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son maître, il le louait avec tout l'enthousiasme de la plus vive admiration. Il traduisait ses ouvrages; et si ses traductions étaient parvenues jusqu'à nous, il est probable que Cicéron se serait mis lui-même pour jamais au-dessus de Démosthènes. C'est la force irrésistible du raisonnement, c'est l'entraînante rapidité des mouvements oratoires qui caractérisent l'éloquence de l'orateur athénien; il n'écrit que pour donner du nerf, de la chaleur, de la véhémence à ses pensées; il parle, non comme un écrivain élégant, mais comme un homme passionné que la vérité tourmente, comme un citoyen menacé du plus grand des malheurs, et qui ne peut plus contenir les transports de son indignation contre les ennemis de sa patrie. C'est l'athlète de la raison; il la défend de toutes les forces de son génie, et la tribune où il parle devient une arène. Il subjugue à la fois ses auditeurs, ses adversaires, ses juges; il ne paraît point chercher à vous attendrir: écoutez-le cependant, et il vous fera pleurer par réflexion. I accable ses concitoyens des reproches, mais alors il n'est que l'interprête de leurs propres remords. Réfuse-t-il un argument? il ne discute point, il propose une simple question pour toute réponse, et l'objection ne reparaîtra jamais. Veut il soulever les Athéniens contre Philippe? Ce n'est plus un orateur qui parle, c'est un général, un roi, un prophète, c'est l'ange tutélaire de sa patrie; et quand il ménace ses concitoyens de l'esclavage, on croit entendre retentir dans le lointain, de distance en distance, le bruit des chaînes que leur apporte le Tyran.

(Discours sur l'Eloquence.)

Fragment d'un Discours sur le Droit de Paix et de Guerre, accordé et disputé par les Députés à la Prérogative Royale.

On dit que les rois abuseront de ce terrible droit de la guerre, s'il leur est délégué par la nation. Les rois en abuseront! Je le crains sans doute, puisqu'ils en ont abusé. Mais quelle république, quel sénat n'en abusa dans touts les temps? Voyez s'il suffit de jouir de la liberté, pour respecter la liberté des peuples voisins; voyez si les états les plus libres n'ont pas été les plus ambitieux et les plus guerriers; voyez si les Romains ne furent pas les plus injustes, les plus opiniâtres et les plus atroces de touts les conquérants; voyez si les emportements populaires n'ont entraîné les guerres les plus absurdes et les plus odieuses et hâtez-vous de changer par l'autorité de vos décrets la nature humaine, si vous voulez prévenir touts les abus, et atteindre à la perfection idéale du gouvernement, dont l'histoire du monde ne nous fournit encore aucun modèle.

Pour accuser les rois et les rendre odieux dans cette discussion, nos adversaires n'ont pas oublié d'outrager indécemment la mémoire de Louis XIV., dont les guerres ont ajouté six ́provinces à son royaume, et nous ont assuré les plus utiles et

les plus solides alliances, en apportant, avec l'héritage de CharlesQuint, tant de couronnes dans sa maison. Je n'excuse point sans doute l'ambition de ce grand roi, qui, au lit de la mort, demanda lui-même pardon à ses sujets de soixante ans de gloire: mais je dis que ses détracteurs sont coupables, s'ils prétendent qu'il n'a jamais pris les armes, sans commettre une injustice.

D'autres se sont montrés bien plus hardis encore, et Henri IV. lui-même, le seul roi dont le peuple conserve et bénisse la mémoire, n'a pu trouver grace devant eux. Henri IV., nous a-t-on dit, allait, au moment de sa mort, allumer la guerre dans toute l'Europe, uniquement déterminé par son amour pour Charlotte de Montmorency, princesse de Condé que son mari venait de lui ravir en la conduisant à Bruxelles. Permettezmoi, permettez à un représentant de la nation, de réclamer dans ce sanctuaire une grande pensée pour la gloire de Henri. Ombre auguste! ombre chérie! sors du tombeau, viens demander justice à la nation assemblée: le plus beau de tes projets est méconnu. Viens éprouver en ce moment ce que peut encore sur des Français le souvenir d'un grand roi! viens, montre-nous ce sein encore percé du fer dont la calomnie arma les mains impies du fanatisme! viens, l'admiration et les larmes de tes enfants vont venger ta mémoire! Non, Messieurs, Henri IV. n'allait point mettre l'Europe en feu pour satisfaire une passion insensée: il allait exécuter un projet médité depuis vingt et un ans: un projet qu'il avait concerté avec la reine Elisabeth par une correspondance suivie et une ambassade particulière. Ce roi, général et soldat, qui savait calculer les obstacles, parce qu'il était accoutumé à les vaincre, voulait entreprendre une guerre de trois ans, pour former de l'Europe une vaste confédération, et pour léguer au genre humain le superbe bienfait d'une paix perpétuelle. Touts les fonds de cette entreprise étaient prêts; touts les evènements étaient prévus. Pendant quinze ans il n'avait pu persuader son ami Sully, dont le caractère sage et précautionné ne pouvait se livrer à aucune illusion, et encore moins aux illusions de la gloire. Mais Sully, convaincu enfin par Henri IV., reconnut que le plan de son héros était juste, facile et glorieux. C'est cette sublime conception du génie, de Henri IV.; c'est cette guerre politique et vraiment populaire, dont le succès devait faire de notre Henri le plus grand homme de l'histoire moderne, disons mieux, le plus grand homme qui eût jamais paru dans le monde; c'est ce magnifique résultat de vingt et une années de réflexions, qu'on ne rougit pas de nous présenter ici comme le monument de la plus honteuse faiblesse! A milieu des préparatifs de son départ pour l'Allemagne, le bon Henri, le vainqueur de la Lique, de l'Espagne, de Mayenne, le héros d'Ivry, d'Arques, de Fontaine-Française, le seul conquérant légitime, le meilleur de touts les grands hommes, avait une si haute idée de son projet, qu'il ne comptait plus pour rien toute

sa gloire passée, et qu'il ne fondait plus sa renommée que sur le succès de cette conquête immortelle de la paix. Quatre jours avant sa mort il écrivait à Sully: Si je vis encore Lundi, ma gloire commencera Lundi. O ingratitude d'une aveugle postérité! O incertitude des jugements humains! Si je vis encore Lundi, ma gloire commencera Lundi. Hélas! il ne vécut pas jusqu'au Lundi, et ce fut le Vendredi que le plus exécrable des parricides rendit nos pères orphelins, et fit verser à toute la France des larmes qu'une révolution de deux siècles n'a pas encore pu tarir. (Discours prononcés à l'Assemblée Nationale.)

XLI. SAINT ANGE (Ange François Fariau de). Saint-Ange ward den 13. Oktober 1747 in Bleis geboren und starb in Paris den 8. Dez. 1810; berühmt als Ueberseßer, und Mitglied der Akademie. Saint-Ange hat Ovid's Metamorphosen und Fasten, und andere klassische Werke übersetzt; von allen ist erstere die gelungenste und die beste französische Ueberseyung dieses Autors. Wenn der Ueberseßer oft auch sich vom Originale entfernt, so zeichnet er sich doch stets durch glänzenden Versbau, Korrektheit der Sprache und edle Einfachheit des Styls aus.

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La Peste d'Egine.

Un mal contagieux d'abord frappe à la fois

La brebis au bercail et le loup dans les bois;

Le chien meurt près de l'homme, et l'oiseau sous la nue.
Le triste laboureur, courbé sur sa charrue,

Voit le boeuf sans vigueur tomber dans le sillon.
L'agneau bêle, maigrit, sèche, et perd sa toison.
Regrettant les combats, la palme et la carrière,
Le coursier généreux, couché sur la litière,
S'indigne de mourir d'une mort sans honneur.
Le sanglier féroce a perdu sa fureur;

L'ours affreux, des troupeaux ne trouble plus l'empire;
Le cerf ne bondit plus: tout languit, tout expire.

Dans les champs, dans les bois, sur les chemins, partout,
On ne voit que la mort, l'horreur et le dégoût.

Que dis-je? Les vautours, les chiens, les loups avides
N'osent même approcher de ces restes livides;
Et ce venin de mort, par les vents emporté,
Répand dans l'air infect un air plus infecté.

De la contagion l'homme a senti l'atteinte
Et des vastes cités elle habite l'enceinte.
Le visage est d'abord rouge de feux ardents,
Symptômes du venin qui s'allume au dedans.
La langue se dessèche, et la bouche avec peine
Aspire en haletant une fiévreuse haleine.

Le lit irrite encor ce feu contagieux.
Oh! que le moindre voile est un poids odieux!
Nu, couché sur la dure, on s'étend sur la terre,
Et sans se rafraîchir on échauffe la pierre.

Rien n'arrête le cours de ce fléau fatal:

Le médecin lui-même est victime du mal.

L'ami, pour prix des soins de l'ami qui lui reste,
Lui laisse du tombeau l'héritage funeste.

Plus d'espoir de salut: touts, dans leur dernier sort,
Pour remède à leurs maux n'attendent que la mort.
Nul ne veut s'abstenir, nul ne veut se contraindre;
Comme ils n'espèrent plus, ils ne peuvent plus craindre.
Ils vont nus, sans pudeur, près des sources conduits,
Se plonger dans un fleuve, ou sur le bord des puits
Pencher avidement leur tête appesantie.

Là, leur soif à la fin s'éteint avec leur vie:
Et l'onde, où, las de boire, ils tombent expirants,1
De flots chargés de morts abreuve des mourants.

(Les Métamorphoses d'Ovide.)

XLII. MIRABEAU (Honore Gabriel Riquetti, Comte de). Mirabeau, in Bignon bei Nemours den 9. März 1749 geboren, starb den 2. April 1791; einer der größten Redner der neueren Zeiten.

fann.

Das Leben Mirabeau's wird hier nicht berührt werden; seine lite= rarischen Produkte sind folgende: Essai sur le Despotisme. La Monarchie pryssienne. Histoire secrète et anecdotes de la Cour de Berlin. Sur les Lettres de Cachet et les prisons d'Etat. Lezteres ist eines seiner besten Werke, worin er sich mit Kraft gegen Tyrannei und Staatsstreiche erhebt. Er war hierin kompetenter Richter, wie man aus dem ersten Bruchstücke ersehen De la Réforme des Juifs et sur Moses Mendelsohn. Conseils à un jeune Prince qui veut refaire son éducation mit folgendem Motto: Nimis enim verum est, cui plus licet quam par est, semper plus vult quam Lettre sur Cagliostro et Lavater; Lettres à Champfort. Mirabeau's Styl ist kernig, nicht immer korrekt; aber seine Denkmäler ewigen Ruhms sind jene berühmten Reden, die den Sturz des alten Systems Frankreichs bezweckten und dem durch so viele Jahrhunderte von Sklaverei gelähmten Volke Rechte und Freiheit wiedergaben, die von Tyrannen und erbärmlichen Höflingen bisher mißkannt gewesen waren.

licet.

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Mirabeau jugé par lui-même.

Sans doute au milieu d'une jeunesse très orageuse, par la faute des autres, et surtout par la mienne, j'ai eu de grands torts, et peu d'hommes ont dans leur vie privée donné plus que moi prétexte à la calomnie, pâture à la médisance; mais j'ose vous en attester touts, nul homme public n'a plus le droit de s'honorer de sentiments courageux, de vues désintéressées, d'une fière indépendance, d'une uniformité de principes inflexibles. . . . Mes torts et mes services, mes malheurs et mes succès, m'ont également appelé à la cause de la liberté. Depuis le donjon- de Vincennes et les différents forts du royaume, où je n'avais point élu domicile, mais où j'ai été arrêté par différents motifs, il serait difficile de citer un fait, un écrit, un discours de moi, qui ne montrât un grand et énergique amour de la liberté. J'ai vu cinquante quatre lettres de cachet dans ma famille; oui, messieurs cinquante 1 Expirants (Siehe Racine, Voltaire.).

quatre, et j'en ai eu dix-sept pour ma part. Ainsi, vous voyez que j'ai eté partagé en aîné de Normandie. Si l'amour de la liberté m'a procure de grandes jouissances, il m'a donné aussi de grandes peines et de grands tourments. Je suis fier, par le sentiment de mon courage, de ma force, de ma droiture, des injustices mêmes1 qui m'ont été fites, et je suis peu humilié par2 mes inombrables fautes et défauts3 parce qu'ils n'entachent en rien mon honneur. (Discours prononcés à la tribune Nationale)

La Tribune veuve de Mirabeau.

Personne n'osait s'emparer du sceptre que Mirabeau avait laissé vacant; ceux qui le jalousaient le plus paraissaient les plus embarassés: s'agitait-il une question importante, touts les yeux se tournaient machinalement vers la place qu'occupait Mirabeau; on semblait l'inviter à se rendre à la tribune, et attendre, pour former une opinion, qu'il eût éclairé l'assemblée.

(Le marquis de Ferrières.)

Discours contre la Banqueroute. — Nécessité d'un Subside extraordinaire.

Croyez-vous, parce que vous n'aurez pas payé que vous ne devrez plus rien? Croyez-vous que les milliers, les millions d'hommes qui perdront en un instant, par l'explosion terrible ou par les contrecoups, tout ce qui fesait la consolation de leur vie, et peut-être l'unique moyen de la sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime? Contemplateurs stoïques des maux incalculables que cette catastrophe vomira sur la France, impassibles égoïstes, qui pensez que ces convulsions du désespoir passeront comme tant d'autres, et d'autant plus rapidement qu'elles seront plus violentes, êtes-vous bien sûrs que tant d'hommes sans pain vous laisseront tranquillement savourer ces mets dont vous n'aurez voulu diminuer ni le nombre ni la délicatesse? Non; vous périrez: et dans la conflagration universelle que vous ne frémirez pas d'allumer, la perte de votre honneur ne sauvera pas une seule de vos détestables jouissances. Voilà où nous marchons. Il est donc bien magnanime, l'effort de donner une portion de son revenu pour sauver tout ce qu'on possède!... C'est la prudence la plus ordinaire, la sagesse la plus triviale, c'est l'intérêt le plus grossier que j'invoque. Je ne vous dis plus comme autrefois: „Donnerez-vous les premiers aux nations le spectacle d'un peuple assemblé pour manquer à la foi publique." Je ne vous dis plus: Eh! quels titres avezvous à la liberté, quels moyens vous resteront, si, dès votre premier pas, vous surpassez les turpitudes des gouvernements

1 Des injustices mêmes; même durfte nicht flektirt werden, weil mehrere Subst. vorangehen. humilié par, man hätte auch de sagen können.

2

3

fautes et défauts; Mirabeau wiederholt hier das adjektivische Fürwort nicht; ein Beleg für die eben über die Wiederholung des Artikels angegebene Regel. (S. Roland.) 4 jalousaient, neues Wort, Jemanden beneiden.

5 On proposait ce moyen extrême comme seul remède aux maux et à la pénurie de l'Etat.

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