cette raison je vous laisserai en repos. Les rives de la mer Méditerranée ne sont pas si désértes ni si stériles que l'on n'y puisse trouver quelque chose à l'usage de Paris. La tempête amène quelquefois sur ses bords des gens qui savent parler français, et qui n'ont rien de la rudesse du pays. Il se trouve ici des pèlerins de toutes les parties du monde, et, par conséquent, je ne manquerai pas de matière à vous écrire. Je pourrais même dire que j'aurais de quoi vous faire d'agréables présents, si vous étiez d'humeur à en recevoir. Mais quoique je sache bien que vous aimez mieux en faire que d'en accepter, je veux toutefois vous en offrir un aujourd'hui. Mais auparavant que je vous die ce que je vous envoie, je vous supplie d'essayer de deviner; et pour aider même à votre imagination, je vous dirai que ce ne sont ni des oranges, ni des citrons, ni des olives, ni des figues, ni des raisins, ni de l'eau de fleur de jasmin, ni des branches de corail, ni des tapis de Turquie, ni des étoffes de la Chine, ni des perles, ni des émeraudes, ni des diamants, mais quelque chose de plus rare en ce pays-ci que tout ce que je viens de dire. Et pour vous expliquer cette énigme ce sont des vers de M. Boissat l'Esprit, qu'il a faits ici en revenant de la Sainte-Baume. Je vous proteste, Made moiselle, que depuis plus de quatre siècles l'on n'a vu de semblable marchandise sur le port de Marseille; aussi est-ce pour cela que je l'envoie à Paris. Vous en ferez part à M. Chapelain, et comme votre ami, et comme le mien, et comme celui de M. de Boissat. Je ne vous dis point ce que j'en pense, car je ne m'y connais plus du tout; il me suffit de savoir que ce sonnet est d'une personne de beaucoup d'esprit et de beaucoup de dévotion présentement, pour croire qu'il est digne de vous, et que du moins par là ma lettre ne vous ennuiera pas. A M. CONRART SUR UN CACHET QU'IL DONNA A L'AUTEUR Pour mériter un cachet si joli, Mais comme je n'en sais point faire, Que je n'ai rien qu'il faille taire, Ni qui mérite aucun mystère, Il faut vous dire seulement Que vous donnez si galamment, Qu'on ne se peut défendre De vous donner son cœur ou de le laisser prendre. LA TUBÉREUSE A CÉLIE, LE JOUR DE SA FÊTE Angélique, ou Célie, ou toutes deux ensemble, Et de cent autres fleurs, qui naissent tour à tour, Et du plus beau jasmin le lustre délicat. Je surpasse en odeur et la jonquille et l'ambre, Et les plus grands des rois me souffrent dans leur chambre. Par l'avis de Sapho, je demande vos chants, Si chéris des neuf Sœurs, si doux et si touchants, En voyant ces ceillets qu'un illustre guerrier Arrosa d'une main qui gagua des batailles, Souviens-toi qu'Apollon bàtissait des murailles, Et ne t'étonne pas si Mars est jardinier. |