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La sixième : « Qu'on est à l'aise
Au Caire, en haut des minarets!
J'empâte un ornement de glaise,
Et mes quartiers d'hiver sont prêts. »>

« A la seconde cataracte,
Fait la dernière, j'ai mon nid;
J'en ai noté la place exacte,

Dans le pschent' d'un roi de granit. »

Toutes « Demain, combien de lieues
Auront filé sous notre essaim,

Flaines brunes, pics blancs, mers bleues
Brodant d'écume leur bassin! >>

Avec cris et battements d'ailes,
Sur la moulure, aux bords étroits,
Ainsi jasent les hirondelles,
Voyant venir la rouille aux bois.

Je comprends tout ce qu'elles disent,
Car le poète est un oiseau ;
Mais, captif, ses élans se brisent
Contre un invisible réseau !

Des ailes! des ailes! des ailes!

Comme dans le chant de Ruckert ;
Pour voler là-bas avec elles,

Au soleil d'or, au printemps vert!

TH. GAUTIER.

(Émaux et camées. - Charpentier.)

1. Coiffure en forme de mitre des divinités égyptiennes. 2. Poète allemand (1789-1866). « Des ailes! des ailes ! pour voler par montagne et par vallée ! Des ailes pour bercer mon cœur sur le rayon de l'aurore! - Des ailes pour planer sur la mer

dans la pourpre du matin! ailes par delà la mort ! »

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Le retour.

Là-bas, au lointain, nous voyons le troupeau s'avancer dans une gloire de poussière. Toute la route semble marcher avec lui. Les vieux béliers viennent d'abord, la corne en avant, l'air sauvage; derrière eux, le gros des moutons, les mères un peu lasses, leurs nourrissons dans les pattes; les mules à pompons rouges portant dans des paniers les agnelets d'un jour, qu'elles bercent en marchant; puis les chiens tout suants, avec des langues jusqu'à terre, et deux grands coquins de bergers drapés dans les manteaux de cadis1 roux, qui leur tombent sur les talons comme des chapes.

Tout cela défile devant nous joyeusement et s'engouffre sous le portail, en piétinant avec un bruit d'averse..... Il faut voir quel émoi dans la maison. Du haut de leurs perchoirs, les gros paons vert et or, à crêtes de tulle, ont reconnu les arrivants et les accueillent par un formidable coup de trompette. Le poulailler, qui s'endormait, se réveille en sursaut. Tout le monde est sur pied, pigeons, canards, dindons, pintades. La basse-cour est comme folle; les poules parlent de passer la nuit!... On dirait que chaque mouton a rapporté dans sa laine,avec un parfum d'Alpe sauvage, un peu de cet air vif des montagnes, qui grise et qui fait danser.

C'est au milieu de tout ce train que le troupeau gagne son gîte. Rien de charmant comme cette installation. Les vieux béliers s'attendrissent en regardant leur crèche. Les agneaux, les tout petits, ceux qui sont nés dans le voyage et n'ont jamais vu la ferme, regardent autour d'eux avec étonnement. Mais le plus touchant encore, ce sont les chiens, ces braves chiens de bergers, tout affairés après leurs bêtes et ne voyant qu'elles dans le mas 2. Le chien de garde a beau les appeler du fond de sa niche; le seau du puits, tout plein d'eau fraîche, a

1. Étoffe de laine à grains.

2. Ferme dans le Midi.

beau leur faire signe; ils ne veulent rien voir, rien. entendre, avant que le bétail soit rentré, le gros loquet poussé sur la petite porte à claire-voie, et les bergers attablés dans la salle basse. Alors seulement, ils consentent à gagner le chenil, et là, tout en lapant leur écuellée de soupe, ils racontent à leurs camarades de la ferme ce qu'ils ont fait là-haut dans la montagne, un pays noir où il y a des loups et de grandes digitales de pourpre pleines de rosée jusqu'au bord.

(Lettres de mon moulin.

A. DAUDET.
Hetzel, édit.)

Jour de novembre.

Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon;
Voilà le vent qui s'élève
Et gémit dans le vallon;
Voilà l'errante hirondelle
Qui rase du bout de l'aile
L'eau dormante des marais;
Voilà l'enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.

L'onde n'a plus le murmure
Dont elle enchantait les bois;
Sous des rameaux sans verdure
Les oiseaux n'ont plus de voix.
Le soir est près de l'aurore;
L'astre à peine vient d'éclore,
Qu'il va terminer son tour :
Il jette par intervalle

Une lueur, clarté pâle
Qu'on appelle encore un jour.

La brebis sur les collines

Ne trouve plus le gazon;

Son agneau laisse aux épines
Les débris de sa toison.

La flûte aux accords champêtres
Ne réjouit plus les hêtres
Des airs de joie ou d'amours.

Toute herbe aux champs est glanée:

Ainsi finit une année,

Ainsi finissent nos jours!

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L'ours est une bête grave, toute montagnarde, curieuse à voir dans sa houppelande grisâtre ou jaunâtre de poils feutrés. Il semble formé pour son domicile et son domicile pour lui. Sa grosse fourrure est un excellent manteau contre la neige. Les montagnards la jugent si bonne, qu'ils la lui empruntent le plus souvent qu'ils peuvent, et il la juge si bonne, qu'il la défend contre eux le mieux qu'il peut. Il aime à vivre seul, et les gorges des hauteurs sont aussi désertes qu'il le souhaite. Les arbres creux lui

fournissent une maison toute prête; comme ce sont pour la plupart des hêtres et des chênes, il y trouve à la fois le vivre et le couvert. Du reste, brave, prudent, robuste, c'est un animal estimable; ses seuls défauts sont de manger ses petits, quand il les rencontre, et de mal danser.

Pour le chasser, on s'embusque et on le tire au passage. Dernièrement, dans une battue, on dépista une femelle superbe. Quand les premiers chasseurs, gens novices, virent briller ces petits yeux féroces, et qu'ils aperçurent la masse noire qui descendait à grandes enjambées, froissant les taillis, ils oublièrent tout d'un coup qu'ils avaient des fusils et se tinrent cois derrière leur chêne. Cent pas plus loin un brave fit feu. L'ours, qui n'était pas touché, arrive au galop. L'homme de lâcher son fusil et de glisser dans une fondrière. Arrivé au fond, il se tâtait les membres et se trouvait sauf par miracle, lorsqu'il vit l'animal arrêté au-dessus de sa tête, occupé à examiner la pente, et appuyant le pied sur les pierres pour voir si elles étaient solides. Il flairait çà et là, et regardait l'homme avec l'intention manifeste de lui rendre visite. La fondrière était un puits; s'il arrivait au fond, il fallait se résigner au tête-à-tête. Pendant que l'homme faisait cette réflexion et songeait aux dents de la bête, l'ours se mit à descendre avec infiniment de précaution et d'adresse, ménageant sa précieuse personne, s'accrochant aux racines, lentement, mais sans jamais trébucher. Il approchait, quand les chasseurs arrivèrent et le tuèrent à coups de balles.

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Le désert est muet, vaste et nu.

L'œil ne voit sous les cieux que l'espace sans borne.

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