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corps, avec 1,000 mousquetaires; d'Espénan, à la tête de l'infanterie, devait attaquer l'aile droite des ennemis qui touchait à Fribourg. Il y avait une fausse attaque dans le centre; le Maréchal de Grammont commandait la cavalerie que le Duc avait rangée dans la plaine, en mesure de se porter où son secours pourrait être efficace ou nécessaire. Le Duc se porta en avant avec Turenne pour reconnaître les ennemis de plus près, et, défend à ses Généraux de rien entreprendre sans ses ordres; mais il est des hasards à la guerre que toute la prudence humaine ne saurait prévoir. D'Espénan, officier de réputation dans les armées, a su prendre sur lui d'attaquer, pendant l'absence du Duc, une redoute que les ennemis occupaient en avant de lui dans le vallon; les Bavarois la soutinrent; d'Espénan renforce ceux qu'il avait chargés de cette attaque. Le feu augmente; l'Echelle croyant que l'affaire est engagée, entame l'action de son côté ; les deux Armées en sont aux mains sans que les Généraux en aient donné l'ordre le Duc revint à toute bride, mais il n'y avait plus d'autre moïen de réparer la faute que de la soutenir. Déjà l'Echelle est tué, ses mousquetaires sont taillés en pièces; les Bavarois avancent, la valeur française commence à

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s'étonner; le Duc et Turenne font une décharge vigoureuse à la tête des Veymariens; mais ils sont repoussés; la terreur se répand, et malgré les efforts de Tournon, de Marsin, de Grammont, tout fuit, et le Duc reste, lui vingtième, à trente pas de la barricade: Voïant que son exemple ne contenait ne contenait personne, il songe à pénétrer du côté de d'Espénan. Un nouveau combat s'engage encore, plus sanglant que lé premier; la victoiré paraît se décider pour les Français; mais Gaspard de Mercy; frère du Général, la balance encore par son intrépidité: il fait mettre à sa Cavalerie pied à terre, attaque les Français, et regagne le terrain qu'avait perdu l'Infanterie Bavaroise; mais il en est bientôt chassé lui-même : il rallie les siens et revient à la charge; le feu devient terrible et le succès incertain; la fin du jour approche, on n'est pas moins acharné; l'obscurité de la nuit, loin de terminer cette sanglante journée, ne fait qu'en redoubler l'horreur, et la fureur des combattans trouve l'affreux moïen de se passer du jour, en dirigeant ses coups à la lueur même qui les porte.

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L'ÉPUISEMENT des forces fait enfin cesser le carnage, le Duc d'Enghien fait enlever les blessés, et rentre dans son camp. Si la victoire

semblait lui échapper en ce moment, il ne pouvait s'en prendre qu'à la précipitation de d'Espénan. Le Duc, en soutenant sa démarche, n'en avait pas senti moins vivement la faute; son ame forte et fière supportait impatiemment qu'un zèle indiscret lui coûtât un succès; mais le repentir de cet Officier-général lui parut si sincère qu'il désarma son couroux. Le bouillonnement de son génie, si j'ose m'exprimer ainsi, le rendait quelquefois violent; mais l'honnêteté de son coeur le ramenait toujours à la bonté. Un Général ordinaire se serait rebuté, sans doute, du peu de succès de cette journée; mais, au moment même où le Duc d'Enghien était repoussé par l'Armée Bavaroise, il formait l'audacieux projet, non-seulement de la vaincre, mais même de la détruire en lui coupant toute retraite.

MERCY qui jugeait par la rigueur des attaques qu'il avait essuyées, qu'il serait obligé de céder tôt ou tard à la valeur des Troupes Fran→ çaises et de leur Chef, ne songeait qu'à se retirer avec honneur, mais la retraite lui paraissait, avec raison, dangereuse vis-à-vis d'un Ennemi aussi entreprenant'; il crut en conséquence devoir se retrancher de plus en plus dans sa position pour la rendre plus re spec

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table, jusqu'au moment où il croirait pouvoir la quitter sans se compromettre.

Le Duc d'Enghien s'occupait du projet dont j'ai parlé, mais il fallait passer des bois et des marais à la vue de l'Ennemi, pour se porter sur le chemin de Fillinghen, dont l'ennemi tirait ses convois, et dont c'était la seule retraite. Trois jours se passèrent à laisser reposer l'Armée, et à préparer le mouvement dont le Duc sentait tout le danger, mais qu'il préférait à l'incertitude d'une troisième attaque de vive force. Le 9, à la pointe du jour, tout se mit en marche, le mouvement s'exécute avec le plus grand ordre; on parvient à surmonter les obstacles sans nombre que la difficulté des chemins étroits et marécageux présentait à chaque pas, et l'arrière-garde à laquelle le Duc était resté, s'ébranle, sans être inquiétée par les Ennemis.

MERCY avait jugé, en homme de guerre, le projet du Duc d'Enghien, et voyant qu'il n'avait pas un moment à perdre pour assurer sa retraite sur Fillinghen, il s'était, mis en marche pour s'en rapprocher. Le Duc apprend cette nouvelle à Landelinghen; et jugeant que la précipitation des Bavarois ne lui permettrait pas d'arriver à temps pour les couper

dans leur retraite, il détacha sur-le-champ Rose avec 800 chevaux pour arrêter leur arrière-garde, et continua sa marche.

MERCY se voyant serré de près, et jugeant que le Duc, vu la nature du pays, ne pouvait pas être en mesure de soutenir ce détachement, s'arrête, se forme, et fond avec impétuosité sur le Comte de Rose; celui-ci soutient cette attaque avec la plus grande vigueur; il entretient le combat le plus long-temps qu'il peut; mais l'inégalité des forces l'oblige de chercher son salut dans un défilé qu'il venait de passer, et par lequel il se replie sur l'Armée qui accourait à son secours. A son approche, Mercy cesse de poursuivre Rose, et ne songe plus qu'à continuer sa retraite sur Fillinghen. Il la fit avec tant de précipitation, qu'il abandonna son artillerie et ses bagages, et le Duc d'Enghien le poursuivit si vivement, que Mercy ne se crut pas encore en sûreté sous Fillinghen, et qu'il marcha toute la nuit pour ne s'arrêter qu'à vingt lieues du champ de bataille. Cette triple victoire qui, par la défaite da plus grand Capitaine de l'Europe, fit passer ce titre à son vainqueur, coûta 10,000 hommes aux ennemis, et près de 6,000 à la France..... Hélas! pourquoi faut-il que les triomphes d'un

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