combat de main à main.

Iole en est le prix aussi bien que le juge.
Le satrape, vaincu, trouve encor du refuge

En la bonté de son rival.

Hélas! cette bonté lui devint inutile;

Il mourut du regret de cet hymen fatal :
Aux plus infortunės la tombe sert d'asile.
Il prit pour héritière, en finissant ses jours,
Tole, qui mouilla de pleurs son mausolée.
Que sert-il d'ètre plaint quand l'ame est envolée ?
Ce satrape eût mieux fait d'oublier ses amours.

La jeune Iris à peine achevoit cette histoire ;
Et ses sœurs avouoient qu'un chemin à la gloire,
C'est l'amour. On fait tout pour se voir estimé :
Est-il quelque chemin plus court pour être aimé?
Quel charme de s'ouïr louer par une bouche

Qui, même sans s'ouvrir, nous enchante et nous touche!
Ainsi disoient ces sœurs. Un orage soudain

Jelte un secret remords dans leur profane sein.
Bacchus entre, et sa cour, confus et long cortége :
Où sont, dit-il, ces sœurs à la main sacrilége?
Que Pallas les défende, et vienne en leur faveur
Opposer son égide à ma juste fureur :
Rien ne m'empêchera de punir leur offense.
Voyez et qu'on se rie après de ma puissance!

Il n'eut pas dit, qu'on vit trois monstres au plancher,

Ailés, noirs et velus, en un coin s'attacher,

On cherche les trois sœurs; on n'en voit nulle trace. Leurs métiers sont brisés; on élève en leur place

Une chapelle au dieu, père du vrai nectar.

Pallas a beau se plaindre, elle a beau prendre part Au destin de ces sœurs par elle protégées;

Quand quelque dieu, voyant ses bontés négligées, Nous fait sentir son ire', un autre n'y peut rien : L'Olympe s'entretient en paix par ce moyen. Profitons, s'il se peut, d'un si fameux exemple. Chômons: c'est faire assez qu'aller de temple en temple Rendre à chaque immortel les vœux qui lui sont dus : Les jours donnés aux dieux ne sont jamais perdus.

'Son courroux. Ce mot, dont l'emploi est fréquent dans Marot et les poètes de ce temps, se conserve encore en poésie dans le style badin.

FIN

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Préface de La Fontaine pour la première édition du premier

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