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pêcheur, attendaient la marée qui montait lentement, à peine effleurée par une brise mourante. Se gonflant près du bord, la lame glissait mollement sur le sable avec un murmure faible et doux.

Quelque temps après on voyait la barque s'éloigner du rivage et s'avancer vers la haute mer, la proue relevée laissant derrière elle un ruban d'écume blanche.

Le vieillard, près du gouvernail, regardait les voiles qui tantôt s'enflaient, tantôt s'affaissaient comme des ailes fatiguées. Son regard alors semblait chercher un signe à l'horizon et dans les nuées stagnantes. Puis, retombant dans ses pensées, on lisait sur son front bruni toute une vie de labeur et de combats sans fléchir jamais.

Le reflux creusait dans la mer calme des vallons où se jouait le pétrel, gracieusement balancé sur les ondes luisantes et plombées. Du haut des airs la mauve s'y plongeait comme une flèche, et sur la pointe noire d'un rocher, le lourd cormoran reposait immobile.

Le moindre accident, un léger souffle, un jet de lumière, variait l'aspect de ces scènes changeantes. Lejeune homme, replié en soi, les voyait comme on voit en songe. Son âme ondoyait et flottait au bruit du sillage, semblable au son monotone et faible dont la nourrice endort l'enfant. Soudain, sortant de sa rêverie, ses yeux s'animent, l'air retentit de sa voix sonore :

«< Au laboureur les champs, au chasseur les bois, au pêcheur la mer et ses flots, et ses récifs et ses orages! >> Le ciel au-dessus de sa tête, l'abîme sous ses pieds, il est libre, il n'a de maître que soi.

>> Comme elle obéit à sa main, comme elle s'élance sur les plaines mobiles, la frêle barque qu'animent les souffles de l'air!

>> Il lutte contre les vagues et les soumet, il lutte contre les vents et les dompte. Qui est fort, qui est grand comme lui?

» Où sont les bornes de ses domaines? Quelqu'un les trouvera-t-il jamais? Partout où s'épanche l'Océan, Dieu lui a dit Va, ceci est à toi.

» Ses filets recueillent au fond des eaux une moisson vivante. Il a des troupeaux innombrables qui s'engraissent pour lui dans les pâturages que recouvrent les mers!

>> Des fleurs violettes, bleues, jaunes, pourprées, éclosent en leur sein, et, pour charmer ses regards, les nuages lui offrent de vastes plages, de beaux lacs azurés, de larges fleuves et des montagnes, et des vallées, et des villes fantastiques, tantôt plongées dans l'ombre, tantôt illuminées de toutes les splendeurs du couchant.

>> Oh! qu'elle m'est douce, la vie du pêcheur! que ses rudes combats et ses mâles joies me plaisent!

» Cependant, ma mère, quand, la nuit, le grain tout à coup ébranle notre cabane, de quelles transes votre cœur est saisi! Comme vos pleurs coulent pour votre fils poussé par le tourbillon dans les ténèbres, vers les écueils où l'on entend les plaintes des trépassés mêlées à la voix de la tempête. >>

LA MENNAIS.
(Le livre du peuple.}

Les matelots.

Sur l'eau bleue et profonde
Nous allons voyageant,
Environnant le monde
D'un sillage d'argent,
Les îles de la Sonde,
De l'Inde au ciel brûlé,
Jusqu'au pôle gelé...

Les petites étoiles

Montrent de leur doigt d'or
De quel côté les voiles
Doivent prendre l'essor;
Sur nos ailes de toiles,
Comme de blancs oiseaux,
Nous effleurons les eaux.

Nous pensons à la terre
Que nous fuyons toujours,

A notre vieille mère,
A nos jeunes amours;
Mais la vague légère.
Avec son doux refrain
Endort notre chagrin.

Le laboureur déchire
Un sol avare et dur;
L'éperon du navire
Ouvre nos champs d'azur;
Et la mer sait produire,
Sans peine ni travail,
La perle et le corail.

Existence sublime!
Bercés par notre nid,
Nous vivons sur l'abîme
Au sein de l'infini;

Des flots rasant la cime,

Dans le grand désert bleu

Nous marchons avec Dieu!

THEOPHILE GAUTIER. (Émaux et Camées. - Charpentier.)

Devant la mer.

Que la brise du ciel est légère et joyeuse!
Comme en silence au loin glissent les blanches voiles !
Que la voix de la mer, grave et religieuse,
Monte tranquillement vers les belles étoiles !

Oh! quand la sombre nuit apparaît et déploie
Les ailes lentement comme un oiseau sauvage,
Moi, mon âme s'éveille, et ma plus grande joie
Est d'écouter rouler les galets sur la plage.

Tout est si beau, mes yeux s'emplissent d'un tel rêve! L'Océan monstrueux me donne le vertige;

La lune, que le flot fait danser et soulève,

Semble une fleur des eaux qui tourne sur sa tige.

MAURICE BOUCHOR.

(Poèmes de l'amour et de la mer.)

NOTICES LITTÉRAIRES

La Chanson de Roland est la plus ancienne et la plus belle parmi nos chansons de gestes, ces épopées nationales de la France du moyen âge. Elle raconte, en quatre mille deux vers, la défaite et la mort de Roland, neveu de Charlemagne, à Roncevaux, dans une gorge des Pyrénées; puis la vengeance que l'empereur tira de ce désastre. L'auteur de la « Chanson de Roland » est ignoré: le plus ancien texte connu fut rédigé vers 1080.

(PETIT DE JULLEVILLE, Morceaux choisis. Masson, éditeur.) Charles d'Orléans (1391-1465), fils de Louis d'Orléans, que Jeansans-Peur assassina, et de Valentine Visconti. Fait prisonnier à la bataille d'Azincourt, en 1415, il resta vingt-cinq aus prisonnier des Anglais et se consola de sa captivité par le culte des Muses.

François Villon (1431-1484 ?) naquit à Paris d'une famille pauvre et obscure. Sa vie fut loin d'être irréprochable et ses méfaits faillirent le mener plus d'une fois à la potence.

Ses poésies, ballades, sonnets, sont écrits dans une langue savoureuse et colorée que l'on retrouve plus tard chez Rabelais.

Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers

(BOILEAU.)

Philippe de Comines (1445-1511) vécut d'abord à la cour de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, puis à celle de Louis XI. Ses admirables Mémoires sont le plus précieux monument que nous ayons sur les règnes de Louis XI et de Charles VIII.

XVI SIÈCLE

Le loyal Serviteur est le pseudonyme pris par Jacques de Mailles, secrétaire de Bayard et archer de sa compagnie, qui, vers 1527, écrivit une Histoire du gentil seigneur de Bayard.

François Rabelais, né vers la fin du xve siècle à Chinon, mort vers 1553 à Paris, tour à tour cordelier, bénédictin, prêtre séculier. médecin d'hôpital à Lyon, médecin d'ambassadeur à Rome, curé de Meudon, traducteur ou éditeur de livres graves, auteur d'un roman

Nouv. lectures littéraires.

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bouffon, fut surtout apprécié de ses contemporains comme érudit, comine médecin, et n'est connu de la postérité que par son Gargantua et son Pantagruel (1533 à 1552), où il a fait la satire de la société humaine en général et de celle du XVIe siècle en particulier, mêlant les considérations les plus graves et les plus profondes à des bouffonneries trop souvent grossières.

(PETIT DE JULLEVILLE, Morceaux choisis. Masson, éditeur). Clément Marot (1497-1544), né à Cahors, eut le mérite de ramener la poésie au bon sens et au naturel dont ses prédécesseurs s'étaient si fort écartés. Il est plein de grâce et d'esprit, surtout dans ses Épitres. On lui doit aussi des rondeaux, des ballades, des épigrammes.

Bonaventure Despériers (1500?-1544) est l'auteur des « Nouvelles Récréations et joyeux devis » recueil de contes écrits dans le goût populaire.

Gilles Corrozet (1510-1568), imprimeur-poète, né à Paris, écrivit des fables et des contes en vers.

Jacques Amyot (1513-1593) naquit à Melun. Il est connu par sa belle et naïve traduction de Plutarque: Vies des hommes illustres. Il devint précepteur des enfants de Henri II, grand aumônier de France, puis évêque d'Auxerre.

Pierre de Ronsard, né près de Vendôme (1524), mort en 1585, fut le chef d'un groupe de poètes qui s'intitula « la Pléiade ». C'est le véritable fondateur de notre poésie classique : il avait voulu créer une langue poétique; mais quoique la source de son inspiration soit le plus souvent antique, son vocabulaire n'en reste pas moins bien français.

Remi Belleau (1528-1577), né à Nogent-le-Rotrou, est l'auteur de pastorales en prose et en vers.

Antoine de Baïf (1532-1589) était fils de l'ambassadeur de France à Venise et naquit dans cette ville. Auteur des Mimes, agréable recueil de fables, de proverbes et de maximes

XVII® SIÈCLE

François de Malherbe (1555-1628), poète lyrique français, est né à Caen. Il s'attacha à purifier la langue de tous les éléments étrangers, à rendre la versification plus sévère et plus correcte. Boileau a dit :

Enfin Malherbe vint, et le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir

Et réduisit la muse aux règles du devoir.

Mathurin Régnier (1573-1613), poète satirique, est né à Chartres. « C'est un très grand poète, mais inégal; ses vers sont aussi abondants en beautés qu'en négligences. »

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