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une cruauté ingénieuse invente de nouveaux supplices pour la pudeur. Enfin, les bourreaux fatigués s'arrêtent, la hache échappe de leurs mains. Je ne sais quelle vertu céleste, émanée de la croix, commence à les toucher eux-mêmes. A l'exemple de nations entières subjugées avant eux, ils tombent aux pieds du Christianisme, qui, en échange du repentir, leur promet l'immortalité, et déjà leur prodigue l'espérance. Signe sacré de paix et de salut, son radieux étendard flotte au loin sur les débris du paganisme écroulé. Les Césars jaloux avaient conjuré sa ruine, et le voilà assis sur le trône des Césars! Comment a-t-il vaincu tant de puissance? en présentant son sein au glaive, et aux chaînes ses mains désarmées. Comment a-t-il triomphé de tant de rage? en se livrant sans résistance à ses persécuteurs.

De l'Immortalité de l'Ame.

On a, depuis soixante ans, assez plaidé la cause du désespoir et de la mort: j'entreprends de défendre celle de l'espérance. Quelque chose me presse d'élever la voix et d'appeler mon siècle en jugement. Je suis las d'entendre répéter à l'homme: Tu n'as rien à craindre, rien à attendre, et tu ne dois rien qu'à toi." I le croirait peut-être enfin; peut-être qu'oubliant sa noble origine, il en viendrait jusqu'à se regarder, en effet, comme une masse organisée, qui reçoit l'esprit de tout ce qui l'environne et de ses besoins; jusqu'à dire à la pourriture, vous êtes ma mère, et aux vers, vous êtes mes frères et mes soeurs." Peut-être qu'il se persuaderait réellement être affranchi de touts les devoirs envers son auteur; peut-être que ses désirs mêmes s'arrêteraient aux portes du tombeau, et que, satisfait d'une frêle supériorité sur les brutes, passant comme elles sans retour, il s'honorerait de tenir le sceptre du néant. Je veux le briser dans sa main. Qu'il apprène ce qu'il est, qu'il s'instruise de sa grandeur ainsi que de sa dépendance. On s'est efforcé de détruire les titres; vaine tentative, ils subsistent; on les lui montrera. Ils sont écrits dans sa nature même; touts les siècles les y ont lus.1 Je les citerai à comparaître, et on les entendra proclamer l'existence d'une vraie religion. Qui osera les démentir, et opposer à leur témoignage ses pensées d'un jour! Nous verrons qui l'osera quand, tout à l'heure, réveillant les générations éteintes, et convoquant les peuples qui ne sont plus, ils se lèveront de leur poussière pour venir déposer en faveur des droits de Dieu et des immortels destins de l'homme.

Sur quoi

Et pourquoi périrait-il? qui l'a condamné? juge-t-on qu'il finisse d'être? ce corps qui se décompose, ces ossements, cette cendre, est-ce donc l'homme? la philosophie se hâte trop de sceller la tombe.

1

Non, non, et
Qu'elle nous

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montre des parties distinctes dans la pensée, alors nous comprendrons qu'elle puisse se dissoudre. Elle ne l'a pas fait, elle ne le fera jamais; jamais elle ne divisera l'idée de justice, ni ne la concevra divisée en différentes portions ayant entre elles des rapports de grandeur, de forme et de distance; elle est une, ou elle n'est point. Et le désir, l'amour, la volonté voit-on clairement que ce soit des propriétés de la matière, des modifications de l'étendue? Voit-on clairement qu'une certaine disposition d'éléments composés produise le sentiment essentiellement simple, et qu'en mélangeant des substances inertes, il en résulte une substance active, capable de connaître, de vouloir et d'aimer! Merveilleux effet de l'organisation! Cette boue que je foule aux pieds n'attend qu'un peu de chaleur, un nouvel arrangement de ses parties, pour devenir de l'intelligence, pour embrasser les cieux, en calculer les lois, pour franchir l'espace immense, et chercher, par de là touts les mondes non sculement, visibles, mais imaginables, un infini qui la satisfasse: atôme à l'étroit dans l'univers! certes, je plains les esprits assez faibles pour croupir dans ces basses illusions; que si encore ils s'y complaisent, s'ils se doutent d'être détrompés, je n'ai point de termes pour exprimer l'horreur et le mépris qu'inspire une pareille dégradation.

„Et que disent-ils cependant? Ils appèlent les sens en témoignage; ils veulent que la vie s'arrête là où s'arrêtent les yeux: semblables à des enfants qui, voyant le soleil descendre au-dessous de l'horizon, le croiraient à jamais éteint. Mais quoi! sont-ils donc les seuls qu'ait frappés le triste spectacle d'organes en dissolution? Sont-ils les premiers qui aient entendu le silence du sépulcre? Il y a six mille ans que les hommes passent comme des ombres devant l'homme, et néanmoins le genre humain, défendu contre le prestige des sens par une foi puissante et par un sentiment invincible, ne vit jamais dans la mort qu'un changement d'existence, et, malgré les contradictions de quelques esprits dépravés, il conservera toujours, comme un dogme de la raison générale, une haute tradition de l'immortalité. Que ceux-là donc qui la repoussent, se séparent du genre humain, et s'en aillent à l'écart porter aux vers leur pâture, un coeur palpitant d'amour pour la vérité, la justice, et une intelligence qui connaît Dieu."

XIX. MICHAUD.

Michaud, Mitglied der Akademie.

Werke: Histoire des Croisades; Le Printemps d'un Proscrit;

Correspondance d'Orient.

Départ des Croisés après le Concile de Clermont.

„Depuis le Tibre jusqu'à l'Océan, et depuis le Rhin jusqu'au de là des Pyrénées, on ne rencontrait que des troupes d'hommes revêtus de la croix, jurant d'exterminer les Sarrasins,

et d'avance célébrant leurs conquêtes; de toutes parts retentissait le cri des croisés: Dieu le veut! Dieu le veut!

Les pères conduisaient eux mêmes leurs enfants, et leur fesaient jurer de vaincre ou de mourir pour Jésus Christ. Les guerriers s'arrachaient des bras de leurs épouses et de leurs familles et promettaient de revenir victorieux. Les femmes, les veillards, dont la faiblesse restait sans appui, accompagnaient leurs fils ou leurs époux dans la ville la plus voisine, et, ne pouvaient se séparer des objets de leur affection, prenaient le parti de les suivre jusqu'à Jerusalem. Ceux qui restaient en Europe enviaient le sort des croisés et ne pouvaient retenir leurs larmes; ceux qui allaient chercher la mort en Asie étaient pleins d'espérance et de joie.

„Parmi les pélerins partis des côtes de la mer, on remarquait une foule d'hommes qui avaient quitté les îles de l'Océan. Leurs vêtements et leurs armes, qu'on n'avait jamais vus, excitaient la curiosité et la surprise. Ils parlaient une langue qu'on n'entendait point; et pour montrer qu'ils étaient chrétiens, ils élevaient deux doigts de leur main l'un sur l'autre en forme de croix. Entrainés par leur exemple, et par l'esprit d'enthousiasme répandu partout, des familles, des villages entiers partaient pour la Palestine; ils étaient suivis de leurs humbles pénates; ils emportaient leurs provisions, leurs ustensiles, leurs meubles. Les plus pauvres marchaient sans prévoyance, et ne pouvaient croire que celui qui nourrit les petits oiseaux laissât périr de misère des pélerins revêtus de sa croix. Leur ignorance ajoutait à leur illusion, et prêtait à tout ce qu'ils voyaient un air d'enchantement et de prodige; ils croyaient sans cesse toucher au terme de leur pélerinage. Les enfants des villageois, lorsqu'une ville ou un château se présentait à leurs yeux, demandaient si c'était là Jérusalem. Beaucoup de grands seigneurs qui avaient passé leur vie dans leurs donjons rustiques, n'en savaient guère plus que leurs vassaux; ils conduisaient avec eux leurs équipages de pêche et de chasse, et marchaient précédés d'une meute, portant leur faucon sur le poing. Ils espéraient atteindre Jérusalem en fesant bonne chère, et montrer à l'Asie le luxe grossier de leurs châteaux. „Au milieu du délire universel, personne ne s'étonnait de ce qui fait aujourd'hui notre surprise. Ces scènes si étranges, dans lesquelles tout le monde était acteur, ne devaient être un spectacle que pour la postérité.“

(Histoire des Croisades.)

XX. NODIER (Charles).

Nodier, Mitglied der Akademie, Bibliothekar des Arsenals.

Werke: Thérèse Aubert; Trilby; Smarra; Contes & Nouvelles ; La Fée aux Miettes; Souvenirs de la Révolution Française; Le dernier Banquet des Girondins; Voyage pittoresque dans l'ancienne France; Eléments de Linguistique; Nouvelle édition du Dictionnaire de Boiste &c.

Ruines de l'Abbaye de Jumièges.

„La grande église est la partie la plus majestueuse de l'édifice. La destruction a ménagé jusqu'ici ce monument, parcequ'il sert comme d'un fanal diurne aux navires qui remontent la Seine, et cette considération a protégé jusqu'aux ailes du batiment, qui menacent de tout entraîner dans leur chute quand on osera les ébranler. Ainsi, ces vieilles tours, qui révélaient de loin des idées solennelles et religieuses aux voyageurs, et du haut desquelles descendait de la presqu'île le signal de la prière, n'ont pas tout à fait oublié même aujourd'hui, leur première destination. Pendant des siècles, elles ont indiqué aux fidèles la voie de la pénitence et du salut; pendant des siècles elles conserveront, comme un emblême de leur ancien usage, le privilège, d'indiquer la route aux navigateurs. Ainsi toute détruite qu'est l'abbaye de Jumièges, l'existence du peu qui en reste sera encore un bienfait pour l'humanité; et il en est de même de cette foule de monuments d'où l'impiété a entrepris de chasser Dieu. Elle a en beau faire, dans son délire, elle a renversé inutilement les monastères et les églises, parcequ'il n'était pas en son pouvoir d'effacer leurs ruines, ces ruines vivantes qui serviront de témoins au Christianisme, quand toutes les vaines théories du siècle seront passées. Le marinier de ces rivages sait bien que la main de l'homme trouble envain la poussière des tombeaux, et qu'elle ne peut rien sur le repos des martyrs. Quand la rivière, déjà large et honteuse à cette hauteur, est repoussée par des marées violentes, élevée par les grandes eaux et tourmentée par les orages, ils se recommande avec confiance aux saints de Jumièges, protecteurs familiers et accoutumés de son bateau, et il rève sans inquiétude le plaisir du retour.

„La petite église, à la gauche de celle-ci, est également une reconstruction, une ruine élevée sur des ruines. De grandes parties des entablements et des voûtes que le temps et les révolutions ont déjà mis à découvert, laissent distinguer de larges couches d'ossements, extraits des cimetières des moines pour suppléer à la pierre qui manque dans ces marais. Souvent on les voit blanchir à l'angle émousé d'une ogive qui s'écroule, et l'ame est frappé de terreur à l'aspect de ces grandes masses de pierres qui se désunissent comme au jour de la résurrection, pour rendre à la nature les débris humains qu'elles ont si longtemps renfermés, et qui découvrent à l'oeil étonné du vautour un ossuaire suspendu dans les nuages. La mort est partout où s'imprime le pied, partout où s'attachent les yeux. Quelle époque dans l'histoire du globe, que celle où sur un sol factice, composé des restes d'une végétation qui a changé de forme, les monuments des arts eux mêmes ne s'élèvent plus qu'aux dépens des tombeaux!

(Thérèse Aubert.)

XXI. DE PONGERVILLE.

Pongerville, Mitglied der Akademie.

Werke: Traduction de Lucrèce en Vers; Les Amours Mythologiques (trad. d'Ovide); Epitres et Poésies; Traduction du Paradis perdu de Milton, en prose.

L'Indépendance du Poète.

Qu'un poète soit libre en son noble desir!
Le poète pour juge a la postérité,

Et sa gloire répond de sa témérité.

S'il mèle à ses doux chants la vérité mordante,
Profanes, respectez sa verve indépendante!
Craignez moins de son vers l'énergique âpreté
Que l'encens du Tartufe à genoux présenté. . .
O vous qui du pouvoir cultivez la science,
Pour juge à l'écrivain laissez sa conscience,
Dans le fruit savoureux il glisse le poison.
Cependant que pourraient les fers et la prison?
Le martyre au talent ajoute un nouveau lustre,
Fait du moindre agresseur un adversaire illustre:
Mille échos à l'envi vont répéter ses chants,
Et ses plus faibles traits sont des glaives tranchants.
Mais dut-il épancher les trésors du génie,
Si sa mure effrontée arme la calomnie,
L'avenir indigné, flétrissant ses excès,
Fait succéder l'opprobre à de lâches succés.
Abandonnez au temps le soin de votre gloire,
La vengeance souvent rougit de sa victoire.
On cesse d'être grand dés qu'on est rigoureux;
Et le coeur le plus pur est le plus généreux.
Saladin de son camp approchait en silence,
A l'heure où des soldats l'oisive turbulence
Mèle à des jeux grossiers l'image des combats;
Une lourde chaussure, objet de leurs débats
Par leurs mains tour à tour malignement saisie
Frappe au front qui pesait les destins de l'Asie.
Mais l'outrage au sultan ne pouvait parvenir;
Il ne l'aperçut pas de peur de le punir.
Je m'arrête à ces mots; car déjà la critique
A ma muse rêveuse en souriant réplique:
Courage, fais pour nous revivre un Saladin,
Et cherche dans nos bois les palmiers du Jourdain.

(Trad. de Lucrèce.)

XXII. ROYER-COLLARD.

Royer-Collard, Mitglied der Akademie.

Werke: Mélanges de Philosophie; Discours Politiques.

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