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satisfaction de M. le Prince, il y fut lui-même. et reçut à la tranchée un coup de fusil dont il n'eut qu'une forte contusion à la hanche; sa présence détermine la ville à se rendre à l'instant, et de suite il retourne à la Cour.

Des services aussi importans méritaient une marque éclatante de satisfaction. La Reine lui fit en conséquence donner, par Lettres-Patentes du mois de Décembre 1648, et aux titres les plus honorables, le païs du Clermontois, pour en jouir lui et ses successeurs, avec les droits les plus éminens et les plus solidement établis; manière de récompenser, également digne des services d'un grand Prince et de la reconnaissance d'un grand Roi.

FIN DU LIVRE PREMIER.

LIVRE SECOND.

M. LE PRINCE, en arrivant à Paris, y trouva la Duchesse de Longueville, sa soeur, qui, par les charmes de sa figure et la séduction de son esprit, captivait tous les yeux et soumettait tous les coeurs; mais, pour le malheur de la France, et par une fatalité trop extraordinaire, pour n'être pas remarquable, cette Princesse à qui la Nature avait tout accordé pour dominer les hommes, le fut toujours elle-même par des gens d'un esprit fort audessous du sien, et sut prendre le plus grand empire sur le grand Condé, le seul homme de son temps, peut-être, qui dût naturellement en prendre sur elle.

DES que ce Prince parut dans la Capitale, il fut recherché de tous les Partis; mais son plan fut d'abord de marcher d'un pas égal entre la Cour et la Faction. Il se rendit médiateur entre la Reine et la Fronde, et détermina cette Princesse à négocier avec le Parlement, et à rendre cette fameuse Déclaration qui parut un moment appaiser tous les troubles.

L'AMBITION sans bornes de l'Abbé de la Rivière éleva, dans ce temps, une affaire qui remplit la Cour et la Ville d'étonnement et d'indignation. Ce Favori de Gaston, si cher et si funeste à son Maître, osa se mettre en concurrence pour le chapeau de Cardinal avec le Prince de Conti, qui venait, à 16 ans, de remporter les palmes de la Sorbonne, et qui réunissait à sa haute naissance tous les talens de l'état ecclésiastique, parti que la faiblesse de sa constitution avait décidé son Père à lui faire embrasser. M. le Prince, offensé de la concurrence, soutint son frère avec la force et la noblesse qui étaient en lui et qu'il devait à son sang et à sa cause. Gaston après avoir fait des menaces et des démarches inutiles, fut bientôt obligé de céder. Mais quelques brillans qu'eussent été les premiers pas du Prince de Conti dans la carrière ecclésiastique, il ne put se déterminer à le suivre; et consultant son courage plus que son caractère, ses goûts plus que ses forces, il abdiqua bientôt les plus beaux bénéfices pour prendre le parti des armes. Les exemples de son frère étaient séduisans, il voulut courir sur ses traces, et ne put jamais y marcher que de loin.

Le feu qui couvait sous la cendre ne tarda

pas à se rallumer; bientôt la fermentation et le désordre renaissant de toute part; tous les Partis redoublent leurs instances auprès de M. le Prince, pour l'attirer vers eux. L'éloquence dangereuse du Prélat fameux qui s'honoroit du nom de nouveau Catilina, ne gagne rien sur lui: il résiste aux instances des Factieux, aux séductions de sa Soeur, à son amitié pour le Duc de Châtillon, au ressentiment de ses injures personnelles. Toutes ses réponses se renferment dans ce mot fameux : « Je m'ap » pelle Louis DE BOURBON, et je ne veux » pas ébranler la Couronne. »

La Reine, de son côté, n'hésite point à emploïer les prières et les larmes pour se l'attirer. Le jeune Roi l'embrasse et lui recommande le salut de l'Etat et de sa Personne. Les Grands s'humanisent quand il sont malheureux : la voix seule du devoir décide M. le Prince à prendre parti pour une Cour sur laquelle il ne comptait pas; mais son caractère impétueux et fougueux s'irrita bientôt des obstacles que la Fronde opposait sans cesse à ses bonnes intentions. Il ménagea trop peu le Parlement; il proposa des moïens décisifs, mais violens.

LE projet de M. le Prince était de faire

venir l'Armée aux portes de la Capitale, de se saisir de l'Arsenal, de placer du canon en batteries vis-à-vis des principales rues, et, dans cet état de choses, de faire sommer le Chef de la Fronde de sortir de la ville. Il n'est pas douteux que la Cour eût tout obtenu de la crainte sans être obligée d'effectuer la menace; mais Le Tellier donna l'avis de bloquer cette grande ville et de la réduire en l'affamant. Les conseils de la lenteur sont toujours du goût de la faiblesse, la Reine adopta ce plan sans hésiter, 1649. et ce fut avec 7 à 8,000 hommes, sans argent, sans magasins, et dans le fort de l'hiver, qu'on força M. le Prince à se charger de cette grande entreprise, pour laquelle il eût fallu tant de préparatifs et de moïens.

La nuit du 5 au 6 Janvier, toute la Maison Roïale, excepté la Duchesse de Longueville, sort de Paris et se rend à Saint-Germain. M. le Prince, le Défenseur et l'Idole de la Nation, devient pour un temps l'objet de la haine et l'effroi des Parisiens. Ils lèvent des Troupes; le Prince de Conti, séduit par sa Soeur, se jette dans Paris; il est déclaré Généralissime de la Fronde. M. le Prince, désespéré de la conduite de son frère, mais peu inquiet de ses talens, déploïa tous les siens pour tâcher de

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