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n'est pas au vrai Dieu qu'ils en rendoient graces, & qu'ils en rapportoient la gloire par une humble reconnoiffance. Ils ne le regardoient ni comme la fource & le principe, ni comme le terme de tout ce qu'ils faifoient de bien. Leurs meilleures actions étoient corrompues ou par l'amour propre, ou par l'ingratitude. Elles n'ont pu leur être utiles pour le falut, qui ne s'obtient point fans la foi en J. Chift.

cap. 18..

Mais cela n'empêche pas felon le mê- S. Au me faint Auguftin, qu'il ne foit très- guft. de utile pour l'instruction des chrétiens, Civ. D. & pour la regle des mœurs, de rapporter lib. 5. & de mettre dans tout leur jour les actions des payens, pourvú qu'on ne les faffe valoir que leur jufte prix: car je puis bien ici appliquer aux Grecs, ce que ce Pere dit des Romains. Il emploie un chapitre entier, qui eft affez long, à en indiquer les actions & les vertus les plus éclatantes: amour du bien public, dévouement pour la patrie, conftance à fouffrir les tourmens les plus cruels & la mort même defintéreffement noble & généreux, eftime & pratique de la pauvreté, profond refpect pour les dieux & pour la religion. Il fait fur ce. fujet quelques réflexions, qui mé A 6

ritent

ritent bien de trouver ici leur place. Premiérement, il reconnoit que c'eft pour récompenfer toutes ces vertus des Romains, qui n'en avoient pourtant que le nom & l'apparence, que: Dieu leur a accordé l'Empire de l'u nivers récompenfe proportionnée à leurs mérites, & dont ils ont été affez aveugles pour fe contenter. a C'est par la même raison qu'il a voulu que leur nom fût fi glorieux & fi honoré chez toutes les nations & dans tous les fiécles, afin que tant de belles actions ne demeuraffent pas abfolument fans récompenfe.

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En fecond lieu, il remarque que ces vertus, toutes fauffes qu'elles font ne laiffent pas de devenir fort utiles au genre humain, & qu'elles entrent dans les vûes fecrettes que Dieu a fur les peuples, foit pour les récompen fer, foit pour les punir. En effet l'amour de la gloire, qui eft un vice, en: étoufe d'autres beaucoup plus nuifi bles, & plus funeftes; comme font l'in

:

a Si Romanis Deus neque hanc terrenam gloriam excellentiffimi imperii concederet, non redderetur merces bonis artibus eorum,id eft virtutibus, quibus ad tantam gloriam pervenire nitebantur. At non eft quòd de summi & veri Dei juftitia conquerantur: Percepe runt mercedem fuam. Ibid. cap. 15:

i

juffice, la violence, la cruauté. a Et
qui doute qu'un Magiftrat, qu'un
Gouverneur de province, qu'un Roi,,
qui ne fera doux, patient, jufte, cha-
fte, bienfaifant, que par des vûes hu-
maines de gloire ou d'intérêt, ne foit
infiniment plus utile à la République,
que s'il n'avoit pas cette ombre & cès:
dehors de: vertu, & que des hommes:
de ce caractere ne foient un préfent:
du ciel bien précieux. On en peut ju
ger par la comparaison de Magiftrats
& de Princes d'un caractere opposé
qui renonçant à tout honneur & à
toute probité, comptant pour rien la.
réputation, foulant aux piés, les loix
les, plus faintes, n'en reconnoiffent
d'autres que leurs paffions & leur bru
talité; tels enfin que Dieu en donne
dans fa colere aux peuples qu'il veut.
punir, & qu'il juge dignes de tels mai-
tres. Et talibus quidem: dominandi: po-
teftas non datur nifi fummi Dei provi-
dentia, quando res humanas judicat
Balibus dominis dignas..

La troifiéme & dernière réflexion
& la plus propre à mon fujet & au
but

a Conftat eos, qui cives non fint civitatis.
æternæ, utiliores effe terrenæ civitati, quan-
do habent virtutem vel ipfam, quam fi nec.
ipfam. Ibid. cap. 19,

Ibid. capp

19.

but que je me propofe en écrivant l'hiftoire ancienne , regarle l'ufagequ'il faut faire des louanges qu'on donne aux payens. Elle montre le fruit qu'un fage Lecteur doit tirer du récit des belles & vertueufes actions des Grecs, dont ce volume & les fuivans feront remplis. Quand on les verra facrifier leurs biens au foulage ment de leurs concitoiens, leur vie: au falut de l'Etat, leur gloire même à P'utilité publique : quand on leur verra pratiquer les vertus les plus difficiles, & cela par de purs motifs humains pour acquerir une réputation paffagere; a quels reproches ne doiton pas fe faire, & combien ne doiton pas rougir, fi dans une religion qui nous promet des récompenfes éternelles, & qui nous préfente de fi puiffans motifs d'amour & de reconnoiffance, nous n'avons pas le courage de pratiquer les mêmes vertus? Que fi nous avons le bonheur d'être fideles à nos engagemens, pouvons

nous

a Ideo nobis propofita funt neceffariæ commonitionis exempla, ut, fi virtutes,quarum ista utcumque funt fimiles,quas ifti pro.civitatisterrenæ gloria tenuerunt, pro Dei gloriofiffima civitate non tenuerimus,pudore pungamur;fi te-Querimus,fuperbianon extollamur. Ib.cap. 18.

nous en tirer vanité, en comparant le peu que nous faifons avec ce que la gloire feule faifoit entreprendre à des hommes qui ne connoiffoient point Dieu, & qui bornoient tous leurs defirs aux biens de la vie préfente?

Voila donc, felon faint Auguftin la principale utilité que l'on doit tirer de l'étude & de la lecture de l'hiftoire profane; & Dieu a n'a rendu les Grecs & les Romains fi illuftres & fi puiffans, que pour donner plus de poids. aux exemples de vertus que leur histoire nous fournit, afin que les étu diant avec une attention férieuse, nous comprenions par l'amour qu'ils ont eu pour une patrie terreftre & pour une gloire de peu de durée, quel zèle nous devons avoir pour la patrie célefte, où une félicité éternelle nous attend.

SI LES vertus de ceux dont il eft parlé dans l'hiftoire, peuvent nous fervir de modeles dans la conduite de la vie, leurs défauts & leurs vices ne

font

a Ut cives æternæ illius civitatis, quamdiu hic peregrinantur, diligenter & fobriè illa intueantur exempla, & videant quanta dilectio debeatur fupernæ patriæ propter vitam æternam, fi tantùm à fuis civibus terrena dilecta eft propter hominum gloriam. Ibid. cap. 16.

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