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Madame de Simiane.

Pauline de Grignan (Mme de Simiane. — 16741737), petite-fille de Mme de Sévigné, doit surtout sa réputation aux éloges que lui a prodigués son aïeule. Les lettres qu'elle a écrites, dans sa vieillesse, nous la montrent comme une personne d'un esprit solide plutôt que brillant. Elle vécut en Provence et elle réunissait chez elle tout ce que les villes d'Aix et de Marseille avaient d'hommes distingués. Elle rassembla et publia, avec l'aide du chevalier de Perrin, les lettres de Mme de Sévigné.

A MONSIEUR D'HÉRICOURT

30 novembre 1732.

Que vous dirais-je de notre cher Ligondès, sinon que nous l'aimons tendrement, que nous le regrettons au delà de toute expression, et que je n'ai d'autre consolation en le perdant que de penser que vous le connaîtrez bien, que vous l'aimerez à proportion, et que vous trouverez en lui tout ce que vous cherchez dans un ami sincère, sage et fidèle? L'âge ne fait rien

à l'affaire; ses bonnes qualités ont soixante ans ; il vous consolera de vos peines et de l'ingratitude des faux amis. Les attachemens sont la source de toutes les miennes : c'est une expérience que je fais depuis que je suis au monde, et il y a longtemps. J'ai passé par toutes sortes de peines, d'indigences, de tribulations: tout m'a secouée; mais rien ne m'a abattue, que ce qui a attaqué mon cœur du côté de l'amitié. Ménagez donc ma sensibilité, monsieur; et puisque je vous aime, aimez-moi un peu avec tous mes défauts, mon sauvage, ma retraite, mon divorce avec le monde ; que tout cela ne vous rebute point; gardez-moi pour les momens où le goût de la solitude et des réflexions vous prendra : ne serai-je pas bien flattée de vous voir venir à moi quand vous voudrez être à vous? J'avais dans ma jeunesse une amie du premier ordre pour la sagesse, le bon conseil, le bon esprit, la vertu, et je ne la voyais presque jamais, parce que j'étais toujours comme les gens ivres, mais dès que mon ivresse passait un peu, ou qu'il m'arrivait quelque encombre, je courais à elle; elle en badinait, et me savait très bon gré de mes retours, dont elle connaissait tout le prix.

Ayez la bonté de ne pas croire que je veuille faire de comparaison: à Dieu ne plaise! Je n'ai

de tout cela que la solitude. Avez-vous fini toutes vos adjudications?

J'oublie avec vous, monsieur, que j'ai fort mal aux yeux. Adieu donc, monsieur, jusqu'au retour de ma vue. Mais qu'est devenu votre voyage d'Aix? Venez nous voir.

Duchesse du Maine.

Louise-Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine, petite-fille du grand Condé (1692-1753), se créa, à Sceaux, une sorte de cour, à l'imitation de celle de Chantilly, et s'y entoura de beaux-esprits. Elle laissa le soin d'organiser les fêtes galantes à M. de Malezieu et elle se plut à faire assaut de conversations précieuses et de petits vers avec ses invités. Elle se mêla un moment et sans succès à la politique, pendant la Régence, mais elle revint vite à la vie élégante. L'esprit précieux régnait à la cour de Sceaux, et l'on s'y complaisait au langage fade de la galanterie. Me de Launay disait de la duchesse du Maine que c'était un enfant de beaucoup d'esprit et qu'elle en avait les défauts et les agréments.

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¿Paris Chee Craspy Ruefaq. devanila batte de la Pofbe.

D'après la gravure de Crespy.

de votre façon, et moi je soutiens que j'en aurai : nous verrons qui aura raison de nous deux. Vos excuses sont pleines d'esprit, mais elles ne me convainquent pas. Quand j'approuverais vos

vers, dites-vous, ce ne serait pas tout à fait votre compte; mais savez-vous si je ne ferais que les approuver, et s'ils ne produiraient pas encore plus d'effet que votre prose ? Vous prétendez que l'expression est trop gênée par la mesure et par la rime; ne dirait-on pas que vous n'avez jamais exprimé des sentimens de cette façon ? Vos ouvrages vous donnent le démenti. Vous ajoutez que vous ne voulez pas qu'on puisse dire: Ce ne sont là que des vers, et peut-être le cœur n'y a-t-il point de part. Mais vous n'ignorez pas que lorsqu'on voit dans vos pièces les sentimens d'honneur et de générosité si bien exprimés, tout le monde s'écrie que pour les rendre aussi parfaitement il faut les sentir. Si vous dites qu'un certain respect est plus difficile à exprimer que le reste, je vous opposerai contre vos propres vers et j'appellerai en témoignage encore contre vous les héros de vos tragédies. Mais venons à votre dernière raison que vous croyez triomphante. Vous dites que lorsque vous écrivez vous ne voulez penser qu'à moi, et que si vous faisiez des faudrait penser à l'ouvrage. Je réponds à cela: Ne pensez qu'à moi, mais pensez-y vivement, et les vers viendront d'eux-mêmes, du moins si votre respect est tel que vous le dites. J'en doute encore et je veux vous mettre à l'épreuve ;

vers,

il

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