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l'éternel géomètre, comme l'appeloit Platon. C'e ce même caractère de grandeur que l'on a retrou depuis dans l'harmonie préétablie de Leibnit caractère plus propre que tout autre à séduire 1 hommes de génie, qui aiment mieux voir tout un instant dans une grande idée, que de se tra ner sur des détails d'observations et sur quelqu vérités éparses et isolées.

Descartes s'est élevé à Dieu, est descendu da son âme, a saisi sa pensée, l'a séparée de la m tière, s'est assuré qu'il existoit des corps hors d lui. Sûr de tous les principes de ses connoissance il va maintenant s'élancer dans l'univers physique il va le parcourir, l'einbrasser, le connoître: ma auparavant il perfectionne l'instrument de la gé métrie, dont il a besoin. C'est ici une des partie les plus solides de la gloire de Descartes; c'est i qu'il a tracé une route qui sera éternellemen marquée dans l'histoire de l'esprit humain. L'a gèbre étoit créée depuis long-temps. Cette géomé trie métaphysique, qui exprime tous les rapport des signes universels, qui facilite le calcul e le généralisant, opère sur les quantités inconnue comme si elles étoient connues, accélère la march et augmente l'étendue de l'esprit en substituan un signe abrégé à des combinaisons nombreuses cette science, inventée par les Arabes, ou du moin

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transportée par eux en Espagne, cultivée par les Italiens, avoit été agrandie et perfectionnée par un Français: mais, malgré les découvertes importantes de l'illustre Viète, malgré un pas ou deux qu'on avoit faits après lui en Angleterre, il restoit encore beaucoup à découvrir. Tel étoit le sort de Descartes, qu'il ne pouvoit approcher d'une science sans qu'aussitôt elle ne prît une face nouvelle. D'abord il travaille sur les méthodes de l'analyse pure: pour soulager l'imagination, il diminue le nombre des signes; il représente par des chiffres les puissances des quantités, et simplifie, pour ainsi dire, le mécanisme algébrique. Il s'élève ensuite plus haut: il trouve sa fameuse méthode des indéterminées, artifice plein d'adresse, où l'art, conduit par le génie, surprend la vérité en paroissant s'éloigner d'elle; il apprend à connoître le nombre et la nature des racines dans chaque équation par la combinaison successive des signes; règle aussi utile que simple, que la jalousie et l'ignorance ont attaquée, que la rivalité nationale a disputée à Descartes, et qui n'a été démontrée que depuis quelques années*. C'est ainsi que les grands hommes découvrent, comme par inspiration, des vérités que les hommes ordinaires n'entendent quelquefois qu'au bout de cent ans de pratique et d'étude; et celui qui démontre ces

* Voyez les Mémoires de l'Académie des sciences, année 1741.

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ULLA acquici ԵՆՍՆ uIc SIUIIS II mortelle. L'algèbre ainsi perfectionnée, il restoit pas plus difficile à faire. La méthode d'Apolloni et d'Archimède, qui fut celle de tous les ancie géomètres, exacte et rigoureuse pour les démon trations, étoit peu utile pour les découvert Semblable à ces machines qui dépensent une qua tité prodigieuse de forces pour peu de mouvemen elle consumoit l'esprit dans un détail d'opératio trop compliquées, et le traînoit lentement d'u vérité à l'autre. Il falloit une méthode plus rapid il falloit un instrument qui élevât le géomètre une hauteur d'où il pût dominer sur toutes s opérations, et, sans fatiguer sa vue, voir d'un cou d'oeil des espaces immenses se resserrer comme e un point: cet instrument, c'est Descartes qui I créé ; c'est l'application de l'algèbre à la géométri Il commença donc par traduire les lignes, 1 surfaces et les solides en caractères algébriques mais ce qui étoit l'effort du génie, c'étoit, après résolution du problème, de traduire de nouvea les caractères algébriques en figures. Je n'entr prendrai point de détailler les admirables déco vertes sur lesquelles est fondée cette analyse cré par Descartes. Ces vérités abstraites et pures, fait pour être mesurées par le compas, échappent a pinceau de l'éloquence; et j'affoiblirois l'éloge d'u grand homme en cherchant à peindre ce qui

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doit être que calculé. Contentons - nous de remarquer ici que, par son analyse, Descartes fit faire plus de progrès à la géométrie qu'elle n'en avoit fait depuis la création du monde. Il abrégea les travaux, il multiplia les forces, il donna une nouvelle marche à l'esprit humain. C'est l'analyse qui a été l'instrument de toutes les grandes découvertes des modernes; c'est l'analyse qui, dans les mains des Leibnitz, des Newton et des Bernoulli, a produit cette géométrie nouvelle et sublime qui soumet l'infini au calcul: voilà l'ouvrage de Descartes. Quel est donc cet homme extraordinaire qui a laissé si loin de lui tous les siècles passés, qui a ouvert de nouvelles routes aux siècles à venir, et qui dans le sien avoit à peine trois hommes qui fussent en état de l'entendre? Il est vrai qu'il avoit répandu sur toute sa géométrie une certaine obscurité: soit qu'accoutumé à franchir d'un saut des intervalles immenses, il ne s'aperçût pas seulement de toutes les idées intermédiaires qu'il supprimoit, et qui sont des points d'appui nécessaires à la foiblesse; soit que son dessein fût de secouer l'esprit humain, et de l'accoutumer aux grands efforts; soit enfin que, tourmenté par des rivaux jaloux et foibles, il voulût une fois les accabler de son génie, et les épouvanter de toute la distance qui étoit entre eux et lui (16). Mais ce qui prouve le mieux toute l'étendue de l'esprit de Descartes, c'est qu'il est le premier qui

ait conçu la grande idée de réunir toutes les scie ces, et de les faire servir à la perfection l'une l'autre. On a vu qu'il avoit transporté dans sa logiq la méthode des géomètres; il se servit de l'analy logique pour perfectionner l'algèbre; il appliq ensuite l'algèbre à la géométrie, la géométrie et l' gèbre à la mécanique, et ces trois sciences con binées ensemble à l'astronomie. C'est donc à qu'on doit les premiers essais de l'application de géométrie à la physique; application qui a cr encore une science toute nouvelle. Armé de ta de forces réunies, Descartes marche à la natur il entreprend de déchirer ses voiles, et d'expliqu le système du monde. Voici un nouvel ordre choses: voici des tableaux plus grands peut-êt que ceux que présente l'histoire de toutes les nation et de tous les empires (17).

Qu'on me donne de la matière et du mouvemen it Descartes, et je vais créer un monde. D'abo il s'élève par la pensée vers les cieux, et de là embrasse l'univers d'un coup d'oeil ; il voit le mond entier comme une seule et immense machine, do les roues et les ressorts ont été disposés au commer cement, de la manière la plus simple, par un main éternelle. Parmi cette quantité effroyable d corps et de mouvements, il cherche la dispositio des centres. Chaque corps a son centre particulier chaque système a son centre général. Sans dout

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