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DA- Darius leur avoit prefcrit pour l'at RIU S. tendre étoit paffé; qu'ils pouvoient,

fans manquer à leur parole ni à leur devoir, retourner chez eux; qu'il ne dépendoit que d'eux de fecouer pour toujours le joug de la fervitude, & de fe rétablir dans une entiere liberté ; & que les Scythes mettroient Darius hors d'état de former aucune entréprife contre qui que ce fût.

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On mit l'affaire en délibération. Miltiade Athénien, prince, ou, comme les Grecs l'appellent, Tyran de la Cherfonnefe de Thraces à l'embouchure de l'Hellefpont étoit du nombre de ceux qui avoient accompagné Darius, & fourni des vaiffeaux pour favorifer cette entreprise. a Plus fenfible à l'intérêt public, qu'à fon avantage particulier, il fut d'avis de donnerfatisfaction aux Scythes,& de profiter d'une fi favorable occafion pour remettre l'Ionie en liberté : tous les autres Chefs penferent comme lui à l'exception d'Hyltiée Tyran de Milet. Quand fon rang de parler fut venu, il repréfenta aux Chefs des Ioniens que leur fortune étoit liée à celle de' 31. Darius;

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a Amicior omnium libertati quàm fuæ do minationi fuit. Corn. Nep.

Darius; que c'étoit fous la protection D Ade ce Prince qu'ils étoient maîtres RIUS chacun dans leur ville: que fi la puiffance des Perfes venoit à tomber ou à s'affoiblir, les villes d'Ionie ne manqueroient pas de chaffer leurs tyrans, & de fe rétablir en liberté. Ce dernier avis fut goûté de tous les autres Chefs; &, comme c'est l'ordinaire, l'intérêt particulier l'emporta fur le bien public. Il fut réfolu qu'on attendroit Darius. Mais, pour tromper les Scythes & leur empêcher de faire eux-memes quelque entreprife, ils leur déclarerent qu'ils avoient pris le parti de se retirer comme ils le fouhaitoient, & ils firent mine effectivement de rompre le commencement du pont, après avoir exhorté les Scythes à faire auffi de leur côté leur devoir, & à retour-ner promptement contre l'ennemi commun pour l'attaquer & le défaire. Les Scythes trop crédules fe retirerent, & furent encore trompés une feconde fois.

Els manquerent Darius, qui avoit Herod. pris un autre chemin que celui où ils lib.4. cap. avoient compté l'atteindre. Ce Prince 141. 144. arriva de nuit au pont du Danube, & le trouvant rompu, il ne douta point

E 6

que

RIUS

DA que les Ioniens ne fe fuffent retirés, & pour lors il fe crut perdu. On appella à haute voix Hyftiée le Miléfien, qui répondit enfin, & tira le Roi d'inquiétude. Le pont fut entiérement rétabli. Darius repaffe le Danube, & vint dans la Thrace. Il y laiffa Mégabyfe, un de fes premiers Généraux, avec une partie de fon armée, pour achever la conquête de ce pays-là, & le foumettre entiérement à fon obéiffance. Après quoi il repaffa le Bofphore avec le refte de fes troupes, & fe retira à Sardes, où il paffa tout l'hivre & la plus grande partie de Pannée fuivante, pour rafraichir fes troupes qui avoient extrêmement fouffert dans cette expédition, auffi malheureufe que mal concertée l

Herod.

Megabyfe demeura quelque tems dans la Thrace. Les peuples qui l'ha cap. 1.11. bitent auroient, felon Hérodote

lib. 5.

été invincibles, s'ils avoient fu réunir leurs forces, & fe donner un feul Chef. Quelques-uns d'eux avoient des cou.) tumes fort particulieres. Dans un certhin canton, quand un enfant venoit au monde, tous fes proches s'abandon noient à la douleur, & répandoient des larmes en abondance dans la vûe des

maux aufquels il alloit être expofé: ce D An'étoit que joie au contraire à la mort RIUS. de leurs proches, parce que ce n'étoit que de ce moment qu'il les croient heureux, les voiant délivrés pour toujours des miferes de la vie. Dans un autre canton, où la polygamie étoit d'ufage, lorfque le mari étoit mort, c'étoit une grande difpute entre fes femmes pour favoir laquelle étoit la plus aimée. Celle à qui cet avantage étoit ajugé, avoit le privilege d'être immolée par fon plus proche parent fur le tombeau de fon mari, & d'y être enfevelie avec lui; & toutes les autres portoient envie à fon bonheur, & fe croioient en quelque forte deshonorées.

Darius, à fon retour à Sardes après Herod. fa malheureuse expédition contre les 11.&23. Scythes, aiant été pleinement informé qu'il devoit fon falut & celui de toute fon armée à Hyftiée, qui avoit perfuadé aux foniens de ne point rompre le pont fur le Danube, le fit venir à fa Cour, & lui dit de demander hardiment la récompenfe qu'il fouhaitoit. Hyftiée lui demanda Mircine d'Edonie, territoire fur la riviere de Strymon en Thrace, avec la liberté d'y batir une ville. Il n'eut pas de peine à obte

DA- nir fa demande, & il s'en retourna à RIU S. Milet, d'où il partit pour la Thrace après avoir fait équiper une flote. Aiant pris poffeffion du territoire qui lui avoit été accordé, il s'appliqua fur le champ à exécuter l'entreprise qu'il avoit projettée d'y bâtir une ville.

Ibid. cap. 23. 25.

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Mégabyfe, qui étoit alors Gouverneur de la Thrace de la part de Darius s'aperçut bientôt du préjudice que cette entreprise pourroit apporter aux affaires du Roi dans ces quartiers-là. Il confidéroit que cette nouvelle ville étoit fur une riviere navigable: que le pays des environs abondoit en bois de charpente, propre à conftruire des vaiffeaux: qu'il étoit habité par diverfes nations tant grecques que barbares, qui pouvoient fournir un grand nombre de gens propres à fervir fur terre & fur meri que fi une fois ces peuples avoient à leur tête un Chef autfi adroit & auffi entreprenant qu'Hyftiée, ils pourroient devenir fi puiffans fur terre & fur mer, qu'il feroit enfuite impoffible au Roi de les contenir dans le devoir, fur-tout étant maître de plufieurs mines d'or & d'argent qui étoient dans ce pays-là, & qui pouvoient leur don

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