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ROSINE au désespoir.

Oubliez feule nent mon erreur. (à part, ) Ah, je m'en punis affez!

BARTHOLÓ s'en allant.

Allons nous embufquer. A la fin je la tiens.

( Il fort. )

SON

SCENE I V.

ROSINE feule.

ON amour me dédommagera.... Malheureuse !..... (Elle tire fon mouchcir & s'abandonne aux larmes.) Que faire ?.... Il va venir. Je veux refter, & feindre avec lui, pour le contempler un moment dans toute fa noirceur. La baffeffe de fon procédé fera mon préservatif.... Ah! j'en ai grand befoin. Figure noble! air doux! une voix fi tendre ! & ce n'eft que le vil agent d'un corrupteur! Ah malheureufe! malheureufe!... Ciel! on ouvre la jaloufie! (Elle fe fauve.)

SCENE V.

LE COMTE, FIGARO enveloppé d'un manteau

paroit à la fenétre.

FIGARO parle en dehors.

QUELQU'UN s'enfuit; entrerai-je?

LE COMTE en dehors.

Un homme ?

FIGAR O.

Non.

LE COMT E.

C'eft Rofine que ta figure atroce aura mise en fuite. FIGARO faute dans la chambre.

Ma foi je le crois... Nous voici enfin arrivés, malgré la pluie, la foudre, & les éclairs..

LE COMTE, enveloppé d'un long manteau. Donne-moi la main. ( Il faute à Jon tour. ) A nous la victoire.

FIGARO jette fon manteau.

Nous fommes tout percés. Charmant temps, pour aller en bonne fortune! Monfeigneur, comment trouvez-vous cette nuit?

LE COM TE.

Superbe pour un amant.

FIGAR O.

Oui, mais pour un confident ?... Et fi quelqu'un alloit nous furprendre ici?

LE COMTE.

N'es-tu pas avec moi? J'ai bien une autre inquiétude; c'eft de la déterminer à quitter fur le champ la maifon du Tuteur.

FIGA O.

Vous avez pour vous trois paflions toutes puiffantes fur le beau fexe; l'amour, la haine, & la crainte. LE COMTE regardant dans l'obscurité.

Comment lui annoncer brufquement que le Notaire l'attend chez toi, pour nous unir? Elle trouvera mon projet bien hardi. Elle va me nommer audacieux.

FICAR O.

Si elle vous nomme audacieux ; vous l'appellerez cruelle. Les femmes aiment beaucoup qu'on les appelle cruelles. Au furplus, fi fon amour eft tel que vous le defirez, vous lui direz qui vous êtes; elle ne doutera plus de vos fentiments.

SCENE V I.

LE COMTE, ROSINE, FIGARO.

LE COMT E.

(Figaro allume toutes les bougies qui font fur la table.)

LA voici.

-- Ma belle Rofine!.... ROSINE d'un ton très-compofé.

Je commençois, Monfieur, à craindre que vous ne vinffiez pas.

LE COM TE.

Charmante inquiétude!... Mademoiselle, il ne me convient point d'abufer des circonftances pour vous propofer de partager le fort d'un infortuné ; mais quelqu'afyle que vous choififfez, je jure mon honneur...

ROSIN E.

Monfieur, fi le don de ma main n'avoit pas dû fuivre à l'inftant celui de mon cœur, vous ne feriez pas ici. Que la néceffité juftifie à vos yeux ce que cette entrevue a d'irrégulier!

LE COM TE.

Vous, Rofine! la compagne d'un malheureux! fans fortune, fans naiffance !...

ROSIN E.

La naiffance, la fortune! Laiffons là les jeux du hazard, & fi vous m'affurez que vos intentions font pures... LE COMTE à fes pieds.

Ah! Rofine! je vous adore! . . .

ROSINE indignée.

Arrêtez, malheureux!... vous ofez profaner!... tu m'adores... Va! tu n'es plus dangereux pour moi ; j'attendois ce mot pour te détefter. Mais avant de t'a

bandonner au remords qui t'attend, (en pleurant ) apprends que je t'aimois; apprends que je faifois mon bonheur, de partager ton mauvais fort. Miférable Lindor! j'allois tout quitter pour te fuivre. Mais le lâche abus que tu as fait de mes bontés, & l'indignité de cet affreux Comte Almaviva, à qui tu me vendois; ont fait rentrer dans mes mains ce témoignage de ma foibleffe. Connois-tu cette Lettre?

LE COMT E vivement. Que votte Tuteur vous a remife? ROSINE fiérement.

Oui, je lui en ai obligation.

LE COM T É.

Dieux, que je fuis heureux ! Il la tient de moi. Dans mon embarras, hier, je m'en fuis fervi pour arracher fa confiance; & je n'ai pu trouver l'inftant de vous en informer. Ah, Rofine! il eft donc vrai que vous m'aimez véritablement ! !...

FIGAR O.

Monfeigneur, vous cherchiez une femme qui vous aimât pour vous-même ...

ROSIN E.

Menfeigneur ! Que dit-il?...

LE COMTE jettant fon large manteau, paroît en habit

magnifique. O la plus aimée des femmes ! il n'eft plus temps de vous abuser: l'heureux homme que vous voyez à vos pieds, n'eft point Lindor; je fuis le Comte Almaviva qui meurt d'amour, & vous cherche en vain depuis fix mois.

ROSINE tombe dans les bras du Comte.

Ah!....

Figaro ?

LE COMTE effrayé.

FIGAR O.

Point d'inquiétude, Monfeigneur; la douce émotion

de la joie n'a jamais de fuites fâcheufes; la voilà, la voilà qui reprend fes fens; morbleu qu'elle eft belle! ROSIN E.

Ah, Lindor !.., Ah, Monfieur ! que je fuis coupable! j'allois me donner cette nuit même à mon Tuteur. LE COMTE.

Vous, Rofine!

ROSIN E.

Ne voyez que ma punition ! J'aurois paffe ma vie à vous détefter. Ah, Lindor ! le plus affreux fupplice n'eft-il pas de hair, quand on fent qu'on eft faite pour

aimer ?

FIGARO regarde à la fenêtre Monseigneur, le retour eft fermé; l'échelle eft en

levée.

Enlevée !

LE COM TE.

ROSINE troublée.

Oui, c'eft moi.... c'est le Docteur. Voilà le fruit de ma crédulité. Il m'a trompée. J'ai tout avoué, tout trahi: il fait que que vous êtes ici, & va venir avec main-forte.

FIGARO regarde encore.

Monfeigneur ! on ouvre la porte de la rue.

ROSINE courant dans les bras du Comte avec frayeur. Ah, Lindor.!...

LE COMTE avec fermeté.

Rofine, vous m'aimez ! Je ne crains perfonne; & vous ferez ma femme. J'aurai donc le plaifir de punir à mon gré l'odieux vieillard!...

ROSINE.

Non, non, grace pour lui, cher Lindor! Mon cœur eft fi plein, que la vengeance ne peut y trouver place.

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