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Grecs, en reconnoiffant qu'elles ont une vraie grandeur & une vraie magnificence, quoiqu'inférieures felon lui à leur réputation. Qu'eft-ce donc que cet éclat étranger & empruntė que les hiftoriens y ont ajouté par leur éloquence? C'est que par toute la terre on vante de concert les actions des Athéniens, comme tout ce qui s'est jamais fait de plus grand: Per terrarum orbem Athenienfium facta PRO MAXIMIS CELEBRANTUR. Toutes les nations, féduites & comme enchantées par les charmes des écrivains Grecs, mettent les exploits de ce peu-. ple au-deffus de tout ce qui s'eft fait ailleurs de plus beau. Voila, felon Sallufte le fervice qu'a rendu aux actions des Athéniens l'hiftoire écrite comme elle l'eft par les Grecs: & il eft bien facheux que la nôtre, faute d'un pareil fecours, ait laiffé périr une infinité de belles actions & de belles paroles, auxquelles l'antiquité eût bien fu donner du relief, & qui feroient beaucoup d'honneur à la nation.

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Mais, quoi qu'il en foit, on doit convenir qu'il ne faut pas toujours juger du prix d'une action, ni du mé xite de ceux qui y ont eu part, par

l'importance de l'événement. C'est dans les fieges & dans les combats, tels que ceux dont il eft parlé dans la guerre du Péloponnefe, que paroit véritablement toute l'habileté d'un Général. Auffi remarque-t-on que ce n'eft qu'à la tête des petites armées & dans des pays affez peu étendus, que nos plus grands Capitaines du fiécle paffé ont fait paroître leur grande capacité, & ont égalé les plus fameux Capitaines de l'antiquité. Dans ces fortes d'actions le hazard n'a part à rien & ne couvre point les fautes fi l'on en fait. La prudence du Chef regle & conduit tout. Il eft véritablement l'ame de fes troupes, qui n'agiffent & ne fe remuent qu'au fignal qu'il en donne. Il voit tout, & eft par tout. Rien n'échape à fon attention ni à fa vigilance. Les ordres font donnés à propos, & exécutés de même. Rufes, ftratagêmes, fauffes marches, attaques vraies ou fimulées , campemens, décampemens, tout en un mot part & dépend de lui feul.

Et c'eft en quoi la lecture des hif toriens Grecs, tels que Thucydide Xénophon, Polybe, peut être infiniment utile aux jeunes Officiers; parce

que

que ces hiftoriens, qui étoient en mê me tems excellens. Capitaines, en trent dans un grand détail, & conduifent les lecteurs comme par la main dans les fieges & dans les combats qu'ils décrivent, leur apprenant ainsi, par l'exemple des plus grands Généraux de l'antiquité, & par une forte d'expérience anticipée, comment il faut faire la guerre.

CE N'EST PAS feulement pour les actions guerrieres que l'hiftoire de la Grece nous fournira de grands mode les. Nous y verrons de fameux législateurs, de très - habiles Politiques des Magiftrats nés pour le gouverna ment, des hommes qui ont excellé dans tous les arts & dans toutes les fciences, des Philofophes qui ont pouffé leurs recherches auffi loin qu'on le pouvoit dans ces tems reculés, & qui nous ont laiffé des maximes de morale capables de faire rougir des Chrétiens.

Il est vrai que ces mêmes Philofo phes, fi éclairés fur de certains points, ont été entiérement aveugles fur d'autrès, jufqu'à ignorer & à combattre les principes les plus clairs de la loi naturelle; & que fouvent leur con

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duite a démenti leur doctrine, s'étant prostitués aux déréglemens les plus groffiers. La divine providence l'a permis ainfi, & les a livrés à un fens reprouvé, pour punir leur orgueil, & pour nous inftruire par leur exemple, en nous montrant de quoi font capables les hommes, même les plus habi les & les plus éclairés, quand ils font abandonnés à leur propre foible Te & à leur corruption naturelle, & de quels abymes la grace du divin Médiateur nous a tirés. Mais les déréglemens où ils font tombés, & du côté de l'efprit S. Au& du côté du cœur, quoique nous de- guft. de vions les détefter, n'empêchent pas Doctrin, qu'il n'y ait dans leurs livres d'excelfentes maximes, que nous devons, fe- cap. 40. Ion la penfée de S. Auguftin, revendiquer comme un bien qui nous appar tient, de même que les Ifraélites, en fortant de l'Egypte, s'enrichirent de fes dépouilles; & c'eft ainsi qu'en ont ufé tous les Saints: Ipfi gentiles fi quid divinum De bapti rectum in doctrinis fuis habere potue- contr. runt, non improbaverunt fancti noflri. Donat. J'en dis autant des actions ver- lib. 6. tueufes qui fe rencontrent chez les cap. 87.. payens, telles que l'hiftoire des Grecs nous en fournira un grand nombre.

A5

Saint:

Chrift.

lib. 2.

Saint Augustin nous

avertit,

, que felon la regle de la juftice, SECUN

DUM JUSTITIE REGULAM, non feulement nous ne pouvons point blâmer &condanner ces actions, mais que nous avons raifon de les louer && de les relever. Ce n'eft pas que ces actions foient bonnes & louables en tout: Saint Augustin étoit bien éloigné de le penfer. Il les trouvoit telles en elles-mêmes & du côté du devoir; mais du côté de la fin il les trouvoit très-condannables, parce qu'elles n'étoient point rapportées à Dieu. Ce n'eft pas au vrai Dieu, qui leur étoit. inconnu, qu'ils demandoient la fageffe des bons confeils, le fuccès des entreprises, les talens, la vertu. Ce

n'est

a Habendi funt in eorum numero, quorum : etiam impiorum, nec deum verum veraciter jufteque colentium, quedam tamen facta vel legimus, vel novimus, vel audimus. QUE SECUNDUM JUSTITIÆ REGULAM NON. SOLUM VITUPERARE NON POSSUMUS, 9: VERUM ETIAM MERITO RECTEQUE LAUDAMUS, S. Auguft.lib.deSpir.lit.n.48.

b Noveris itaque, non officiis, fed finibus,à vitiis difcernendas effe virtutes. Officiu autem eft, quod faciendú eft: finis verò,propter quod faciendum eft. Id. contra Julian.l.4.c.3.n 21.

Non erat in eis vera juftitia, quia non actibus fed finibus penfantur officia. Ibid. n. 26.

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