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Mais désolé, mais pâle, et dévorant des pleurs
Qu'arrachait de ses yeux l'excès de ses douleurs.
J'ai voulu lui parler; plein de l'horreur profonde
Qu'inspirait à mon coeur l'effroi d'un autre monde?
Quel est ton sort? lui dis-je; apprends-moi quel tableau
S'offre à l'homme étonné dans ce monde nouveau.
Croirai-je de ces dieux que la main protectrice
Par d'éternels tourments sur nous s'appesantisse?
„O mon fils, m'a-t-il dit, ne m'interroge pas.
Ces leçons du cercueil, ces secrets du trépas,
Aux profanes mortels doivent être invisibles.
Que du Ciel sur les rois les arrêts sont terribles!
Ah! s'il me permettait cet horrible entretien,
La pâleur de mon front passerait sur le tien,
Nos mains se sécheraient en touchant la couronne,
Si nous savions, mon fils, à quel titre il la donne.
Vivant, du rang suprême on sent mal le fardeau :

Mais qu'un sceptre est pesant quand on entre au tombeau!"

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Oh! m'écriai-je, Ombre chère et terrible,

Pourquoi des bords muets de ce monde invisible,
Confident des tombeaux, viens-tu m'entretenir,
Moi, qu'avec toi bientôt mes douleurs vont unir?
Ne laisse point sortir de tes lèvres glacées

Ces hauts secrets des dieux que troublent nos pensées.
Hélas! pour t'obéir ai-je assez de vertu?

Je t'écoute en tremblant: réponds, que me veux-tu?
„O mon fils, m'a-t-il dit, je viens enfin t'apprendre
Quel sang tu dois verser pour apaiser ma cendre:
On croit qu'un mal cruel trancha soudain mes jours.
Ainsi les noirs complots sont voilés dans les cours.
Ta mère qui l'eût dit? oui, ta mère perfide
Osa me présenter un poison parricide;
L'infâme Claudius, du crime instigateur,

Fut de ma mort surtout le complice et l'auteur.“
Je m'éveille à ces mots: hélas! mon cher Noraste,
Je me suis élancé hors de mon lit funeste;
Plein de l'objet affreux qui troublait mes esprits,
J'ai rempli ce palais d'épouvantables cris.

J'ai couru tout tremblant, faible, éperdu, sans suite. . .
Le spectre, à mes côtés, semblait presser ma fuite.
Cette ombre, ces forfaits, ce récit plein d'horreur
Dans mon coeur expirant jète encor la terreur.
(Hamlet, Act. II, sc. V.)

L'Amitié.

Noble et tendre Amitié, je te chante en mes vers:
Du poids de tant de maux semés dans l'univers,

Par tes soins sonsolants, c'est toi qui nous soulages.
Trésor de touts les lieux, bonheur de touts les âges,
Le Cel te fit pour l'homme, et tes charmes touchants
Sont nos derniers plaisirs, sont nos premiers penchants.
Qui de nous, lorsque l'ame encor naïve et pure
Commence à s'émouvoir, et s'ouvre à la nature,
N'a pas senti d'abord, par un instinct heureux,
Le besoin enchanteur, ce besoin d'être deux,
De dire à son ami ses plaisirs et ses peines?
D'un zéphir indulgent si les douces haleines
Ont conduit mon vaisseau vers des bords enchantés,
Sur ce théâtre heureux de mes prospérités,
Brillant d'un vain éclat, et vivant pour moi-même,
Sans épancher mon coeur, sans un ami qui m'aime,
Porterai-je en moi seul, de mon ennui chargé,
Tout le poids d'un bonheur qui n'est point partagé?
Qu'un ami sur mes bords soit jeté par l'orage,
Ciel! avec quel transport je l'embrasse au rivage!
Moi-même entre ses bras si le flot m'a jeté,
Je ris de mon naufrage et du flot irrité.
Oui, contre deux amis la fortune est sans armes;
Ce nom repare tout: sais-je, grâce à ses charmes,
Si je donne ou j'accepte? Il efface à jamais
Ce mot de bienfaiteurs, et ce mot de bienfaits.
Si, dans l'été brûlant d'une vive jeunesse,
Je saisis du plaisir la coupe enchanteresse,
Je veux, le front ouvert, de la feinte ennemi,
Voir briller mon bonheur dans les yeux d'un ami.
D'un ami! Ce nom seul me charme et me rassure.
C'est avec mon ami que ma raison s'épure,
Que je cherche la paix, des conseils, un appui.
Je me soutiens, m'éclaire, et me calme avec lui;
Dans des pièges trompeurs si ma vertu sommeille,
J'embrasse, en le suivant, sa vertu qui m'éveille,
Dans le champ varié de nos doux entretiens,
Son esprit est à moi, ses trésors sont les miens.
Je sens, dans mon ardeur, par les siennes pressées,
Naître, accourir en foule, et jaillir mes pensées.
Mon discours s'attendrit d'un charme intéressant,
Et s'anime à sa voix du geste et de l'accent.
(Epitre sur l'Amitié.)

XXX. LEMIÈRE (Antoine-Marin).

Lemière ward 1733 in Paris geboren und starb den 4. Jult

1793; Mitglied der französischen Akademie und tragischer Dichter.

Seine ersten Versuche wurden mit Beifall aufgenommen; 1758 erschien Hypermnestra, bald darauf Guillaume Tell, und ein Jahr später la Veuve de

Malabar, welches Stück La Harpe une pièce mauvaise de tout point" nennt. Von dem 1790 aufgeführten Barnevelt führt man noch einen schönen Vers an: Barnevelt's Sohn räth dem Vater, sich durch den Tod der Schande der Hin-» richtung zu entziehen, und sagt ihm: Caton se la donna. Barnevelt entgeg=

net: Socrate l'attendit. Die übrigen Tragödien sind vergessen.

Während der Schreckenszeit der Revoluzion fragte man diesen Dichter, weßhalb er sich nicht mehr mit Trauerspielen befasse: „La tragédie court les rues, entgegnete er.

Er hat außer diesen Tragödien zwei Gedichte, la Peinture und les Fastes, hinterlassen, worin die größten Schönheiten mit unkorrekter Sprache vermengt sind. Lemière verdankte nur der Wahl des bearbeiteten Stoffes und oft den ihm eigenen Theaterstreichen seinen ehemaligen Ruf.

Le Clair de Lune.

Mais de Diane au ciel l'astre vient de paraître;
Qu'il luit paisiblement sur ce séjour champêtre!
Eloigne tes pavots, Morphée, et laisse-moi
Contempler ce bel astre, aussi calme que toi.
Cette voûte des cieux mélancolique et pure,
Ce demi-jour si doux levé sur la nature.
Ces sphères qui, roulant dans l'espace des cieux,
Semblent y ralentir leur cours silencieux;
Du Disque de Phébé la lumière argentée
En rayons tremblotantes sous ces eaux répétée,
Ou qui jète en ces bois, à travers les rameaux,
Une clarté douteuse et des jours inégaux;
Des différents objets la couleur affaiblie,
Tout repose la vue, et l'ame recueillie.
Reine des Nuits, l'amant devant toi vient rêver,
Le sage réfléchir, le savant observer.

Il tarde au voyageur, dans une nuit obscure,
Que ton pâle flambeau se lève et le rassure:
Le ciel d'où tu me luis est le sacré vallon,
Et je sens que Diane est la soeur d'Apollon.
(Les Fastes.)

Expression des Passions.

Peins sous un air pensif l'ardente Ambition;

Donne à l'Effroi l'oeil trouble, et que son teint pâlisse;
Met comme un double fond dans l'oeil de l'Artifice;

Que le front de l'Espoir paraisse s'éclaircir;

Fais pétiller l'ardeur dans les yeux du Désir;
Compose le visage et l'air de l'Hypocrite;
Que l'oeil de l'Envieux s'enfonce en son orbite;
Elève le sourcil de l'indomptable Orgueil;
Abaisse le regard de la Tristesse en deuil;
Peins la Colère en feu, la Surprise immobile,
Et la douce Innocence avec un front tranquille.
(La Peinture.)

XXXI. MALFILATRE (Jacques Charles Loais de Clinchamp de). Malfilâtre aus Caen, geboren den 8. Oktober 1733, gestorben den 6. März 1767; ein junger Dichter, der seine Tage im Unglück verbrachte, und, zu großen Erwartungen berechtigend, leider zu früh verblühte. Gilbert, dessen Ende eben so tragisch war, wie das feinige, hat ihn durch folgenden Vers verherrlicht:

„La faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré." Man behauptet jedoch, daß es die Liederlichkeit und nicht der Hunger war, wodurch sein frühzeitiger Tod verursacht wurde.

Malfilâtre hat mehrere Oden hinterlassen, die von der Akademie zu Rouen gekrönt wurden, einige Nachbildungen der Psalmen, mehrere Bruchs stücke der Eklogen und der Georgika Virgil's, und endlich ein lyrisch - romantisches Gedicht Narcisse dans l'Ile de Vénus, fein_hauptsächlichstes Werk, das erst nach seinem Tode veröffentlicht wurde, und sich durch einzelne schöne Züge und reiche Entfaltung des Stoffes auszeichnet. Es beurkundet den mit poetischem Geist gebornen Dichter, einen Dichter, der die Alten studirt hat, und sich ihre Schönheiten aneignet. Mehrere Züge erinnern an Ovid's Leichtigkeit und an Virgil's harmonische Anmuth, weßhalb man den Tod dieses jungen Talents nicht genug betrauern kann.

Les deux Serpents.

A cet autel de gazons et de fleurs
Déjà la main des sacrificateurs
A présenté la génisse sacrée,

Jeune, au front large, à la corne dorée;
Le bras fatal, sur la tête étendu,

Prêt à frapper, tient le fer suspendu . . .

Un bruit s'entend... l'air siffle... l'autel tremble.
Du fond du bois, du pied des arbrisseaux,
Deux fiers serpents soudain sortent ensemble,
Rompent de front, vont à replis égaux;
L'un près de l'autre ils glissent, et sur l'herbe
Laissent, loin d'eux, de tortueux sillons;
Les yeux en feu, lèvent d'un air superbe
Leurs cous mouvants, gonflés de noirs poisons;
Et vers le ciel deux menaçantes crêtes,
Rouges de sang, se dressent sur leurs têtes.
Sans s'arrêter, sans jeter un regard
Sur mille enfants fuyants de toute part,
Le couple affreux, d'une ardeur unanime,
Suit son objet, va droit à la victime,
L'atteint, recule, et de terre élancé,
Forme cent noeuds, autour d'elle enlacé;
La tient, la serre; avec fureur s'obstine
A l'enchaîner, malgré ses vains efforts,
Dans les liens de deux flexibles corps;
Perce de traits d'une langue assassine,
Son cou nerveux, les veines de son flanc;
Poursuit, s'attache à sa forte poitrine,
Mord et déchire et s'enivre de sang.

1

Mais l'animal que leur souffle empoisonne,
Pour s'arracher à ce double ennemi
Qui, constamment sur son corps affermi,
Comme un réseau, l'enferme et l'emprisonne,
Combat, s'épuise en mouvements divers,
S'arme contre eux de sa dent menaçante,
Perce les vents d'une corne impuissante,
Bat de sa queue et ses flancs et les airs.
Il court, bondit, se roule, se relève;
Le feu jaillit de ses larges naseaux:
A sa douleur, à ses horribles maux
Les deux dragons ne laissent point de trêve.
Sa voix, perdue en longs mugissements,
Des vastes mers fait retentir les ondes,
Les antres creux, et les forêts profondes . . .
Il tombe enfin; il meurt dans les tourments:
Il meurt... Alors les énormes reptiles
Tranquillement rentrent dans leurs asiles.

XXXII. DE SAINT-PIERRE (Jacques Henri Bernardin).

Bernardin de Saint-Pierre, Mitglied des Instituts, einer der berühmtesten franzöfifchen Schriftsteller, ward im Havre den 19. Januar 1737 geboren und starb den 21. Januar 1814. Sein erstes Werk, Voyage à l'Ile de France, erfreute sich nur eines geringen Beifalls. Man erkennt darin bloß den Keim eines künftigen Talents, welches sich erst später, nach eilfjährigen müßsamen Studien entwickelte. Während dieses Zeitraumes arbeitete er unaufhörlich an den Etudes de la Nature. Dieses Werk zeichnet sich durch Adel, Reinheit und Kindlichkeit des Gefühls aus, und beurkundet den freifinnigen Ausleger der Natur und den großen Schriftsteller. Unermeßlich war das diesem Werke gespendete Lob; es folgten darauf les Harmonies de la Nature, l'Arcadie (nicht vollendet), les Voeux d'un Solitaire, Essai sur J. J. Rousseau, le Café de Surate und la Chaumière Indienne, alles sehr interessante Werke, worin, wie Chénier sagt, „Bernard de Saint-Pierre réunit l'art de peindre par l'expression, l'art de plaire à l'oreille par la musique du langage, et l'art suprême d'orner la philosophie par la grâce. Aber des Schriftstellers Meisterwerk, dasjenige, welches mit seinem Namen eng verbunden ist und ihn unsterblich gemacht hat, ist Paul et Virginie, ein Werk, das sich durch ergreifende Einfalt der Sprache und Darstellung auszeichnet. Er spendet darin alle Schäße feines Styls, die Zauberkraft des Worts mit den lebendigsten Färbungen des Gedankens und erhebt sich zu einer Höhe, die er stets behauptet. Dieses Werk ist in fast alle Sprachen überseht worden.

Durozoir hat seine Biographie geschrieben, und Aimé - Martin die beste Ausgabe seiner Werke besorgt.

Bernardin de Saint-Pierre, par Dussault.

Si, comme l'a dit un de nos plus illustres écrivains, tout l'art d'écrire consiste à bien penser, à bien sentir et bien rendre, il est incontestable que Bernardin de Saint-Pierre a possédé, dans un degré très-éminent, deux parties de ce grand art. Sa logique ne satisfait pas toujours le lecteur; ses idées paraissent quelquefois un peu bizarres, lors même qu'il ne cherche pas trop à multiplier les preuves de ses conceptions systématiques; ses raisonnements sont, en général, peu concluants, et l'on doit remarquer au

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