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les vifages étaient confternés; plufieurs pleuraient, mais ils bornaient à leurs infames larmes les expreffions du fentiment qu'ils donnaient aux malheurs inouis du plus vertueux des 66 Rois qui ont gouverné la France.

Le trajet du Temple à la place de Louis XV, dura deux heures. Le Roi, pendant ce tems, récitait dans un livre les prieres des agonifans, & parlait à fon confeffeur. Arrivé dans la place, où l'échaffaud était dreffé à côté de l'emplacement où était encore le 10 Août la ftatue de fon grand-pere fon prédéceffeur, comme fes prieres n'étaient pas finies, il les acheva tranquillement, defcendit de voiture d'un air calme, ôta lui-même fa redingotte, & refta en gillet blanc; il defit fa cravate, ouvrit la chemife, de maniere qu'il avait le col & les épaules découvertes, & fe mettant enfuite à genoux pour recevoir la derniere bénédiction de fon confeffeur, il fe releve auffi-tôt, & monte tout feul fur l'échaffaud. Ce fut dans ce moment horrible que fon confeffeur, transporté de fon courage & de fes vertus, fe jetta à genoux, les bras & les yeux élevés vers lui, en criant d'une voix forte Fils de Saint-Louis, montes au Ciel. Quand le Roi fut fur l'échaffaud, il dit qu'il vou lait parler au peuple. Les trois hommes qui devaient l'exécuter (car les bourreaux même avaient refufé leur miniftere) ces hommes, dis-je, lui annonçaient qu'il fallait auparavant lui lier les mains & couper fes cheveux. Me lier les mains dit le Roi avec une efpece de calere, puis fe réprenant tout-à-coup, faites ce que vous voudrez, c'est le dernier sacrifice. Quand les mains furent liées & fes cheveux coupés, il dit: Au moins:, j'espere que je pourrai parler à présent; & fe portant tout-à-coup fur la gauche du fatal billot, il or donne d'un ton ferme & élevé aux tambours de

faire filence. Un refte de refpect fit exécuter fut le champ fes derniers ordres, & le Roi profitant de ce moment de calme: Je meurs, dit-il, bien innocent de tous les prétendus crimes que l'on m'impute; je pardonne mes malheurs à ceux qui en sont la cause, je desire même que mon sang puisse être utile au bonheur de la France, et vous, peuple infortuné........ Santerre alors qui commandait la garde, fit figne aux tambours de couvrir fa voix, & crie au Roi qu'il ne l'avait pas mené dans ce lieu pour y parler, mais pour y mourir. Les trois monftres chargés du crime le traînerent à la fatale machine, & la tête fut à l'inftant féparée de fon corps. Un des trois bourreaux la prit alors, & la montra au peuple, qui fit entendre des cris de vive la nation, vive la république. Des témoins ocu→ laires affurent que M. le Duc d'Orléans, & M. le Duc de Chartres ont affifté à l'exécution. Ce qu'il y a de fûr, c'est que cette infamie de plus n'ajoute rien à l'horreur qu'ils infpirent. Le corps du malheureux Monarque a été enfeveli dans le cimetiere de la Magdelaine, entre les Suiffes tués le 10 Août dernier, & les gens écrasés par la foule aux fêtes de fon mariage en 1770. On a jetté de la chaux vive fur fon corps pour le confommer plus vite. L'affemblée avait défendu par un décret, qu'aucun citoyen ne fut ni dans les rues, ni même aux fenêtres des maifons, pendant tout le tems de la marche & de l'exécution. La place du fupplice n'était même remplie que des gens à piques & de la canaille la plus vile.

Pendant la translation du Roi, du Temple au lieu du fupplice, le cortege a toujours été suivi de deux hommes armés, entrant dans tous les cafés & lieux publics (où tous le monde fondait en Jarmes) & demandant à grands cris, s'il était encore des fujets fideles qui vouluffent mourir pour

leur Roi. La terreur des efprits était telle que perfonne ne s'eft joint à eux, & qu'ils font arrivés tous deux, feuls de leur bande, au lieu du fupplice où ils fe font dérobés dans la foule. Il eft très-fûr aujourd'hui, que des gens timides, mais bien intentionnés pour le Roi, avaient formé une affociation de dix-huit cent perfonnes qui devaient crier grace avant le fupplice. De ces dix-huit cent lâches, un feul a ofé faire fon devoir, & a été fur le champ déchiré par le peuple. Heureux homme, qui eft mort pour fon Roi, & n'a plus à pleurer la honte de fa patrie!

TESTAMENT DE LOUIS XVI, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE.

Au nom de la Très-Sainte Trinité, du Pere et du

Fils et du Saint-Esprit. Aujourd'hui 25me jour de Décembre 1792, moi Louis XVI du nom, Roi de de France, étant depuis plus de quatre mois, renfermé avec ma famille dans la tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même, depuis le onze du courant, avec ma famille; de plus impliqué dans un procès, dont il est impossible de prévoir l'issue, à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyens dans aucune loi existante; n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m'adresser, je déclare ici en sa présence mes dernieres volontés et mes sentimens.

Je laisse mon ame à Dieu, mon créateur; je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de notre Seigneur J. C., qui s'est offert en sacrifice à Dieu son Pere, pour nous autres hommes, quelqu'indignes que nous en fussions, et moi le premier.

Je meurs dans l'union de notre Sainte Mere l'E glise Catholique, Apostolique et Romaine, qui tient ses pouvoirs, par une succession non interrompue, de St. Pierre, auquel J. G. les avait confiés.

Je crois fermement, et je confesse tout ce qui est contenu dans le simbole et les commandemens de Dieu et de l'Eglise, les sacremens et les mysteres, tels que l'Eglise Catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n'ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manieres d'expliquer les dogmes, qui déchirent l'Eglise de J. C.; mais je m'en suis rapporté, et rapporterai toujours, si Dieu m'accorde vie, aux décisions que les supérieurs ecclésiastiques, unis à la sainte Eglise Catholique,' donnent et donneront, conformément à la discipline de l'église, suivie depuis J. C.

Je plains de tout mon cœur nos freres, qui peuvent être dans l'erreur: mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en J. G., suivant ce que la charité chrétienne nous enseigne. Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés, j'ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester et à m'humilier en sa présence. Ne pouvant me servir du Ministere d'un Prêtre Catholique, je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, et sur-tout le repentir profond que j'ai d'avoir mis mon nom (quoique cela fut contre ma volonté ) à des actes qui peuvent être contraires à la disci pline et à la croyance de l'Eglise Catholique, à laquelle je suis toujours resté sincerement uni de cœur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s'il m'accorde vie, de me servir, aussi-tôt que je le pourrai, du Ministere d'un Prêtre Catholique, pour m'accuser de tous mes péchés, et recevoir le sacrement de pénitence.

Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertence (car je ne me rappelle pas d'avoir fait sciemment aucune offense à personne,) ou ceux à qui j'aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal que je peux leur avoir fait, je prie tous ceux qui ont de la charité, d'unir leurs prieres aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.

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Je pardonne, de tout mon cœur, à ceux qui sé Bont faits mes ennemis, sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même qu'à ceux qui, par un faux zele, ou par un zele mal-entendu, m'ont fait beaucoup de mal.

ou

Je recommande à Dieu, ma femme et mes enfans, ma sœur et mes tantes, mes freres, et tous ceux qui me sont attachés par le lien du sang, par quelqu'autre maniere que ce puisse être; je prie Dieu, particulierement, de jetter des yeux de miséricorde, sur ma femme, mes enfans et ma sœur, qui souffrent depuis long-tems avec moi; de les soutenir par sa grace, s'ils viennent à me perdre, et tant qu'ils resteront dans ce monde périssable.

Je recommande mes enfans à ma femme; je n'ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux; je lui recommande sur-tout d'en faire de bons chrétiens et d'honnêtes hommes, de ne leur faire regarder les grandeurs de ce monde - ci, ( s'ils sont condamnés à les éprouver, ) que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l'éternité; je prie ma sœur de vouloir continuer sa tendresse à mes enfans, et de leur tenir lieu de mere, s'ils avaient le malheur de perdre la leur.

Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu'elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union; comme elle peut être sure que je ne garde rien contre elle, si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.

Je recommande bien vivement à mes enfans, après ce qu'ils doivent à Dieu, qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entr'eux, soumis et obéissans à leur mere, et reconnaissans de tous. les soins, et les peines qu'elle se donne pour eux et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma sœur comme une seconde mere.

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Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu'il se doit tou: entier au bonheur de ses concitoyens, qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément ce qui à rapport aux malheurs et aux chagrins que j'é

prouve;

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