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cats, qui se disputent la gloire des excès, et qui se font un jeu de déshonorer les familles, de séduire les femmes, et de les décrier.

Evitez avec une égale horreur tous ces vieux libertins, qui, déjà un pied dans le tombeau, se plaisent à insinuer à la jeunesse leurs sentimens pervers, comme pour perpétuer après eux leur libertinage, le soustraire au tombeau où ils vont être engloutis, et lui donner une affreuse immortalité. Hélas! verroiton, mon fils, dans les jeunes gens tant de corruption, s'il ne se trouvoit de ces détestables corrupteurs, qui leur ouvrent malheureusement les yeux sur ce qu'ils devroient toujours ignorer, et les arrachent d'entre les bras de l'innocence, pour les jeter dans ceux de la volupté ? Si vous faites jamais société avec eux, vous êtes perdu, et peut-être pour toujours, comme ce jeune homme, dont je ne puis jamais me rappeler l'histoire sans frémir. Il menoit la vie la plus régulière et la plus innocente. Un misérable libertin l'entraîna dans un lieu de débauche, et le précipita dans le crime. Au sortir de là les remords l'assiégent, la fièvre le saisit, les transports lui montent au cerveau, et il meurt le même jour, sans avoir le temps de se repentir et de pleurer son crime. Son corrupteur crut le voir une nuit au milieu des flammes, et l'entendre lui reprocher sa perte éternelle.

O mon fils, si les libertins vous invitent à venir avec eux, souvenez-vous de ce terrible exemple, refusez fermement, et résistez avec

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courage à leurs indignes sollicitations. Si malheureux moment vous livre en leur compagnie, et vous jette au milieu d'eux sans le savoir, appelez promptement à votre secours toutes les leçons de vertu que vous avez reçues et fortifiez-vous contre leurs assauts, par le souvenir de toute l'horreur que mérite le vice, et du mépris profond que s'attire un débauché. Fuyez le plutôt qu'il vous sera possible, et fuyez loin. L'hôpital à trente ans et à la mort l'impénitence : c'est tout ce qui reste du commerce des libertins.

Enfin, mon fils, ajouta ce père vertueux et chrétien, vous avez des mœurs et de la religion craignez la société de ceux qui peuvent vous les faire perdre. Le libertinage de l'esprit marche à la suite du libertinage du cœur, et il est encore plus contagieux et plus funeste. Ecoutez-en la preuve dans le trait que je vais vous raconter. Grégorio Léti, auteur de plusieurs histoires connues, avoit fait, dans sa première jeunesse, ses études à Cosence chez les jésuites. Il fut appelé à Rome par un oncle qui vouloit le faire ecclésiastique; mais il refusa d'entrer dans ses vues. Il revint à Milan, sa patrie, et y demeura deux ans. Ce fut là qu'abandonné à lui-même, il perdit bientôt, par la compagnie des impies qu'il fréquenta, les principes de religion qu'il avoit reçus. Quelque temps après il se mit à voyager, et passant par Aquapendente, dont son oncle étoit devenu évêque il alla le voir. Comme il tenoit des propos

fort libre sur la religion, ce prélat lui dit : Dieu veuille, mon neveu, que vous ne de veniez pas quelque jour un grand hérétique ; mais, pour moi, je ne veux plus vous avoir dans ma maison. Ce que craignoit ce sage prélat, ne manqua pas d'arriver. Léti alla à Genève, y fit connoisssance avec un calviniste libertin, et acheva de se perdre par ses conversations. Il fit profession publique de la religion protestante, resta calviniste toute sa vie, se déshonora par des libelles contre les princes, vécut, quoiqu'avec des talens, destitué de biens et de protections, et mourut presque subitement à Amsterdam.

de

Mais, qu'ai-je besoin, mon fils, de vous rapporter des exemples anciens, tandis que vous en avez de si tristes sous vos yeux, dans ce siècle malheureux d'impiété ? L'irréligion marche aujourd'hui la tête levée, et conspiré ouvertement contre Dieu. Décorant sa fausse sagesse du nom de philosophie, elle a formé l'horrible complot de renverser les autels, déraciner la foi, de corrompre l'innocence, et d'étouffer dans les ames tout sentiment de vertu. Résolue de porter à la religion les coups les plus funestes, elle exhorte, par mille discours téméraires et par une multitude d'écrits scandaleux, à briser ses liens, à se couer son joug. Nos prétendus sages voient avec complaisance la jeunesse courir en foule à leurs leçons, et boire avec avidité le poison de l'erreur, dans les coupes perfides qu'ils luf présentent. Ils ne comprennent pas qu'ils ne

sont que les exécuteurs de la vengeance divine, qui se sert d'eux dans la profondeur de ses desseins, pour perdre ceux qui méritent de périr par l'abus qu'ils font des grâces de Dieu. Leurs succès rapides les enhardissent à produire tous les jours de nouveaux blasphèmes. Mais, attendons les momens du Seigneur : il viendra dans sa colère souffler contre cet amas pompeux d'iniquités, et il le réduira en poussière. Craignez, mon fils, d'être enveloppé dans leur ruine : fuyez-les avec la même horreur qu'on fuit la vue du serpent prêt à lancer son venin. Puisqu'ils veulent se corrompre et vous corrompre avec eux, fendez la presse " retirez-vous à l'écart, ou allez respirer un air plus pur dans la compagnie des gens de bien.

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Car, ne vous y trompez pas, mon fils presque tous les impies sont des libertins publics ou cachés. Une expérience journalière, bien honteuse pour le parti de l'impiété, ne nous apprend-elle pas que les doutes, par rapport à la religion, ne surviennent dans l'esprit, que quand les passions sont devenues les maîtresses du cœur. On n'entre dans les voies de l'irréligion, qu'après avoir abandonné celles de l'innocence. Pour un homme, peutêtre irréprochable dans ses mœurs, que l'incrédule produira de son côté, on lui en opposera mille, livrés aux excès de la plus honteuse licence, et qui sont comptés parmi ses héros. Aussi, une personne qui avoit vu beaucoup et qui les connoissoit bien, assuroit-elle qu'elle n'avoit point connu d'homme plus scan

daleux dans sa façon de vivre et de penser qu'un impie de profession. En faut-il davantage, mon fils, pour les avoir en horreur, les fuir et les détester?

Ainsi parlera un père sage et vertueux ; et ne doutons pas que de telles leçons, soutenues de toute la force de son exemple, ne fassent de profondes impressions sur un fils bien né et docile.

Les fats. Le fat, où le petit-maître, est l'espèce d'homme la plus vaine et la plus méprisable qui végète sur la surface de la terre. Un écrivain moderne (1) a fait du fat uné peinture bien ressemblante. Nous allons en rapporter les traits les plus saillans et les plus propres à faire sentir tout le ridicule de ce caractère. Combien de jeunes sots mal élevés pourront s'y reconnoître !

Un fat est un homme dont la vanité seule forme le caractère, qui n'agit que par ostentation, et qui, voulant s'élever au-dessus des autres, fait tout ce qu'il faut pour être méprisé de tous. Familier avec ses supérieurs, important avec ses égaux, impertinent avec ses inférieurs, il tutoie, il protége, il méprise. Vous le saluez, et il ne vous voit pas ; vous lui parlez, et il ne vous écoute pas;

(1) M. de Mahis, dans le Dictionnaire Encyclopédique 9 ouvrage plus pernicieux qu'utile, auquel on pourroit appli quer ce vers de Martial : Sunt bona, sunt quædam mediocria, sunt mala multa,

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