fils, lui dit-il? Voila comment le peu- Lo Nple en ufe à légard de fes conducteurs, quand il n'en tire plus aucun fervice. GUE MA I N. Deux écus. Il arriva donc à Cumes, ville d'Eolie dans l'Afie Mineure. Le Roi de Perfe avoit mit fa tête à prix, & promis deux cens talens à qui la lui livreroit. Toute la côte étoit pleine de gens cens mille qui l'obfervoient pour le prendre. Il s'enfuit à Eges, petite ville d'Eolie, où il n'étoit connu de perfonne que de fon hôte Nicogéne, le plus riche du pays, & qui avoit de grandes relations avec tous les Seigneurs de la Cour de Perfe. Il demeura quelques jours caché chez lui, jufqu'à ce qu'il le fit conduire en fûreté & avec bonne escorte à Sufe, dans un de ces chariots couverts, dans lefquels les Perfes, qui étoient fort jaloux, avoient accoutumé de mener leurs femmes; ceux qui le conduifoient publiant qu'ils menoient à un grand Seigneur de la Cour une jeune Dame Grecque. Quand il fut arrivé à la Cour de Perfe, il s'adreffa au Capitaine des Gardes, & lui dit qu'il étoit Grec de nation, & qu'il venoit pour parler au Roi d'affaires importantes qui regardoient fon fervice. L'officier l'avertit d'une céré دو ARTA- cérémonie, dont il favoit que quelXERXE. ques Grecs étoient bleffés, mais qui étoit abfolument néceffaire pour parler au Prince en perfonne: c'étoit de fe profterner profondément devant lui. Car, dit-il, notre loi nous ordonne d'honorer ainfi le Roi, & de l'adorer comme une image vivante du Dieu immortel qui entretient & conferve toutes chofes. Themiftocle y confentit. Quand on l'eut admis à l'audience, il fe profterna profondement devant le Roi, & l'adora; puis fe relevant: Grand Roi, dit-il par un truchement,,, je fuis Thémiftocle Athénien, qui aiant été banni par les , Grecs, viens ici chercher un afyle. J'ai fait à la vérité beaucoup de maux aux Perfes; mais je ne leur ai » pas moins fait de bien par les falutai,, res avis que je leur ai fait donner plus d'une fois : & je fuis en état de leur rendre encore de plus grands fervices que jamais. Mon fort eft entre ❞ vos mains. Vous pouvez montrer ici » ou votre clémence, ou votre colere. Par l'une vous fauverez votre fup دو دو رو دو " دو כל * Thucydide lui fait dire à peu près les mêmes chofes, mais dans une lettre qu'il avoit écrite au Roi avant que de lui parler. ,, pliant, par l'autre vous perdrez le LoN» plus grand ennemi de la Grece. GUE Le Roi ne lui répondit rien für l'heu- MAINre, quoiqu'il fût rempli d'admiration pour fon grand fens & pour fa hardieffe mais on dit qu'avec fes amis il fe félicita de cette avanture comme d'un très-grand bonheur, qu'il pria fon dieu Arimanius d'envoier toujours à fes ennemis de femblables penfées, & de les porter à fe défaire ainfi de leurs plus grands perfonnages. On ajoute que s'étant couché, l'excès de fa joie, fit qu'il s'écria trois fois tout endormi J'ai Themiftocle l'Athénien. Le lendemain dès la pointe du jour, il manda les plus grands Seigneurs de fa Cour & fit appeller Thémistocle, qui ne s'attendoit à rien que de trifte, fur-tout depuis que l'un des Gardes, après qu'il eut entendu,. fon nom, lui eut dit la veille dans la falle mème du Roi qu'il venoit de quitter: Serpent de Grece, plein de rufe &de malice, la fortune du Roi t'amene ici. Mais la férénité qui paroiffoit fur le vifage du Roi, ne lui annonçoit rien que d'heureux. En effet, il lui fit un accueil très favorable, & lui dit qu'il Deux commençoit par lui donner deux cens cens mille talens, écus. ART A-talens, fomme qu'il avoit promise à XERXE quiconque le lui livreroit, & qui, par cette raifon, lui étoit dûe; puisqu'il avoit apporté lui-même fa tête en fe livrant à lui. Il lui ordonna enfuite de lui parler des affaires de la Grece. Mais Thémiftocle ne pouvant s'expliquer que par le moien d'un Interprete, pria le Roi de lui permettre d'apprendre la langue Perfanne, espérant qu'alors il pourroit être en état d'expliquer mieux lui-même ce qu'il avoit à lui communiquer, qu'il ne le pouvoit faire par le moien d'un autre. Il en eft, dit-il, du difcours de l'homme, comme d'une tapifferie à perfonnages, qui a befoin d'être déploiée & développée pour faire voir ce qu'elle renferme. Cette grace lui aiant été accordée, Thémistocle, dans l'efpace d'un an, apprit fi bien la langue du pays, qu'il parvint à parler le Perfan plus élégamment que les Perfes mêmes, & il fut en état dans la fuite de s'entretenir avec le Roi fans truchement. Ce prince lui marqua une estime & une confidération extraordinaire. . Il lui fit époufer une Dame des plus nobles familles de Perfe: il lui donna une maison & un équipage convena ble ble, & lui affigna les revenus néceffai- Lo Nres pour s'entretenir honorablement. GU EIl le menoit avec lui à la chaffe, le MAIN. mettoit de tous fes plaifirs & de tous fes divertiffemens, & s'entretenoit fouvent avec lui en particulier, juf qu'à donner de la jaloufie & de l'inquiétude aux grands Seigneurs de fa Cour. Il le préfenta même aux Princeffes, qui l'honorérent de leur affection, & lui donna les entrées chez elles. On raporte comme une marque particuliére de faveur, que par fon ordre fpécial il fut admis à entendre les leçons & les difcours des Mages, & inftruit par eux dans tous les fecrets de leur philofophie. On cite encore une autre preuve de fon crédit. Démarate de Sparte, qui étoit dans ce même tems à la Cour, aiant eu ordre du Roi de lui demander un préfent, il le fupplia de lui permettre de faire fon entrée à cheval dans la ville de Sardes avec la tiare roiale fur la tête. Vanité ridicule, également indigne de la nobleffe d'un Grec, & de la fimplicité d'un Lacédémonien! Le Roi, choqué de l'infolence de cette demande, témoigna fon mécontentement d'une maniére fort |