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l'attache que pour vous.Oui,je vous donne ma parole que vous m'allez voir defcrmais la meilleure femme du monde,& que je vous témoignerai tant ne d'amitié, tant d'amitié, que vous en ferez fatisfait. GEORGE DANDIN.

Ah crocodile, qui flate les gens pour les étran

gler!

ANGELIQUE.

Accordez-moi cette faveur.

GEORGE DANDIN.

Point d'affaires, je fuis inexorable.

ANGELIQUE.

Montrez-vous genereux.

GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE.

Non.

De grace.

GEORGE DANDIN.

Point.

ANGELIQUE.

Je vous en conjure de tout mon cœur.

GEORGE DANDIN.

Non, non,non ; je veux qu'on foit détrompé de & que vôtre confufion éclate.

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ANGELIQUE.

Et bien, fi vous me reduifez au defefpoir, je Vous avertis qu'une femme en cet état eft capable de tout, & que je ferai quelque chofe ici dont Vous vous repentirez.

GEORGE DANDIN.

Et que ferez-vous, s'il vous plaît ?

ANGELIQUE.

Mon cœur fe portera jufqu'aux extrêmes refoJutions, & de ce couteau que voici je me tuerai fur la place.

GEORGE DANDIN.

Ah, ah! à la bonne heure.

ANGELIQUE.

Pas tant à la bonne heure pour vous que vous vous imaginez. On fait de tous côtez nos differends, & les chagrins perpetuels que vous concevez contre moi. Lorfqu'on me trouvera morte, il n'y aura

per

perfonne qui mette en doute que ce nefoit vous qui m'aurez tuée;& mes parens ne font pas gens affûrément à laiffer cette mort impunie,& ils en feront fur vôtre perfonne toute la punition que leur pourront offrir, & les pourfuites de la juftic,& la cha-leur de leur reffentiment. C'eft par là que je trouverai moyen de me vanger de vous,& je ne fuis pas la premiere qui ait fu recourir à de pareilles vangeances, qui n'ait pas fait difficulté de fedonner la mort, pour perdre ceux qui ont la cruauté de nous pouffer à la derniere eutremité.

GEORGE DANDIN.

Jefuis vôtre valet. On ne s'avife plus de fe tuer foimeme, & la mode en eft paffée ily along temps. ANGELIQUE.

C'eft une chofe dont vous pouvez vous tenir fûr, & fi vous perfiftez dans vôtre refus, fi vous ne me faites ouvrir, je vous jure que tout à l'heure je vais vous faire voir jufques où peut aller la réfolution d'une perfonne qu'on met au defefpoir.

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GEORGE DANDIN.

Bagatelles, bagatelles. C'eft pour me faire peur.
ANGELIQUE,

Hé bien,puis qu'il le faut,voici qui nous contentera tous deux, & montrera fi je me moque. Ah! c'en eft fait. Faffe le Ciel que ma mort foit vangée comme je le fouhaite,& que celui qui en eft caufe,reçoive un jufte châtiment de la dureté qu'il a eue pour moi ! GEORGE DANDIN.

Ouais! feroit-elle bien fi malicieufe que de s'être tuée pour me faire pendre? Prenons un bout de chandelle pour aller voir.

ANGELIQUE.

A St. Paix. Rangeons-nous chacune immediatement contre un des côtez de la porte.

GEORGE DANDIN.

La méchanceté d'une femme iroit-elle bien jufques là ?

Il fort avec rn bont de chandelle fans les appercevoir, elles entrent, & auffi-tôt elles ferment la porte.

Il n'y a perfonne. Eh !je m'en étois bien douté,& la pendarde s'eft retirée, voyant qu'elle ne gagnoit

rien auprès de moi,ni par prieres ni par menaces. Tant mieux,cela rendra fes affaires encore plus mauvaifes, & le pere & la mere qui vont venir en verront mieux fon crime. Ah, ah! la porte s'eft fermée. Hola ho, quelqu'un. Qu'on m'ouvre promptement. ANGELIQUE.

A la fenêtre avec Claudine.

Comment! c'eft toi? d'où viens-tu, bon pendard? eft-il heure de revenir chez foi, quand le jour eft prêt de paroître & cette maniere de vie eft-elle celque doit fuivre un honnête mari?

le

CLAUDINE.

Cela eft-il beau d'aller yvrogner toute la nuit & de laiffer ainfi toute feule une pauvre jeune femme dans la maifon ?

GEORGE DANDIN.

Comment vous avez....

ANGELIQUE.

Va va, traître, je fuis laffe de tes déportemens,& je veux m'en plaindre fans plus tarder à mon pere &

à ma mere.

GEORGE DANDIN.

Quoi, c'est ainsi que vous ofez....

SCENE VII.

Mr. & Me. DE SOTENVILLE, COLIN, CLAUDINE, ANGELIQUE, GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE.

Mr. & Me.de Sotenville font en des habits de nuit, conduits par Colin, qui porte une lanterne.

Approchez de grace,& venez me faire raifon de

l'infolence la plus grande du monde,d'un mari

qui le vin & la jaloufie ont troublé de telle forte la cervelle,qu'il ne fait plus ni ce qu'il dit,ni ce qu'il fait, & vous a lui-même envoyé querir pour vous faire témoins de l'extravagance la plus étrange dont on ait jamais ouï parler. Le voilà qui revient comme vous voyez, après s'être fait attendre toute la nuit, & fi vous voulez l'écouter, il vous dira qu'il a les plus grandes plaintes du monde à vous faire de moi;

Tom. III.

Ccc

moi; que durant qu'il dormoit je me suis dérobée d'auprès de lui pour m'en aller courir, & cent autres contes de même nature qu'il est allé rêver. GEORGE DANDIN.

Voilà une méchante carogne!

CLAUDIN E.

Oui,il nous a voulu faire accroire qu'il étoit dans la maison, & que nous étions dehors; & c'est une folie qu'il n'y a pas moyen de lui ôter de la tête. Mr. DE SOTENVILLE.

Comment, qu'eft ce à dire cela ?

Me. DE SOTENVILLE. Voilà une furieuse impudence que de nous envoyer querir.

GEORGE DANDIN,

Jamais...

ANGELIQUE.

Non, mon pere, je ne puis pas fouffrir un mari de la forte,ma patience eft pouffée à bout,& il vient de me dire cent paroles injurieufes.

Mr DE SOTENVILLE.

Corbleu vous êtes un mal-honnête homme.
CLAUDINE.

C'eft une confcience de voir une pauvre jeune femme traitée de la façon, & cela crie vengeance au Ciel.

GEORGE DANDIN.

Peut-on?....

Me. DE SOTENVILLE.

Allez, vous devriez mourir de honte.

GEORGE DANDIN.

Laiffez-moi vous dire deux mots.

ANGELIQUE.

Vous n'avez qu'à l'écouter,il va vous en conter

de belles.

GEORGE DANDIN.

Je l'efpere.

CLAUDINE.

Il a tant bû, que je ne pense pas qu'on puiffe durer contre lui; & l'odeur du vin qu'il fouffle eft monée jufqu'à nous.

GEOR

GEORGE DANDIN.

Monfieur mon beau-pere, je vous conjure....
Mr. DE SOTENVILLE.
Retirez-vous, vous puez le vin à pleine bouche.
GEORGE DANDIN.

Madame, je vous prie....

Me. DE SOTENVILLE.

Fi, ne m'approchez pas, vôtre haleine est em

peftée.

GEORGE DANDIN

Souffrez que je vous...

Mr. DE SOTENVILLE. Retirez-vous, vous dis-je,on ne peut vous foufrir. GEORGE DANDIN.

Permettez, de grace, que....

Me. DE SOTENVILLE.

Pouas, vous m'engloutiffez le cœur; parlez de loin, fi vous voulez.

GEORGE DANDIN.

Hé bien oui, je parle de loin. Je vous jure que je n'ai bougé de chez moi, & que c'eft elle qui eft fortie.

ANGELIQUE.

Ne voilà pas ce que je vous ai dit?

CLAUDINE.

Vous voyez quelle apparence il y a.
Mr. DE SOTENVILLE.

Allez, vous vous moquez des gens. Defcendez, ma fille, & venez ici.

GEORGE DANDIN. J'attefte le Ciel que j'étois dans la maison, &

que...

Me. DE SOTENVILLE. Taifez-vous, c'est une extravagance qui n'eft pas fupportable.

GEORGE DANDIN.

Que la foudre m'écrafe tout à l'heure, fi...
Mr. DE SOTENVILLE.

Ne nous rompez pas davantage la tête, & fongez à demander pardon à vôtre femme.

GEORGE DANDIN.

Moi demander pardon?

Ccc 2

Mr.

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