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DA- de besoin, pénétré non seulement de RIUS sa douleur particuleire, mais encore

plus de celle des autres qu'il portoit tous dans son cœur ; ce grand homme, supérieur à tous ses maux, ne songeoit qu'à consoler les troupes , & à ranimer leur courage & leur espérance. Il alloit criant partout , qu'il n'y avoit encore rien de desespéré, & que d'autres armées avoient échapé à de plus grands dangers ; qu'il ne faloit point s'accuser, ni s’aMiger fans mesure, des maux dont l'on n'étoit point coupable ; que s'ils avoient of fensé quelque dieu, fa vengeance devoit ètre maintenant satisfaite ; que la fortune se lasseroit de les poursuivre & de les maltraiter , après s'être montrée fi longtems favorable à leurs ennemis. Qu'au reste , ils étoient encore formidables par leur nombre & par leur valeur : ( les restes de l'armée montoient à près de quarante mille hommes) Qu'aucune ville de Sicile: ne pourroit soutenir leur effort, ni les cmpécher de s'établir où ils vou.. droient. Que chacun seulement prît: soin de sa fureté, & marchât en bon ordre, Que par une retraite prudente: & courageuse, qui étoit devenue leur

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unique ressource, non - seulement ils NO-
se fauvoient eux - mêmes, mais con- TH US.
servoient leur patrie, & la mettoient -
en état de recouvrer son ancienne
grandeur.

L'armée marchoit en deux corps de
bataille, rangés l'un & l'autre en quar-
ré en forme de phalange ; le premier
commandé par Nicias , & l'autre par
Démosthene; avec le bagage au mi-
lieu. Lorsqu'ils furent arrivés à la ri-
viere d'Anape, ils forcerent le passage,
& eurent ensuite sur les bras toute la
cavalerie ennemie, & les gens de trait
qui tiroient fans ceffe contre eux. Ils
furent ainsi harcelés pendant plusieurs
jours de marche, ne trouvant point de
débouché libre, & ne pouvant gagner
pays qu'à la pointe de l'épée. Les en-
nemis ne vouloient point hazarder de
combat contre des troupes que le def-
espoir seul pouvoit rendre invinci-
bles ; & dès que les Athéniens se pré-
sentoient pour combattre, ils lâchoient
le pié: puis, lorsqu'ils se mettoient en
marche, ils venoient fondre sur eux
dans leur retraite.

Démofthéne & Nicias, voiant le: mauvais état des troupes qui étoient fans vivres avec quantité de blessés ,

I i 6

fur

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D A. furent d'avis de se retirer vers la mer RIU S. par un chemin tout contraire à celui

qu'ils tenoient , & de tirer droit vers Camarine & Géle, au lieu d'aller à Catane, ce qui avoit été leur premier dessein. Ils partirent de nuit, après avoir allumé quantité de feux. Il y eut beaucoup de confusion & de defordre dans la retraite, comme il arrive pour l'ordinaire aux grandes armées dans l'horreur des ténebres, fur tout lorfque l'ennemi est près. L'avant-garde, qui étoit commandée par Nicias, ne Jaissa pas de s'avancer en bon ordre: mais plus de la moitié de l'arrieregarde se détacha du gros , & s'égara avec Démosthene. Le lendemain les Syracusains, qui sur le bruit de leur retraite avoient fait une diligence extraordinaire, lui tomberent sur les bras vers le midi, & l'aiant investi avec leur cavalerie, le pousserent dans un lieu étroit & fermé d'un petit mur, où ses soldats se défendirent comme des lions. Comme ils les virent sur la fin du jour accablés de fatigues & per

&
cés de coups, ils permirent aux Insu- .
laires de se retirer, ce qui fut accepté
de quelques-uns ; & ensuite ils accor-
derent la vie aux autres, qui se rendi-

rent

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rent à discrétion avec Démosthene, No
après avoir stipulé qu'en leur laissant THU S.
la vie fauve , on ne pourroit les rete-
nir dans une prison perpétuelle. Envi-
ron fix mille soldats se rendirent à ces
conditions.

Le foir même Nicias arriva à la ri-
viere d'Erinée & l'aiant passée fe
campa

sur une montagne où les ennemis l'atteignirent le lendemain , & le sommerent de fe rendre comme avoit fait Demosthene. Il ne voulut point croire d'abord que ce qu'on lui difoit de Démosthene fût vrai, & demanda la permission d'envoier quelques cavaliers s'en informer. Sur leur rapport, il offrit de rembourser les frais de la guerre, pourvû qu'on le laiffât aller avec ses troupes , & de donner autant d'Athéniens pour otages, qu'il y auroit de talens à paier. Les ennemis rejetterent cette proposition avec mépris & insulte, & recommencerent à le charger. Quoique Nicias manquát absolument de tout, il ne laiffa pas de foutenir leurs attaques toute la nuit, & marcha vers le fleuve Asinare. Quand ils furent sur le bord , les Syracusains les aiant joints, en précipiterent la plus grande partie dans le courant, les au..

tres

DA. tres s'y étant déja jettés dans l'impaRIUS tience de fe defaltérer. Là se fit le plus

grand & le plus cruel carnage, ces pauvres malheureux étant massacrés fans miséricorde pendant qu'ils bû. voient. Nicias , ne voiant plus de resfource, & ne pouvant soutenir un tel fpectacle , fe rendit à discrétion, à condition que Gylippe feroit cesser le combat, & épargneroit le reste de son armée. Le nombre des morts fut grand, & celui des prisonniers encore

plus, de forte que toute la Sicile en fut Lausan.

remplie. Il paroit que les Athéniens

furent mécontens que leur Chef fe fût jag. 56. ainsi rendu à discrétion ; & c'est pour

cela que dans un monument public, ou l'on avoit inscrit les noms des Chefs qui étoient morts pour la République, le Gien fut omis.

Les vainqueurs décorerent des armes captives les plus beaux & les plus grand arbres qui fuffent sur les bords de la riviere , dont ils firent comme des trophées, & fe couronnant de chapeaux de fleurs, ornant magnifiquement leurs chevaux, & aiant coupé les erins de ceux des ennemis, ils entrerent en triomphe à Syracuse, après avoir terminé heureusement la plus

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