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Paris chez Odieuvre Md'Estampes rue d'Anique entrant par larue d'Auphine la derniere P. Cochera

le tissu sera si faible, qu'il n'y aura rien de plus languissant. Et que peut-on imaginer qui soit au-dessous d'une poésie languissante et froide, puisque même tout y est insupportable, s'il n'est excellent? Je pourrais rendre cela très sensible par des exemples; mais ces exemples sont publics, et chacun peut se convaincre soimême de cette vérité. Oui, je ne crains pas de le dire, et je pourrais le prouver les poètes traduits en vers cessent d'être poètes.

Virgile disait « qu'il aurait été plus aisé d'arracher à Hercule sa massue que de dérober un vers à Homère par l'imitation. » Si Virgile trouvait cela si difficile en sa langue, nous devons le trouver impossible dans la nôtre. Je souhaite de me tromper : quand on me fera voir une bonne traduction d'Homère en vers, je la verrai avec un grand plaisir, et je serai la première à applaudir à cette merveille mais je doute qu'un poète qui aura bien lu l'original et bien senti toute sa beauté et toute sa force, ose la hasarder.

SUR LA MORT DE MADEMOISELLE DACIER

...

Après avoir fini cette préface, je me prépa rais à reprendre l'Odyssée, et à la mettre en

état de suivre l'Iliade de près; mais frappée d'un coup funeste qui m'accable, je ne puis rien promettre de moi; je n'ai plus de force que pour me plaindre. Qu'il soit permis à une mère affligée de se livrer un moment ici à sa douleur. Je sais bien que je ne dois pas exiger qu'on ait pour moi la même complaisance qu'on a eue pour de grands hommes anciens et modernes, qui, dans la même situation où je me trouve, se sont plaints de leurs malheurs. Mais j'espère que l'humanité seule portera le public à ne pas refuser à ma faiblesse ce qu'on a accordé à leur mérite; jamais on ne s'est plaint dans une plus juste cause. Il nous restait une fille très aimable, qui était toute notre consolation, qui avait parfaitement répondu à nos soins et rempli nos vœux, qui était ornée de toutes les vertus, et qui par la vivacité, l'étendue et la solidité de son esprit, et par les talents les plus agréables, rendait délicieux tous les moments de notre vie la mort vient de nous la ravir. Dieu n'a pas voulu continuer jusqu'à la fin de nos jours une félicité si grande. J'ai perdu une amie et une compagne fidèle; nous n'avions jamais été séparées un seul moment depuis son enfance. Quelles lectures! Quels entretiens! Quels amusements! Elle entrait dans toutes mes occupations; elle me dé

terminait souvent dans mes doutes; souvent même elle m'éclairait par des traits qu'un sentiment vif et délicat laissait échapper. Tout cela s'est évanoui comme un songe : à ce commerce si plein de charmes succèdent la solitude et l'horreur. Tout se convertit pour nous en amertume; les lettres mêmes, accoutumées à calmer les plus grandes afflictions, ne font qu'augmenter la nôtre par les cruels souvenirs qu'elles réveillent en nous. Il ne m'est donc pas possible de me mettre si promptement à un ouvrage qui est devenu si triste; il faut attendre qu'il ait plu à Dieu de me donner la force de surmonter ma douleur, et de m'accoutumer à une privation si cruelle.

LETTRES CHOISIES

DU XVIIIE SIÈCLE

L'amour des lettres ne fut jamais plus vif qu'au XVIIIe siècle. Si on ne les cultiva pas, en plus d'un genre, avec autant de succès que dans l'àge précédent, on les aima peut-être mieux. Les femmes surtout s'appliquèrent à les mettre en honneur, et l'on revit, avec plus de goût, de naturel et de simplicité, ce qu'on avait vu à l'Hôtel de Rambouillet, les gens du monde, les hommes politiques et les écrivains réunis dans les mêmes salons et pour le seul plaisir de causer. Les femmes qui présidèrent à ces réunions ne sont pas également célèbres. Plusieurs d'entre elles n'ont point écrit, d'autres ne sont plus connues que par des lettres où se retrouvent l'esprit sensé, le style clair, et tous les agréments de ce siècle poli. Il serait trop long de consacrer ici toute une étude à chacune de ces femmes, nous nous contenterons de donner quelques détails biographiques sur celles dont nous reproduisons quelques lettres.

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