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Diod. lib. 15. pag. 378.

carmouches de part & d'autre, fans que les Lacédémoniens ofaffent préfenter bataille à l'ennemi.

Ils défefperoient prefque de pouvoir le vaincre, & il n'y avoit que la religion du ferment qui les contraignit à continuer une guerre, qui leur étoit devenue fi onéreufe. Ce qui les inquiétoit le plus, étoit la crainte que leur abfence, qui les tenoit éloignés de leurs femmes depuis plufieurs années, & qui pouvoit encore durer longtems, ne fit périr leurs familles, & ne laiffat Sparte deftituée de citoiens. Pour obvier à ce malheur, ils y envoierent ceux des foldats qui étoient venus à l'armée depuis qu'on avoit prêté le ferment raporté cideffus, & ne firent point difficulté de leur próftituer leurs femmes. Ceux qui naquirent de ces conjonctions, illégitimes, furent appellés Parthéniens. nom qui défignoit la honte de leur Et reg. naiffance. Quand ils furent dans un nata pe âge avancé, ne pouvant fouffrir cet tam La- opprobre, ils fe bannirent eux-mêmes Phalende Sparte; &, fous la conduite de Phato: Ho- lante, ils allerent s'établir en Italie à rat. Od. Tarente, après en avoir chaffé les an6. lib. 2. ciens habitans.

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guerre,

Paufan.

D'odor.in

Enfin la huitieme année de la qui étoit la treizieme du règne d'Eu. 434.235. phaès, fe donna le fanglant combat Fragm. près d'Ithome. Euphaès enfonça les bataillons de Theopompe avec trop d'ardeur & de précipitation pour un roi. Il y fut percé de coups, dont plufieurs étoient mortels. Il tomba, & fembloit rendre l'ame. Alors on ft de part & d'autre des efforts extraordi naires de courage: les uns pour enlever le Roi, les autres pour le fauver. Cléonnis tua huit Spartiates qui l'entraînoient, & les aiant dépouillés, mit leurs armes en garde entre les mains des foldats. Il avoit reçu plu fieurs bleffures, & elles étoient toutes par devant, preuve certaine qu'aucun des ennemis ne lui avoit fait lâcher le pié. Ariftoméne, combattant dans la même occafion & pour le même fujet, tua cinq Lacedémoniens, dont il em. porta auffi les dépouilles, & il ne reçut aucune bleffure. Le Roi fut emporté par les fanglant & percé de coups il témoigna fa joie de ce qu'ils n'avoient pas eu du deffous. Ariftoméne après la bataille rencontra Cleonnis, qui ne pouvoit, à caufe de fes bleffures, marcher ni

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Mefféniens, & h

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de lui-même, ni avec le fecours de ceux qui lui donnoient la main. Il le chargea fur fes épaules fans quitter fes armes, & le porta au camp.

Après qu'on eut mis le premier appareil aux plaies du Roi de Melénie & des Officiers, il s'éleva parmi les Mefféniens un nouveau combat, non moins vif que le premier, mais d'une efpece bien différente, & qui en étoit la fuite. Il s'agiffoit d'adjuger le prix de la gloire à celui qui s'y étoit le plus diftingué par fa bravoure. C'étoit pour lors un ufage, déja affez ancien, de faire proclamer publiquement le plus brave de la journée après chaque bataille. Rien n'étoit plus propre à animer le courage des Officiers & des foldats, à leur infpirer une audace intrépide, à étoufer en eux toute crainte des dangers & de la mort. Deux illuftres champions entrerent en lice, favoir Cléonnis & Ariftomene.

Le Roi, tout bleffé qu'il étoit préfida avec les principaux Officiers de l'armée au Confeil où cette importante difpute devoit être décidée.. Chacun des contendans plaida fa caufe. Cléonnis appuioit fa prétention fur le plus grand nombre d'ennemis.

qu'il avoit tués, & fur les plaies qu'il avoit reçues dans le combat, témoins non douteux du courage avec lequel il avoit affronté la mort; au lieu que l'état dans lequel Ariftoméne étoit forti du combat, fans y avoir reçu aucune bleffure, laiffoit entrevoir qu'il avoit été fort attentif à conferver fa perfonne, ou prouvoit tout au plus qu'il avoit été plus heureux; mais non pas plus brave que lui. Quant à ce qu'il l'avoit tranfporté fur fes épaules dans le camp, c'étoit une action qui pouvoit montrer la force de fon corps, mais rien de plus: & ici, difoit-il, il s'agit de bravoure.

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Le feul reproche qu'on faifoit à Ariftoméne, étoit de ce qu'il n'avoit point été bleffé, & c'est à quoi il s'attacha. On m'appelle heureux dit,, il, parce que je n'ai point reçu de bleffures. Si j'en étois redevable à ma lâcheté, je ne mériterois point ,, ce nom; & au lieu d'être admis à ,, disputer le prix, je devrois fubir la ,, rigueur des loix qui puniffent les laches. Mais ce qu'on m'objecte ,, comme un crime, c'eft ce qui fait ,, ma gloire. Car, foit que les enne,, mis, étonnés de ma valeur, n'aient

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ofé me réfifter, ce m'est une grande louange de m'être fait craindre d'eux. Soit, quand ils ont combattu, » que j'aie eu tout enfemble & la force de les tailler en pieces, & la fage précaution de me préferver de leurs coups, j'aurai été tout à la fois & vaillant & prudent. Car quiconque, dans la chaleur même du combat ,, s'expofe aux hazards avec fageffe & retenue montre qu'il poffede en même tems les vertus & du corps & de l'efprit. On ne peut pas certainement reprocher à Cléonnis qu'il ait manqué de courage: mais je fuis faché, pour fon honneur, qu'il » paroiffe manquer de reconnoiffance.

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Après ces difcours on alla aux fuffrages. Tout le monde demeure fufpendu dans l'attente du jugement. Nulle difpute n'égale celle-ci en vivacité. Il ne s'agit point d'or ou d'argent. L'honneur eft ici tout pur. La gloire defintéreffée eft le vrai falaire de la vertu. Ici les Juges ne font point fufpects. Les actions parlent encore. C'est le Roi, environné de fes Officiers, qui préfide & qui prononce. C'est toute une armée qui eft témoin. Le champ de bataille eft un tribunal

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